JUIN 2011 N°31 LEÇONS INAUGURALES MARTIN ABADI / CLÉMENT SANCHEZ / JEAN-MARIE T

JUIN 2011 N°31 LEÇONS INAUGURALES MARTIN ABADI / CLÉMENT SANCHEZ / JEAN-MARIE TARASCON / ELIAS ZERHOUNI ÉDOUARD BARD INFLUENCE DU SOLEIL SUR LE CLIMAT ENTRETIEN JACQUES BOUVERESSE 31 du Collège de France 2011 ANNÉE INTERNATIONALE DE LA CHIMIE La lettre 31 SOMMAIRE CHAIRES Des accélérateurs pour la géochimie 24 Pr Édouard Bard La vie des idées 26 Pr Pierre Rosanvallon Accueil de jeunes chercheurs étrangers 27 Interview de Dov Zerah 28 INTERNATIONAL Le Collège de France : 30 un modèle exportable ? Le Collège Belgique 31 Infl uence du soleil sur le climat 32 Pr Édouard Bard PROFESSEURS INVITÉS Simon Price 36 Les religions dans l’Empire romain Jacob L. Wright 38 “Se faire un nom” dans l’ancien Israël Andrew Glass 39 Dictionnaire Gāndhārī informatisé Christian Michel 40 Le titre du tableau Luiz Davidovich 42 Intrication, décohérence et métrologie quantique CHADOCS 44 INTERVIEW Jacques Bouveresse 48 L’ÉDITION NUMÉRIQUE 52 HOMMAGE Jacqueline de Romilly 62 PUBLICATIONS 65 AGENDA 71 La chimie au Collège de France 9 Éditorial 2011 année internationale de la chimie Pr Jean-Marie Lehn 3 LEÇONS INAUGURALES Pr Jean-Marie Tarascon 5 Pr Elias Zerhouni 6 Pr Clément Sanchez 7 Pr Martin Abadi 8 DOSSIER en couverture : image d’une diatomée en forme d’étoile obtenue par microscopie à fl uorescence (en vert, les nouveaux dépôts de silice, en rouge la chlorophylle) 2011 ANNÉE INTERNATIONALE DE LA CHIMIE Lors de la 63e assemblée générale des Nations Unies, 2011 a été proclamée année internationale de la chimie. En France, les acteurs de la chimie sont mobilisés pour promouvoir quatre objectifs : mettre l’accent sur l’importance de la chimie pour un développement durable dans tous les aspects de la vie sur la planète ; accroître chez les jeunes l’intérêt pour la chimie ; susciter l’enthousiasme pour une chimie tournée vers l’avenir ; célébrer les travaux de Marie Curie et la contribution des femmes à la chimie. À cette occasion, la parole est donnée aux chimistes du Collège de France, à la fois pour rappeler le passé de la discipline, mais aussi et surtout pour présenter les projets et esquisser des perspectives pour l’avenir, dans les trois chaires occupées aujourd’hui par les Prs Marc Fontecave – Chimie des processus biologiques, Clément Sanchez – Chimie des matériaux hybrides et Jean-Marie Tarascon – Développement durable - Environnement énergie et société 2010-2011. Microfi bres d’oxydes de titane obtenues par “electrospinning” © LCMCP/MPIKG Perspectives en Chimie : moléculaire, supramoléculaire, adaptative... La chimie joue un rôle central tant par sa place au sein des sciences de la nature et de la connaissance que par son impor- tance économique et son omniprésence dans notre vie quoti- dienne. Comme elle est présente partout, on fi nit par l’oublier et elle risque de n’être signalée nulle part. Elle ne se donne pas en spectacle, mais, sans elle, les réalisations que l’on s’accorde à trouver spectaculaires ne pourraient voir le jour : exploits thérapeutiques, prouesses spa- tiales, merveilles de la technique, etc. Elle contribue de façon déterminante aux besoins de l’humanité en nourriture et en médicaments, en vêtements et en habitations, en énergie et en matières premières, en transports et communications. Elle fournit des matériaux à la physique et à l’industrie, des modèles et des substrats à la biologie et à la pharmacologie, des propriétés et des procédés aux sciences et aux techniques. C’est donc aux interfaces entre la chimie, la biologie, la physique et la société que s’ouvrent les voies d’avenir les plus riches. La chimie est ainsi Science de la structure et de la trans- formation de la matière. Elle joue un rôle primordial dans notre compréhension des phé- nomènes matériels, dans notre capacité d’agir sur eux et de les modifi er, de les contrôler et d’en inventer de nouvelles manifestations. Elle est aussi science de transfert, nœud de communication et relais entre le simple et le complexe, entre les lois de la physique et celles du vivant, entre le fondamental et l’appliqué. La chimie est aussi une industrie, du produit de grand tonnage à la haute technologie la plus innovante, des nanomatériaux aux molécules thérapeutiques fi nement ciblées. Depuis environ deux siècles, la chimie moléculaire a édifi é un vaste ensemble de molécules et de matériaux de plus en plus sophistiqués. De la synthèse de l’urée en 1828 à l’achève- ment, dans les années 1970, de la synthèse de la vitamine B12, cette discipline n’a cessé d’affi rmer son pouvoir sur la structure et la transformation de la matière. ÉDITORIAL Pr Jean-Marie Lehn Prix Nobel de chimie Titulaire de la chaire de Chimie des interactions moléculaires de 1979 à 2010 Notons que la synthèse de l’urée, molécule contenue dans les organismes vivants, démontra aussi qu’il était possible d’obte- nir une molécule “organique” à partir d’un composé minéral et qu’il n’était nul besoin d’une mystérieuse “force vitale”. Ce fut une profonde modifi cation conceptuelle du rapport entre l’animé et l’inanimé. Par-delà la chimie moléculaire s’étend le domaine de la chimie supramoléculaire, qui s’intéresse non pas à ce qui se passe dans les molécules, mais à ce qui se trame entre elles. Son objectif est de comprendre et de contrôler la façon dont les molécules interagissent les unes avec les autres, se transfor- ment, ignorant d’autres partenaires. Emil Fischer avait, dès 1894, proposé l’image géométrique de la clé et de la serrure, pour décrire la relation entre une enzyme et son substrat. Aujourd’hui, nous parlons de “reconnaissance moléculaire”, mettant en œuvre une double complémentarité à la fois géo- métrique et interactionnelle entre récepteur et substrat, qui représente l’information moléculaire entrant en jeu. La chimie supramoléculaire a ainsi été à l’origine de la perception de plus en plus aiguë, l’analyse de plus en plus profonde et l’applica- tion de plus en plus délibérée en chimie du paradigme de l’in- formation dans l’élaboration et la transformation de la matière. Elle a tracé la voie permettant d’aller d’une matière simplement condensée vers une matière de plus en plus hautement orga- nisée, vers des systèmes de complexité croissante. Elle met en œuvre le concept d’information moléculaire dans le but d’ac- quérir progressivement le contrôle sur les propriétés spatiales (structurales) et temporelles (dynamiques) de la matière et sur sa complexifi cation par auto-organisation. La chimie, en plus d’être science de la structure et de la transformation de la matière, est donc aussi science de l’information : stockage moléculaire de l’information, portée par la molé- cule, dans sa structure, sa forme, sa composition, lecture et traitement de cette information au niveau supramolécu- laire, par les interactions entre les molécules. Au fur et à mesure que ces processus ont été mieux compris, la question s’est posée de leur mise en œuvre pour réaliser la généra- tion, l’édifi cation spontanée mais contrôlée d’architectures supramoléculaires complexes à partir de leurs briques mo- léculaires en une sorte d’auto-fabrication. Ainsi en chimie, comme dans d’autres domaines, le langage de l’information élargit et étend celui de la constitution, de la structure et de la transformation vers l’élaboration d’architectures et de comportements de plus en plus complexes. Il infl uencera profondément notre perception de la chimie, la manière dont nous la pensons et la façon dont nous la pratiquons. Le stockage de l’information au niveau moléculaire et son traitement au niveau supramoléculaire présentent de vastes perspectives où se retrouvent chimie, biologie et physique. En particulier, la mise en œuvre de systèmes chimiques pro- grammés donnant lieu à des phénomènes d’auto-organisation permet d’envisager la génération de nanostructures par assem- blage spontané mais contrôlé de leurs éléments, offrant ainsi aux nanosciences et aux nanotechnologies une puissante et attrayante alternative aux techniques de nanofabrication. La chimie supramoléculaire est aussi une chimie dynamique, dont les objets, du fait de la labilité des interactions qui les lient entre eux, ont la capacité de se modifi er : leur constitu- tion peut varier par incorporation, décorporation ou échange de composants. L’extension de cette propriété aux molécules s’est faite par introduction de liaisons résultant de réactions réver- sibles. Ainsi a émergé une chimie dynamique constitutionnelle qui ouvre sur une nouvelle étape, celle de la chimie adapta- tive, où le système effectue une sélection parmi les briques/ composants disponibles pour se construire et devient capable d’adapter la constitution de ses objets en réponse aux sollicita- tions de stimuli physiques ou d’effecteurs chimiques. Sélection, variation de constitution, adaptation représentent un profond changement de paradigme en chimie, qui acquiert ainsi une coloration darwinienne ! La physique dévoile les lois de l’Univers, la biologie déchiffre les règles de la Vie. Mais on peut arguer que le processus le plus fondamental est celui qui a conduit l’évolution de l’univers vers des formes de plus en plus complexes de la matière : l’auto- organisation. De la matière divisée à la matière condensée puis organisée, vivante et pensante, le déploiement de l’Univers nourrit l’évolution de la matière vers un accroissement de com- plexité par auto-organisation sous la pression de l’information. La chimie s’inscrit dans le grand projet de la Science comme cette science dont la tâche est de révéler les voies de l’auto- organisation et de tracer les chemins menant uploads/Ingenierie_Lourd/ lettre-information-college-31.pdf

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