DOUZE ANS EN ALGÉRIE 1830 À 1842 PAR LE DOCTEUR BONNAFONT médecin principal des

DOUZE ANS EN ALGÉRIE 1830 À 1842 PAR LE DOCTEUR BONNAFONT médecin principal des armées, en retraite, etc. PARIS E. DENTU, ÉDITEUR LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES Palais-Royal, 15-I7-19, Galerie d’Orléans . 1880 Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. D’autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com Ce site est consacré à l’histoire de l’Algérie. Il propose des livres anciens, (du 14e au 20e siècle), à télécharger gratuitement ou à lire sur place. PRÉFACE Bien des histoires, bien des relations, bien des souvenirs ont été publiés sur l’Algérie depuis sa con- quête; et, moi-même, je me suis permis de nombreu- ses réfl exions sur ce pays au point de vue hygiénique et ethnographique. Eh bien ! malgré le mérite de ces publications, il m’a semblé, en compulsant mes notes prises jour par jour, depuis le départ de la fl otte de Tou- lon (1830), jusqu’à 1841, qu’il y avait encore place, sinon pour les opérations militaires, racontées par des hommes compétents, mais pour certains événements et incidents civils et militaires qui ont surgi aux diverses phases de notre occupation. En écrivant ce livre, je n’ai d’autres prétentions que de me donner la satisfaction de raconter les faits, simplement, dans l’espoir que quelques-uns au moins, par leur originalité et toujours leur vérité, inspireront quelque intérêt. Je me suis aussi appliqué à étudier comment, dans un pays nouvellement conquis, aux mœurs et à la PRÉFACE religion, si différents des nôtres, la société civile s’y est établi: qu’elle a été la nature, surtout la qualité des pre- miers émigrants. C’était là un sujet délicat et diffi cile à traiter, j’ai cherché néanmoins à en donner une idée sommaire tout en dissimulant le nom des personnes dont la position imposait cette réserve, En résumé, mon livre n’a d’autre prétention que d’apporter un modeste tribut à l’histoire de ce pays, destiné à devenir une nouvelle France, dont la conquête par les circonstances si essentiellement humanitaires qui l’ont suivie, a mérité à la France la reconnaissance de toutes les nations, de celles, surtout, plus immédiate- ment tributaires de ce nid de Pirates qui s’appelait Alger. Peu de nations peuvent prétendre à inscrire sur le bilan de leurs conquêtes un semblable résultat. L’honneur en restera à la nation et au gouvernement qui l’ont si opi- niâtrement entreprise et si heureusement accomplie. DOUZE ANS. EN ALGÉRIE CHAPITRE PRÉLIMINAIRE Quand on parcourt l’histoire de la régence d’Alger, on a lieu d’être étonné que cet État, peu important en apparence, ait pu vivre et exister pendant plusieurs siè- cles, tout en soutenant une lutte presque continuelle avec tous les états européens et même l’Amérique. On com- prend encore moins que ces puissances aient été aussi débonnaires et aussi peu confi antes dans leur supériori- té pour rester, durant cette même période, tributaires de ce minuscule repaire de pirates; ou du moins, qu’après les échecs que chacune d’elle avait essuyés isolément, elles n’aient pas eu la sagesse de réunir leurs forces pour écraser, dans une action commune, cette puissance éphémère, raser les villes du littoral et détruire du cap- turer tous les bâtiments qui y trouvaient un refuge. En agissant ainsi et en renouvelant cette opération, autant de fois qu’elle eût été nécessaire, les corsaires n’auraient pas tardé à disparaître complètement de 1a Méditerra- née et la liberté de la navigation eût été promptement 6 DOUZE ANS EN ALGÉRIE acquise aux bâtiments de tous les États, grands ou pe- tits. Il est impossible que cette idée si simple ne soit point venue à la pensée de quelques hommes d’État; surtout après l’insuccès des diverses expéditions entre- prises, même par les puissances militaires et maritimes de premier ordre. Je sais bien que, pour les gouverne- ments comme pour certaines associations, il est moins diffi cile de se réunir pour frapper un grand coup que de se mettre ensuite d’accord pour le partage du butin, tout en donnant à chacun la part à laquelle il croit avoir droit. C’est peut-être ce qui avait fait échouer toutes les tentatives de ce genre, bien que, dans une expédition commune contre la régence d’Alger, on ne dût avoir comme objectif que la destruction de la piraterie sans chercher à faire aucune conquête. Le seul avantage réservé aux puissances consis- tait uniquement à acquérir, pour chacune d’elles, le droit de sillonner librement et en tous sens la Méditer- ranée, sans crainte de rencontrer ces barbares et cruels forbans. Après des siècles de patience et de nombreux échecs essuyés par toutes les puissances, il était réservé à la France, seule, de remplir victorieusement cette mis- sion si périlleuse et si humanitaire. Chacun connaît les motifs qui poussèrent la Fran- ce à déclarer la guerre au dey d’Alger, et pourquoi elle entreprit une expédition contre lui. En toute impartia- lité, justice doit être rendue à ce gouvernement qui eut à lutter, et qui lutta victorieusement, avec une grande énergie, contre l’opposition qui lui fut faite à ce sujet, tant en France qu’à l’étranger ; en Angleterre surtout. DOUZE ANS EN ALGÉRIE 7 Honneur soit donc rendu à la mémoire de Charles X car, sans la volonté ferme qu’il manifesta, qui res- sembla à de l’audace, Alger serait probablement encore la ville capitale de la piraterie et le repaire des anciens écumeurs de mer. Je suis heureux de rappeler quelques faits qui témoigneront de toute l’énergie qu’il déploya pour exécuter ce grand œuvre. J’ose espérer qu’on me pardonnera ces détails. Nous traversons d’ailleurs une période où la société est encore si peu en équilibre ; elle est si troublée ; les événements y naissent, y passent et s’y succèdent avec une telle rapidité, qu’ils entraînent après eux les jeunes générations sans leur laisser le loi- sir de jeter un regard sur le passé. Il n’est peut-être pas mal de leur rappeler, et de mettre de temps en temps sous leurs yeux les événements, encore contemporains, qui ont jeté quelque éclat sur la France. Celui qui fait le sujet de mes causeries comptera toujours pour un des plus glorieux et surtout des plus humanitaires. Les rapports de bonne intelligence qui avaient exis- té entre la France et la Régence d’Alger depuis le règne de Louis XIV, la terreur que Napoléon avait inspirée sur nations barbaresques cessèrent avec la Restauration. La politique suivie depuis 1815 par notre représentant à Alger avait un tel caractère de faiblesse qu’elle ne pou- vait commander ni la confi ance ni le respect. M. Deval, né dans le Levant, connaissant la langue turque et les usages des Orientaux, fut nommé consul général à cette résidence en 1815. Il avait exercé pendant plusieurs an- nées les fonctions de drogman à Péra, et y avait contracté l’habitude de ces formes souples et obséquieuses que les autorités musulmanes exigent toujours des agents subal- ternes. Ainsi, il avait consenti, sans faire d’objections, 8 DOUZE ANS EN ALGÉRIE à ce que la redevance annuelle de la compagnie d’Afri- que fût portée de 60,000 à 20,000 francs ; il avait laissé imposer à la France la condition de ne construire dans les limites de ces concessions à la Calle ni forts, ni en- ceintes pourvus d’artillerie, privilège réservé dans les anciens traités. Enhardi partant de faiblesse, le dey d’Alger an- nonça hautement le projet de chasser la compagnie d’Afrique de ses possessions et de détruire ses établis- sements. Il avait violé le privilège de la pèche du corail, en exigeant une redevance énorme ; il refusait mainte- nant de se conformer au droit maritime international ; il prétendait continuer son système de piraterie et com- mettait sans cesse des infractions aux règlements arrêtés pour la visite des bâtiments en mer ; enfi n il autorisait et encourageait, sous divers prétextes, le pillage des bâ- timents qui naviguaient sous la protection du pavillon français. Une dernière insulte, faite au représentant de la France, amena une rupture immédiate. En 1828 et au commencement de 1829, la presse française blâmait beaucoup l’hésitation du gouverne- ment à répondre à l’insulte qui venait de lui être faite par le dey sur la joue de son consul général Deval. Ce fonctionnaire, qui laissait bien à désirer, dit-on, avait reçu, comme on sait, un léger coup d’éventail ou de chasse-mouche sur la joue, de la main même du dey. Aussi, certains journaux et plusieurs membres honorables de la Chambre des députés et des pairs reprochaient-ils au gouvernement sa lenteur et sa fai- blesse. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet im- portant de la Calle. Nous signalerons ici, entre tous les DOUZE ANS EN ALGÉRIE 9 opposants, l’auteur d’une brochure intitulée : Sur les véritables causes de la rupture avec Alger et l’expédi- tion qui se prépare, par Alexandre de Laborde, député de la Seine; Paris, avril 1830. On verra, par l’échan- tillon suivant, l’état d’exaltation où en était l’oppo- sition même pendant qu’on faisait les préparatifs de l’expédition. Après la prorogation de la session de 1830, c’est- à-dire dans le mois uploads/Litterature/ 12-ans-en-algerie.pdf

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