Hygiène et sécurité du travail – n°238 – mars 2015 64 64 ÉTUDES & SOLUTIONS Étu

Hygiène et sécurité du travail – n°238 – mars 2015 64 64 ÉTUDES & SOLUTIONS Étude de cas EXPOSITION AUX POUSSIÈRES SUR LES CHANTIERS DE DÉMOLITION w wLA PROBLÉMATIQUE : Les travaux de démo­ lition produisent des poussières de nature et de taille variées qui, en se dispersant, peuvent avoir un impact sur la santé des travailleurs et des rive­ rains. Et ce, qu’il s’agisse de chantiers en milieu fermé (réhabilitation) ou en milieu ouvert (démoli­ tion totale ou partielle d’un bâtiment). Dans le cadre de sa démarche de prévention des risques profes­ sionnels, le Syndicat national des entreprises de démolition (Sned) souhaitait engager une campagne d’analyse pour quantifier les expositions aux pous­ sières en conditions réelles de travail. L’objectif est d’utiliser ces travaux pour, d’une part, sensibiliser ses adhérents (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et coordonnateurs SPS) et, d’autre part, inciter à la mise en place de techniques d’intervention et de moyens de prévention adaptés à la situation. w wLA RÉPONSE DE L’INRS : Dans le cadre d’une convention de partenariat signée entre le Sned, la Cnamts, l’OPPBTP 2 et l’INRS, une campagne de mesures a été réalisée sur dix chantiers par quatre laboratoires de chimie des Carsat Aquitaine, Nord- Est et Normandie et de la Cram Île-de-France. Parallèlement, le Sned a également signé une convention avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) afin d’évaluer les émissions de poussières des chantiers dans l’environnement. Cette partie n’est pas traitée dans la suite de l’article. Deux grands types d’activité ont été pris en compte : les chantiers de curage et les chantiers de démolition (Cf. Encadré). Les mesures d’exposition aux poussières ont porté principalement sur des bâtiments anciens construits avant 1949, à usage d’habitation ou tertiaire, et sur des bâtiments d’habitation en béton datant des années 1960 et 1970. Un chantier de curage de pavillons récents a également fait l’objet de mesures. À noter que les diagnostics plomb et amiante ont été effectués sur les chantiers et le désamiantage préalable­ ment réalisé quand cela était nécessaire. Un état des lieux des différents postes de travail a tout d’abord été réalisé. Sept chantiers de curage ont ainsi été étudiés (trois de bâtiments anciens, trois d’immeubles d’habitation récents en béton et un de pavillon d’habitation récent). Ces observa­ tions ont montré que le travail est surtout manuel. Les opérateurs sont chargés de l’enlèvement de tout ou partie des éléments non structuraux des bâtiments. Les tâches de tri et de manutention de gravats sont celles qui nécessitent le plus de main d’œuvre. Sur certains chantiers, des mini- engins peuvent toutefois être utilisés lorsque la structure des planchers peut supporter leur poids. Ils servent alors à la dépose des matériaux et à l’évacuation des gravats. Neuf chantiers d’abattage (quatre d’immeubles en béton, quatre d’immeubles anciens en site urbain et un d’un bâtiment industriel à structure métal­ lique) et deux chantiers d’écrêtage ont également été analysés. Il a été constaté que le nombre d’opé­ rateurs présents est plus faible. En abattage, des engins équipés de cabines fermées réalisent les principales tâches (démolition, tri et chargement des gravats dans des camions). Les personnels au sol sont chargés de l’assistance aux engins (tri, BRUNO COURTOIS 1 INRS, département Expertise et conseil technique LES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DE DÉMOLITION Le curage consiste à enlever dans un bâtiment tout ou partie des constituants non structurels (cloisons, faux plafonds, revêtements de sol, portes, fenêtres, isolation, réseaux électrique, d’eau ou de chauffage…). Il précède soit une réhabilitation, soit une démolition du bâtiment. Avant démolition, le curage répond à un objectif de développement durable. Dans ce cas, il est imposé par la réglementation afin de faciliter le recyclage des déchets vers la filière adaptée. Les chantiers de démolition comprennent les chantiers d’abattage (démolition complète d’un bâtiment), les chantiers d’écrêtage (diminution de la hauteur d’un immeuble en l’attaquant par son sommet à l’aide de petits engins, en vue de son abattage) et les chantiers de démolition partielle. Hygiène et sécurité du travail – n°238 – mars 2015 65 65 surveillance, arrosage…). Il est à noter que l’abat­ tage de bâtiments anciens en site urbain nécessite parfois la démolition manuelle de murs mitoyens par des opérateurs utilisant des nacelles éléva­ trices et des outils manuels et mécaniques. Quant à l’écrêtage de bâtiments, il se fait à l’aide de mini- engins sans cabine fermée. Des tâches manuelles sont également réalisées comme la découpe au chalumeau des armatures du béton. Dans toutes ces situations, des prélèvements de la fraction inhalable et de la fraction alvéolaire des poussières ont été effectués sur les opéra­ teurs ou dans l’air ambiant. La fraction inhalable des poussières, ou poussières inhalables, repré­ sente toutes les poussières ayant une taille leur permettant d’être inhalées (diamètre inférieur à 100 µm pour des particules sphériques de den­ sité 1). La fraction alvéolaire des poussières, ou poussières alvéolaires, représente les pous­ sières ayant une taille suffisamment petite pour atteindre les alvéoles pulmonaires (diamètre inférieur à 10 µm pour des particules sphériques de densité 1). Pour les fractions inhalables des poussières, les métaux et en particulier le plomb ont été analysés. Pour les fractions alvéolaires, la silice cristalline a été recherchée. Des prélèvements de fibres miné­ rales d’isolation ont également été réalisés sur un chantier. Il est à noter que le port d’appareil de protection respiratoire n’a pas été pris en compte lors de la réalisation de ces mesures. Que peut-on conclure de ces mesures ? Les chan­ tiers de curage sont ceux pour lesquels on observe les expositions aux poussières les plus importantes (Cf. Tableau 1). Les opérateurs sont, en premier lieu, exposés à la fraction inhalable des poussières et ce, principalement dans les bâtiments anciens. Ces derniers contiennent en effet une part plus importante de matériaux très émetteurs de pous­ sières comme le plâtre, présent dans les plafonds ou les cloisons (briques plâtrières ou plâtre et mâchefer). Sur les trois chantiers de curage de bâtiments anciens étudiés, deux montrent des expositions significatives au plomb. Par contre, les expositions à la fraction alvéolaire des poussières sont généralement faibles, sauf pour des tâches particulières comme la démolition de cloisons à base de plâtre. Les expositions à la silice cristalline sont généralement nulles ou très faibles. Sur les chantiers de curage, les opérateurs peuvent changer de tâche plusieurs fois dans la journée, il n’a donc pas été possible d’étudier précisément chacune d’entre elles. Néanmoins, certaines sont identifiées comme susceptibles d’engendrer un dépassement de la valeur limite d’exposition pro­ fessionnelle, dite VLEP (Cf. Tableau 2), comme la démolition à la masse de cloisons, la découpe au chalumeau ou à la disqueuse d’éléments métal­ liques et l’utilisation de mini-engins en intérieur. Les prélèvements réalisés sur le chantier de curage de pavillons récents avaient comme principal objectif d’évaluer l’exposition des opérateurs aux q TÂCHE PAR TYPE DE CHANTIER POUSSIÈRES INHALABLES DANS LES BÂTIMENTS ANCIENS (moyenne en mg/m3) POUSSIÈRES INHALABLES DANS LES BÂTIMENTS RÉCENTS (moyenne en mg/m3) PLOMB DANS LES BÂTIMENTS ANCIENS (moyenne en mg/m3) PLOMB DANS LES BÂTIMENTS RÉCENTS (moyenne en mg/m3) REMARQUES Curage divers 13,6 6,1 0,1 - - Curage : tri et manutention de déchets en intérieur 8,0 2,3 0,07 - - Curage : démolition de cloison en plâtre 17,3 - - Briques plâtrières possibles dans des bâtiments récents Curage : démolition de cloison en plaques de plâtre 3,8 Découpe au chalumeau 10 0,1 - Curage : mini-engins en intérieur 17 0,08 - - Attention : les résultats donnés pour les tâches précises (quatre dernières lignes du tableau) ne reposent que sur un nombre très limité de prélèvements. AGENT CHIMIQUE VLEP SUR 8 HEURES Poussières inhalables 10 mg/m3 Poussières alvéolaires 5 mg/m3 Silice cristalline : quartz 0,1 mg/m3 Plomb 0,1 mg/m3 Fumées de soudage 5 mg/m3 Fibres minérales d’isolation 1 fibre/m3 Les valeurs en gras sont réglementaires contraignantes, les autres sont indicatives non réglementaires. DTABLEAU 1 Synthèse des expositions significatives observées pour les chantiers de curage. JTABLEAU 2 Valeurs limites d’exposition professionnelle des agents chimiques recherchés sur les chantiers. Hygiène et sécurité du travail – n°238 – mars 2015 66 66 ÉTUDES & SOLUTIONS fibres minérales d’isolation. Elle est en moyenne de 0,28 fibre/litre. Il s’agit d’une exposition modé­ rée, sachant que l’enlèvement des laines d’iso­ lation a représenté de 10 à 20 % du temps de curage. L’absence de fenêtres et le temps humide expliquent en partie ces niveaux d’exposition. L’exposition moyenne aux poussières inhalables est de 3,7 mg/m3. Quant aux chantiers d’abattage ou d’écrêtage, réali­ sés en plein air, ils conduisent à des expositions plus faibles que les chantiers de curage (Cf. Tableau 3). Les expositions à la fraction inhalable des pous­ sières restent malgré tout significatives pour la plupart des postes de travail, tout en étant en moyenne inférieures à la VLEP. Celles cor­ respondant à la fraction alvéolaire sont faibles. Les conducteurs d’engins, partiellement protégés par leur cabine, sont les moins exposés. La plupart des matériaux de structure des bâtiments contenant du quartz (sable, certains granulats), il est logique de trouver des expositions systématiques aux pous­ sières de ce minéral. Cependant, celles-ci restent uploads/Ingenierie_Lourd/ ec8-pdf.pdf

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