L’approche actancielle du personnage 46 Lucien Tesnière propose le terme d’ « a

L’approche actancielle du personnage 46 Lucien Tesnière propose le terme d’ « actant », emprunté à la linguistique générale, pour désigner tous les êtres ou toutes les choses qui participent à un procès, où il désigne l'agent de l'action, représenté par un substantif, que celui-ci soit ou non sujet grammatical. Louis Tesnière explique que, pareil un drame, une phrase comporte un procès (le verbe), des acteurs (les actants) et de circonstances (les circonstants). Appliqué à une structure narrative, l'actant correspond en quelque sorte aux « dramatis personae» : une expression latine signifiant « le personnage du drame ». Donc les actants sont des personnages dans un rôle donné. Ils peuvent être des humains, des animaux ou des objets. Marc Angenot affirme que « les actants sont caractérisés par la sphère des fonctions qu’ils remplissent »1. Les actants désignent les rôles les plus essentiels et fondamentaux car ils sont dotés de fonctions spécifiques. Ces fonctions sont souvent déterminées dans une structure actancielle positionnelle : sujet / objet ; destinateur / destinataire ; ou oppositionnelle : adjuvant / opposant. Donc, l’actant ne désigne pas seulement le héro, mais il peut aller même du phénomène le plus simple, le masque ou le costume de l’acteur, au plus complexe, un état psychologique ou un épanchement lyrique par exemple. L'actant peut aussi représenter un collectif, par exemple : Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, ou encore Don Quichotte et Sancho de Miguel de Cervantès, Tintin et Milou, dans le domaine de la bande dessinée, de George Remi. La notion d’actant a été appliquée, au domaine de l’analyse des récits, par Vladimir Propp et Algirdas-Julien Greimas. Le premier a mis au point un inventaire définitif et clos des classes d’acteurs dans le conte russe à partir du corpus de tous les contes. Le deuxième a établi, à partir de schémas d’oppositions structurales, les lois de transformation qui président à la dynamique interne des séquences enchaînées dans le récit, et qu’il appelle fonctions. 1 ANGENOT, Marc, in Dictionnaire International des Termes Littéraires, ACTANT /Actant, 2007, [en ligne], disponible sur : <http://www.ditl.info/arttest/art211.php> L’approche actancielle du personnage 47 1- LA STRUCTURE ACTANCIELLE : 1.1 – Les modèles actanciels : Propp s’est appliqué à mettre en évidence la morphologie des contes, il s’est intéressé essentiellement aux fonctions des personnages. Ce folkloriste russe définie la fonction du personnage comme « l’action du personnage, envisagée du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue »2. Malgré la multiplicité des personnages, Propp réduit le nombre de leurs fonctions : il en distingue trente et une. Ces fonctions, désignant la part constante des contes, se déroulent toujours selon la même succession. Ensuite, il propose la répartition de ces fonctions entre les personnages selon une typologie basée sur, ce qu’il nomme, « les sphères d’action » : 1- La sphère d’action de l’AGRESSEUR (ou du méchant) : elle comprend toutes les formes de méfait, de combat, de lutte, de poursuit, contre le héros. 2- La sphère d’action du DONATEUR (ou pourvoyeur) : elle comprend la préparation de la transmission de l’objet magique et de la mise de celui-ci à la disposition du héros. 3- La sphère d’action de l’AUXILIAIRE : elle comprend le déplacement du héros dans l’espace, la réparation du méfait ou du manque, le secours pendant la poursuite, l’accomplissement de tâches difficiles et la transfiguration du héros. 4- La sphère d’action de la PRINCESSE (du personnage recherché) et de son PÈRE : elle comprend la demande d’accomplir des tâches difficiles, l’imposition d’une marque, la découverte du faux héros, la reconnaissance du héros véritable, la punition du second agresseur, le mariage. La distinction entre les fonctions de la princesse et celles de son père ne peut pas être très précise. C’est le père qui, le plus souvent, propose les tâches difficiles ; cette action tire alors son origine d’une attitude hostile à l’égare du fiancé. En outre, c’est souvent lui qui punit ou ordonne de punir le faux héros. 5- La sphère d’action du MANDATEUR : elle ne comprend que l’envoi du héros (moment de transition). 2 PROPP, Vladimir, in MONTALBETTI, Christine, Le personnage, Paris, Flammarion, 2003, p. 53. L’approche actancielle du personnage 48 6- La sphère d’action du HÉROS : elle comprend le départ en vue de la quête, la réaction aux exigences du donateur, le mariage. La première fonction caractérise le héros- quêteur, le héros-victime n’accomplit que les autres. 7- La sphère d’action du FAUX HÉRO : elle comprend le départ en vue de la quête aussi, la réaction aux exigences du donateur, toujours négative, et, en tant que fonction spécifique, les prétentions mensongères. Quand à Étienne Souriau, dans Deux cent mille situations dramatiques, il propose une liste basée sur une terminologie très astrologique, composée de six actants : Lion : la force thématique orientée. Soleil : représentant du bien souhaité, de la valeur orientante. Terre : l'obtenteur virtuel de ce bien, recherché par le Lion. Mars : l'opposant. Balance : l'arbitre, attributeur du bien. Lune : la rescousse, redoublement d'une des forces précédentes. En faisant la synthèse des travaux de Propp et de Souriau, Greimas a classé les personnages selon un « modèle actanciel ». Son unique préoccupation est de construire un modèle plus économique que celui de Propp. « Les listes de Propp, que Greimas étudie, sont trop longues. Les trente et une fonctions, qui constituent un « inventaire trop large », seront ainsi ramenées à vingt fonctions, dont certaines font l’objet d’un couplage ; mais la liste est encore trop longue. Le second point de méthode consiste dans l’effort de tenir ensemble présentation stratégique des actants en jeu et diachronie du récit »3. Le modèle actanciel de Greimas est composé de six actants, définis selon trois axes sémantiques : la communication, le désir, l’épreuve, d’où résultent les trois couples célèbres : Sujet / Objet, Destinateur / Destinataire, Adjuvant / Opposant, qui se répartissent de la manière suivante : 3 MONTALBETTI, Christine, Op.cit, p. 55. L’approche actancielle du personnage 49 Dans son livre Lire le théâtre Anne Ubersfeld a proposé le commentaire suivant sur le schéma de Greimas : « nous trouvons [dans ce schéma] une force (ou un être D1) ; conduit par son action, le sujet S recherche un objet O dans l’intérêt ou à l’intention d’un être D2 (concret ou abstrait) ; dans cette recherche, le sujet a des alliés A et des opposants Op. »4. Le destinateur est celui ou celle (personne, chose, circonstance) de qui ou de quoi dépend que le sujet obtienne l'objet. C’est l'arbitre, l'attributeur, le possesseur du bien désiré. Le destinataire, est celui ou celle pour qui ou pour quoi le sujet veut obtenir l'objet. Le sujet est souvent son propre destinataire. Le sujet est celui ou celle qui engage l'action, le héros ou l'héroïne. Il représente la « force thématique orientée », car le héros est porteur d'un désir et porté par son désir, il accomplit des actions, entreprend éventuellement une quête ; le rapport de désir, central dans la psychanalyse, semble éclairant, car le récit montre souvent un conflit désir / loi. Le héros est doublement sujet : sujet psychologique et sujet en tant qu'acteur dans une histoire. Le sujet peut aussi être un groupe d'individus. L'objet est le bien souhaité, pas forcément une personne ou un objet (femme, trésor, etc.). Le destinateur est l'arbitre, l'attributeur, le possesseur du bien désiré. Le destinataire est l'obtenteur virtuel du bien souhaité, il peut notamment être le sujet. 4 UBERSFELD, Anne, in SIMONNET, Emile, Les personnages, [En ligne], disponible sur : <http://emile.simonnet.free.fr/sitfen/narrat/perso.htm> Destinateur (D1) Adjuvant (A) Destinataire (D2) Opposant (Op) Objet (O) Sujet (S) L’approche actancielle du personnage 50 L'adjuvant et l'opposant sont ceux qui aident le sujet, ceux qui lui nuisent, ou plutôt l'ensemble des forces qui participent au jeu des rapports : des objets, des réalités matérielles (objet magique, or ou argent...), des qualités ou défauts « moraux » (naïveté, avidité...) peuvent intervenir dans un sens ou un autre et se combiner. Le couple destinateur / destinataire est dans une relation contractuelle avec le héros : il constitue la sphère de l'échange. Le couple sujet / objet forme la sphère de la quête, sur un axe du désir, du vouloir. Le dernier couple : adjuvant / opposant constitue la sphère de la lutte, nous sommes sur l'axe du pouvoir. 1.2 - La toile de la trilogie : La première œuvre à analyser, Je t’offrirai une gazelle, est le deuxième roman de Malek Haddad. Publié une première fois chez Julliard en 1959, une deuxième fois par l’union générale d’éditions dans la collection 10/18 en 1978 et une troisième fois chez les éditions Médias-Plus en 2004, il raconte l’histoire d’un auteur algérien qui écrit un roman d’amour entre Moulay et Yaminata, deux jeunes habitants d’une oasis au Sahara nommée « Koukoumen ». L’auteur, exilé à Paris pendant la guerre d’Algérie, intitule son roman « Je t’offrirai une gazelle », il présente son manuscrit à un éditeur parisien sans mentionner son nom. L’éditeur découvre le nom de l’auteur par l’intermédiaire d’un poète, uploads/Litterature/ 10-chapitre-ii 1 .pdf

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