Jean Prouvé, de l’atelier à l’enseignement Transmission d’une culture technique

Jean Prouvé, de l’atelier à l’enseignement Transmission d’une culture technique Hélène Vacher Caroline Bauer Laboratoire d’Histoire de l’Architecture Contemporaine Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy 2014 cahiers du Lhac N°1 2 3 Les Cahiers du LHAC proposent un nouveau support à la disposition des chercheurs et des doctorants du Laboratoire d’Histoire de l’Architecture Contemporaine, des étudiants en architecture engagés dans un parcours de recherche, et s’ouvre, plus largement, à tous les chercheurs en histoire de l’architecture. Cette publication accueillera des contributions portant sur les différents aspects de l’histoire de l’architecture et du patrimoine, dans la durée des XIXème, XXème et XXIème siècles. Il ne s’agit pas de délimiter le périmètre de l’histoire de l’architecture : les jardins, les paysages, les ouvrages d’art, le bâti dit vernaculaire, les enseignements comme les représentations de l’architecture, sont autant d’entrées parmi d’autres. Sans dicter une ligne éditoriale, les Cahiers du LHAC souhaitent tout particulièrement intégrer des perspectives proches ou lointaines, notamment européennes et régionales transfrontalières. Ce nouveau périodique poursuit le projet, toujours renouvelé, d’offrir une tribune aux questionnements afférant aux transformations de l’environnement construit à différentes échelles. Nous ne pouvons que constater, et sans doute regretter, le nombre relativement restreint de revues spécialisées de langue française dédiées à l’histoire de l’architecture, qui font paraître des travaux expérimentaux. Bien des études originales ouvrent sur de nouvelles pistes de recherche, sur des thématiques insuffisamment traitées, mais finissent aux oubliettes des écoles d’architecture faute d’opportunité de publication. Il sera donc fait appel à des textes originaux, qu’ils émanent de chercheurs confirmés ou débutants, ou encore d’étudiants proposant une réflexion sur leurs mémoires ou leurs projets de fin d’études. Dire histoire, c’est aussi dire historiographie, et des travaux anciens, inédits, pourront également trouver leur place dans Les Cahiers du LHAC. Avec ce premier numéro, nous projetons une parution annuelle qui pourra devenir biannuelle selon les contributions à venir. Il a été rendu possible grâce à la collaboration d’Emeline Curien et de Jérôme Huguenin. L’ouvrage est produit par le Laboratoire d’Histoire de l’Architecture Contemporaine et l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy Avant-propos 5 Sommaire 6 Note introductive Hélène Vacher 11 Entre technique et technologie : Jean Prouvé et la construction légère André Guillerme 21 L’enseignement de Prouvé, transmission d’une culture constructive. Gwenaël Querrien 36 D’un enseignement à l’autre, quel héritage ? Christian Enjolras 44 Jean Prouvé, Claude Prouvé : un apprentissage « sur le tas » Jean-Jacques H. Clauss 57 Entretien avec Jean Prouvé, Nancy, 8 juin 1982, par Jean Marie Helwig Présenté par Caroline Bauer 69 Présentation des auteurs 6 Note introductive Hélène Vacher, directrice scientifique du LHAC L’histoire des enseignements en architecture connait un renouveau tant à travers les approches que les objets d’enquête qu’elle sollicite. Comme tout mouvement historiographique, les études qui portent sur la transmission des savoirs en architecture sont filles de leur temps. Elles participent d’un élargissement des questionnements portant sur l’histoire de l’architecture, comme corps de savoirs et comme pratique professionnelle. Partant, elles concourent à stimuler la réflexion sur l’histoire de la discipline architecturale, quand bien même un tel domaine peut apparaître bien hétérogène dans ses outils méthodologiques et la définition de son périmètre. En s’intéressant aux établissements d’enseignement, mais aussi à la presse professionnelle, aux activités éditoriales des architectes ou encore aux entreprises de construction, un puissant courant de recherches propose des éclairages multiples sur les cultures de l’art de bâtir et donne la mesure du chemin parcouru depuis le numéro des Cahiers de la recherche architecturale, intitulé « Culture constructive », qui parut en 1992. Par ailleurs, la production d’outils documentaires accompagne des programmes de recherche ; l’accès en ligne à de multiples ressources, qu’il s’agisse d’inventaires de fonds patrimoniaux, d’ouvrages, de périodiques, de pièces graphiques ou manuscrites, concourt à transformer profondément non seulement les conditions d’accès, mais aussi les pratiques de questionnement, ne serait- ce que par la diffusion de fonds, hier encore oubliés ou méconnus. Il y a désormais pléthore d’exemples et il ne fait guère de doute que les outillages techniques, regroupés communément sous le vocable de numérisation ou de bases de données, configurent l’histoire de l’architecture sous toutes ses entrées possibles. Les relations de l’architecture avec les institutions d’enseignement et les lieux de formation renvoient aux dimensions sociales et économiques de ses cultures professionnelles. Dans ces liens se nouent des enjeux discursifs, des doctrines, des innovations techniques, comme des prises de position sur les fabrications ou les procédés intéressant la construction. Il y a déjà longtemps que Jean-Pierre Epron a proposé de considérer que « l’enseignement est dans l’histoire de la construction le lieu même de l’élaboration doctrinale, l’occasion par les obligations pédagogiques de 7 résumer, d’abstraire, de décrire, de convaincre1 ». Si les édifices ont constitué le corpus des conceptions architecturales et des procédés constructifs, l’approche biographique d’architectes-auteurs a aussi construit un cadre de références souvent teinté de généalogies formelles. Lorsque le regard se tourne vers les modes de production de savoirs et les modalités de leurs transmissions, il donne à voir des lieux d’enseignement, des cursus aux pédagogies de formation, en passant par les contenus des cours. Ils révèlent des dynamiques constitutives de courants architecturaux ou, à l’inverse, des mises à la marge de cultures techniques irriguant toutefois la pensée architecturale. Ce glissement de l’édifice ou de l’architecte-auteur en direction des modalités de transmission de savoirs et savoir-faire ne correspondrait-il pas à un renouvellement du questionnement sur les schèmes de la conception et du projet, davantage qu’à un élargissement des thématiques en histoire de l’architecture ?2 De nombreuses études ont traité des enseignements dispensés dans des écoles supérieures qui ont formé des ingénieurs ou des architectes3. Elles constituent une avancée décisive pour éclairer une histoire culturelle des formations, mais aussi des conceptions constructives et architecturales. Il émane de cet ensemble de vifs contrastes, selon les écoles et les périodes, quant aux corrélations de la raison constructive vis-à-vis des créations architecturales. Certains enseignements exercent leurs effets sur de très longues périodes en façonnant des réseaux de filiations - que l’on songe à l’extraordinaire longévité du « Durand » ou du « Guadet » ou bien, suite à la « cabale » de 1863, à l’exceptionnelle réception internationale qu’ont connue « Les Entretiens »4. Les enseignements se présentent donc comme un observatoire pertinent pour examiner tant la circulation des modèles avec leurs variations et leurs hybridations, que les systèmes de codification de la figuration graphique, dans un mouvement tissé de multiples temporalités et d’expérimentations, 1 J.-P. EPRON, L’architecture et la règle, Liège, Mardaga, 1981, p. 233. 2 On peut penser, ici, à la démarche de R. BECHMANN, Villard de Honnecourt, La pensée technique au XIIIème siècle et sa communication, Paris, Picard, 1993. 3 Par exemple, B. LEMOINE, Architecture et technique. La formation technique des architectes à l’Ecole des beaux -arts au XIXème siècle, Rapport de recherche, CEDAM-BRA, Paris, 1987. J.-C. VIGATO, « Gustave Umbdenstock, architecture, polémique et tradition », in B. BELHOSTE, A. DAHAN DALMEDICO, André PICON, La formation polytechnicienne, Paris, Dunod, 1994, p. 265-280 ; F. SEITZ, L’École Spéciale d’Architecture, 1865-1930, Paris, Picard, 1995. 4 Voir W. SZAMBIEN et S. TALENTI, « Durand, Quaet-Faslem et Dartein ou l’influence européenne de Durand », Bulletin de la Sabix, 16, 1996 ; Actes du colloque international Viollet-le-Duc, Paris 1980, Paris, Editions Latines, 1982. 8 souvent en marge des cours magistraux. Dans ce domaine, l’ouvrage d’Antoine Picon, Architectes et ingénieurs aux siècles des Lumières, paru en 1988, a stimulé bien des travaux en France sur les périmètres respectifs des enseignements rapportés aux formations d’architectes et d’ingénieurs5. Les démarches sont diverses. Ainsi, celle d’Eckard Bolenz qui rapproche la sociologie de la connaissance et l’économie du monde de la construction pour analyser les enseignements et la professionnalisation des architectes et des ingénieurs aux XIXème et XXème siècles dans le contexte allemand. Pour sa part, Ulrich Pfammater privilégie une démarche comparatiste à l’échelle européenne pour examiner des modèles de transmission des savoirs constructifs dans différents établissements, ainsi que leurs emprunts respectifs6. Quant à Jacques Lucan, il place au centre de son questionnement la notion de composition architecturale pour saisir la transmission de la conception architecturale dans les enseignements de l’École des beaux- arts. Il montre également que l’attention donnée aux procédés constructifs des édifices anciens a participé de la remise en cause des principes de composition7. Ces auteurs partagent un même constat : le peu de cas qui a été fait des passerelles entre les enseignements et les transformations de la pensée architecturale. Pourtant, les établissements de formation témoignent à la fois d’une considération pour les filières de la construction et d’une certaine vision de la démarche de conception. Leurs choix ont sans doute des incidences multiples. C’est ainsi que le rapport entre la portion congrue accordée aux constructions métalliques dans la plupart des écoles d’architecture depuis la fin du XIXème siècle et le développement restreint d’une filière a pu être souligné8. Ces rapides observations n’ont pour d’autre objet que d’introduire à l’intérêt pour le cours de Jean Prouvé, dispensé au Conservatoire national des Arts et Métiers entre 1958 et 1971, qui a uploads/Ingenierie_Lourd/ les-cahiers-du-lhac-jean-prouve-de-l-ate.pdf

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