1 Éloge à la norme : La conception architecturale et la représentation graphiqu

1 Éloge à la norme : La conception architecturale et la représentation graphique du corps humain Rafael de Souza Dans quelle mesure l’imposition de la norme diminue-t-elle l’importance de la prise en compte d’un individu dans le processus de conception architecturale ? Comprenant le corps en tant qu’une mesure relevant par la conception architecturale, le mot norme se révèle intrigant une fois que c’est par elle qu’on va représenter ce qu’on comprend par un corps dans les différents métiers graphiques, et notamment l’architecture. Comme exemple on peut penser à l’homme vitruvien et la répercussion de la représentation du corps humain jusqu’au modulor de Le Corbusier. Entre Da Vinci et Corbusier la norme d’un corps et sa représentation ont beaucoup changé, mais depuis la renaissance jusqu’à modernité la représentation technique normée est également un homme des dimensions « occidentales ». Le mot « norme » apparait comme une contraction de « gnorima »1, un terme que fait référence à une coquillage spécifique avec une forme en spiral. C’est curieux cette relation entre norme et forme, et dans ce cas-là on peut dire que le mot norme à l’origine viens d’une perfection trouvée dans la nature. Le coquillage que représente le gnorima est utilisé pour figurer la relation géométrique du nombre d’or et une perfection mathématique transposée dans les formes spirales de la nature. De la relation intrinsèque entre norme et perfection en passant par l'étymologie présentée, cet article soulève l'hypothèse que le cadrage du corps humain masculin comme norme est posé de manière à marginaliser les autres corps. Cette marginalité sera vue comme symptomatique dans la représentation graphique des figures humaines, qui trouve écho dans la société. « Representation of the world, like the world itself, is the work of men; they describe it from their own point of view, which they confuse with the absolute truth. » 2 (BEAUVOIR, 1949) La revue « L’esprit nouveau » est une publication d’architecture qui mobilise différents savoirs pour mettre en relation différentes idées, ce qui rend le débat complexe. La tâche que propose une telle publication est ambitieuse et soulève donc de 1 Dictionnaire Littré, 2021. 2 BEAUVOIR Simone, The Second Sex, Ed. Vintage, Nova York, 2011. 2 nombreuses incohérences, où les différents articles défendront des voies pour qu'une telle construction physique et matérielle d'un nouvel individu se produise. La représentation de ce nouvel individu se fait non seulement à travers des mots, mais aussi à travers des pièces graphiques, où la relation entre le texte et l'image est centrale pour exposer l'idéologie présente dans cette publication. Cette étude portera, avant tout, sur la manière dont les figures humaines sont représentées dans les pages de cette publication, où elle part de l'hypothèse que le processus de normalisation de la culture trouve un écho dans la manière dont la ville est construite à travers l'introduction d'industrie et qui favorisent la construction d'un modèle social à suivre, séparant passé et présent en créant les conditions d'une nouvelle ère d'harmonie, de justice et de beauté3 (JO et CHOI, 2003). Le début du XXe siècle se distingue ici par l'émergence pertinente d'une centralité dans la discussion sur la notion de norme dans un contexte architectural et social (LABBÉ, 2021)4, où de nouvelles perspectives sur la composition de la ville, et par conséquent, de l'individu, aussi s'épanouir. Il est questionné sur le processus d'intégration de ces normes dans la conception architecturale, en gardant l'attention sur la représentation des figures humaines comme preuve de ce processus. Dans le métiers graphiques et constructeurs, la norme fait référence à un savoir- faire, une manière spécifique d’exécuter une chose par rapport à l’expérience de quelqu’un d’autre. Par exemple, les différentes normes à suivre dans un projet d’architecture ou dans la conception d’un objet. Aujourd’hui on vit dans un monde normé de différentes manières, la norme est aussi comprise entant qu’une manière d’être, donc beaucoup de normes sont autour de nous (culture, genre, races, statuts, âge, …). Les différentes définitions de norme : - à une moyenne statistique, gén. sans jugement de valeur: la norme se définit par rapport à une fréquence - à un modèle de «type idéal» et quelquefois à une moyenne statistique: le type le plus fréq. étant souvent considéré comme idéal; avec jugement de valeur. Anton. anomalie, anormalité 3 JO Seungkoo, CHOI ImJoo, “Human Figure in Le Corbusier’s Ideas for Cities”, Journal of Asian Architecture and Building Engineering, vol. 2, nº 2, 2003, p. 137. 4 LABBÉ Mickaël, La philosophie architecturale de Le Corbusier: Construire des normes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2021, p. 23 3 - à un modèle de « type idéal »: la norme prescrit ce qui doit être en se basant sur des jugements de valeur. - Règle, loi dans un domaine artistique, scientifique, technique ; conditions que doit respecter une réalisation ; prescription qu'il convient de suivre dans l'étude d'une science, la pratique d'une activité, d'un art. - Ensemble de données (mesures, caractéristiques, qualités, formules de composition) définissant un matériau, un produit, un objet ou un procédé permettant de rendre la production (d'un matériau), la mise en oeuvre (d'un procédé) plus simple, plus efficace, rationnelle ou économique, et de servir ainsi de référence pour résoudre les problèmes répétitifs (d'apr. Rama 1973). Etymologie : Ca 1165 mettre norme a « régler (une affaire)» (Benoît de Sainte-Maure, Troie, 3269 ds T.-L.); 2. 1284 « règle» (Brunet Latin, Trésor, ms B.N. 12581, fol. 9); 3. 1867 « état habituel, régulier» (Hugo, Paris, p.15); 4. 1932 techn. (Catal. instrum. lab. [Prolabo], p.284); 5. 1932 dessin (Lar. 20e). Empr. au lat. norma « équerre, règle, loi». ÉTAT DU SAVOIR La norme dans un contexte architectural n'est pas une nouveauté du XXe siècle, le sujet a été largement débattu pendant des siècles, et de différents points de vue et approches. On peut considérer que l'homme vitruvien était une première figuration qu'essaye de transférer le perfectionnisme de la nature dans un corps d'un homme, en créant une fausse idée de l'humanité en tant qu'une communauté insuffisante, c'est direct normé. A partir de ce moment, la norme devient une manière de définir une règle pour le corps ; en s'éloignant de l'origine du therme qui fait référence à la norme en tant que nature comme un environnement commun. La transposition de la norme dans le corps humain est chargée de créer un idéal d'être. Les traités d'architecture finissent par prendre indirectement position dans cette discussion en établissant une méthode de faire et de penser l'architecture, qui a permis 4 de pérenniser les savoirs constructifs et de consolider l'idée de tradition. L'introduction de l'industrialisation entre le XIXe et le XXe siècle a mis en lumière cette discussion, car les pratiques industrielles nécessitent une standardisation des processus de production. Dans le contexte du XXe siècle, la revue « L'esprit nouveau » ainsi que les travaux théoriques et pratiques de Le Corbusier soulignent l'importance de la norme en architecture à cette époque. « Le Modulor » (1948), publié environ 20 ans après le périodique, couronne cette discussion en établissant une méthode de conception qui place l'homme standardisé au centre de la conception architecturale. Et bien qu'il ne s'agisse pas d'un concept statique, le désir de régler l'impossible finit par annuler les différences que la méthode se propose d'envisager. Dans ce livre, la discussion de ce sujet va à la planche à dessin, puis, la géométrie s'impose comme un pilier dans la justification d'une norme de construction. Bien qu'il y ait un dialogue constant entre ce qui est voulu comme norme et ce qui est à l'écart, afin d'intégrer différents corps et mesures dans ces systèmes, le pouvoir adaptatif du système métrique finit par proposer une norme sur ce qui ne peut pas être normalisé5. Au sein de ce système, qui valorise la généralité dans son discours et son application, l'individu fait partie d’un processus géométrique qui réduit les différences et l'être dans l'espace à des mesures proposées qui partent de la géométrie pour comprendre le corps humain. N'étant pas le seul, la discussion se poursuivra au XXème siècle auprès d'autres auteurs designers qui réfléchiront aux moyens de faire de l'homme une raison géométrique à l'aide du dessin et de la conception. Ernst Neufert (Allemagne, 1900- 1986) a également établi une norme de corps pour une méthodologie de conception qui porte son nom. Neufert (1936) est un livre d'architecture qui contient des mesures universelles pour la conception de différents espaces et programmes en fonction de la mesure du corps humain établie par l'architecte. Comme celui-ci, beaucoup d'autres ont utilisé la géométrie et l'abstraction pour comprendre et représenter le corps humain à travers des mesures. La pratique normative est justifiée par la rationalité exhaustive recherchée par le mouvement moderne, où la réponse aux problèmes architecturaux tendait au pragmatisme. Aulis Blomsted (Finlande, 1906-1979) est un autre architecte qui, à travers une grille, tente de rationaliser les mesures du corps humain pour son processus de conception. Les représentations de ces systèmes prennent des formes différentes selon 5 “Car, en effet, le système normatif corbuséen se constitue et se formule uploads/Ingenierie_Lourd/ eloge-a-la-norme-rafael-de-souza-final.pdf

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