VINGT ANS EN ALGÉRIE ou TRIBULATIONS D’UN COLON RACONTÉES PAR LUI-MÊME La Colon

VINGT ANS EN ALGÉRIE ou TRIBULATIONS D’UN COLON RACONTÉES PAR LUI-MÊME La Colonisation en 1874 Le régime militaire et l’administration civile Mœurs, Coutumes, Institutions des Indigènes, Ce qui est fait. — Ce qui est à faire PAR A. VILLACROSE PARIS CHALLAMEL AINÉ Libraire-éditeur COMMISSIONNAIRE DÉPOSITAIRE DES CARTES ET PLANS DE LA MARINE 30, rue des Boulangers et rue de Bellechasse, 27 1875 Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. D’autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com Ce site est consacré à l’histoire de l’Algérie. Il propose des livres anciens, (du 14e au 20e siècle), à télécharger gratuitement ou à lire sur place. PRÉFACE J’offre ce petit livre au lecteur ou plutôt au colon algérien, pour deux raisons: là première, parce que je suis convaincu qu’il ne lui sera pas inutile en ce sens que, sans avoir la prétention de lui indiquer les voies et moyens pour réussir, je puis au moins lui montrer les écueils à éviter, les fautes, à ne pas commettre, s’il ne veut échouer et cela, plus ou moins promptement. La seconde raison qui, pour être vrai, devrait être placée la première, c’est que, comme Jérôme Paturot; l’auteur à la recherche d’une position sociale a, par le fait de son retour défi nitif en France, des loisirs qu’il se plaît à uti- liser en jetant sur le passé un regard rétrospectif. Passer en revue les phases d’une existence assez agitée, surtout pendant les vingt années de ma vie de II PRÉFACE colon en Algérie et ne pas toucher aux questions pri- mordiales qui intéressent la colonie était diffi cile cha- cun a dit son mot, pourquoi me serais-je abstenu ? Aussi, j’ai saisi cette occasion de présenter à l’ad- ministration algérienne, avec le respect dû à toute admi- nistration, quelques observations dont, suivant l’usage, elle ne tiendra évidemment aucun compte, sur non pas ce qu’elle devrait faire, mais ce qu’elle devrait éviter de faire, dans le cas où son but. et surtout son intention serait d’attirer des colons et les attacher su sol, je ne dirai pas en leur facilitant leur tâche, ce serait trop sim- ple, mais en leur épargnant ces petits tracas ces petites vexations, ces mille et un coups d’épingle qui fi nissent, le plus souvent, par tellement agacer celui qui en est l’objet que, de guerre lasse, il prend un beau matin le paquebot et, secouant la poussière de ses souliers sur ce sol inhospitalier, il dit adieu pour toujours à ce beau pays du soleil, que cependant il aime et qu’il regrette. Que de pensées se présentent en foule à son esprit, alors que, debout à l’arrière du bateau, chaque tour d’hélice l’éloigne de cette terre où il laisse jeunesse, santé, fortune quelquefois, illusions toujours ! pensées bien amères ! mais-je m’arrête, j’écris une préface et je me réserve de raconter tout au long les impressions, je devrais dire les douleurs du départ. PRÉFACE III C’est de moi que je vais parler, c’est mon histoire que je vais raconter, et cette histoire est celle de bien d’autres. Mon récit ne servirait-il qu’à diminuer d’une unité la liste trop longue des partants pour, cause d’insuccès, que je m’estimerais heureux. C’est au colon de l’Algérie que je m’adresse, c’est pour lui que j’écris ; instruire et amuser, tel est mon but; puissé-je l’atteindre. Je prie le lecteur de pardonner à la forme en raison de l’intention ; je n’ai, je le déclare, aucune prétention, je ne vise point à l’effet, j’écris comme je sens. A défaut d’autre mérite, mon livre aura celui d’être un livre de bonne foi. Tout fait avancé, sera marqué au coin de la plus stricte vérité. PREMIÈRE PARTIE CHAPITRE PREMIER Le 26 juin 1852. — Un gros péché : — De l’éducation du père com- parée à l’éducation de la mère. — Mon tuteur. — La voix du sang. — Dé- part de mon père pour Alger. — L’école préparatoire. — Mon premier examen. — Mes vacances à Alger. — Le foyer paternel. — Une belle mère. — La Perle. — Deux ombres derrière un rideau. — Un premier amour. — Changement de vocation.— La répétition. — La maison aux Balcons. — Les adieux — Retour en France. C’était en 1852 et le 26 juin, date qui restera gravée dans ma mémoi- re , date du jour où une volonté sans appel, la volonté paternelle, décida de moi, à la suite d’un de ces méfaits réputés crimes par les grands parents, dont la cause comme l’excuse se résume en ceci que l’on est jeune. Oh ! oui, j’étais jeune : j’avais vingt ans; n’est-ce pas tout dire ou tout au moins dire beaucoup ? Qui n’a pas eu vingt ans ? Celui-là, je le plaindrais du plus profond de mon cœur ; je les ai eus et je les voudrais encore avoir. Que de fois j’entends dire : Ah ! si j’avais vingt ans et que je sache ce que je sais ! on bien : Si jeunesse savait ! Mais alors vous n’auriez plus vingt ans. Avoir vingt ans, mais c’est précisément ne pas savoir, c’est vi- vre pour le seul plaisir de vivre, c’est voir, penser, sentir comme on voit, comme on pense, comme on sent à vingt ans. Donc, j’avais commis un de ces crimes que l’on commet à cet âge heureux; il est vrai que ce crime venait s’ajouter à un certain nombre d’autres absolument pareils. 2 VINGT ANS EN ALGÉRIE Mais déjà vous froncez le sourcil, ami lecteur, et vous dites : Par- bleu, s’il n’a pas réussi, c’est que c’était un de ces mauvais sujets à, qui l’inconduite ferme toutes les carrières honorables; et, satisfait de cette phrase qui explique tout, précisément parce qu’elle n’explique rien, vous vous apprêtez à fermer le livre, vous prenant à regretter le prix qu’il vous a coûté. Eh bien ! non, mille fois non, halte-là ! vous dis-je, je n’étais pas un mauvais sujet, et la preuve, c’est qu’une larme de ma mère m’eût arrêté net, je le jure sur l’honneur. Ma mère ! je ne l’ai pas; connue; j’avais un an quand elle est morte et j’avais vingt ans le 26 juin 1852. Vous commencez à comprendre mon ou mes crimes, n’est-ce pas ? Tout à l’heure vous les comprendrez mieux, et qui plus est, vous les excuserez. Lorsque ma mère mourut, j’étais en nourrice; mon père, avocat à Pa- ris, fort jeune encore et sans fortune, crut devoir, renonçant à la dot de sa femme, remettre dot et enfant à mon grand-père maternel, homme d’une grande bonté, mais dune rigidité de principes presque exagérée. Fils de ses œuvres, de rien il était devenu beaucoup par son seul mérite, par la continuité d’un labeur incessant, une application constante à ses devoirs ; sans fortune, sans protections, il sut s’élever dans l’admi- nistration des fi nances à une des premières positions, et se retirait après quarante-cinq ans de bons et loyaux services, commandeur de la Légion d’honneur. Faire suivre à son petit-fi ls une carrière honorable, lui inculquer dès l’enfance des principes d’honneur et de loyauté, lui montrer en tout et tou- jours la ligne droite comme le plus sûr moyen d’arriver, telles furent ses constantes préoccupations. Le but était parfait, les moyens employés pour l’atteindre l’étaient- ils ? Je ne me permettrai pas la moindre critique, je n’apprécie pas, je constate, voilà tout. Je crois faire ici une règle de proportion juste, en disant que sur cent enfants amenés sous les yeux d’une mère à l’âge de quinze ans, époque où l’enfant disparaît pour faire place au jeune homme, vingt au plus tourne- ront mal, alors qu’élevés par le père, ce sera le double qui ne suivra pas la bonne voie, les uns et les autres supposés doués également par la nature. VINGT ANS EN ALGÉRIE 3 Voici pourquoi: la mère s’adresse au cœur, le père à la raison; or, celle-ci s’acquiert et se développe progressivement, celui-là naît avec nous les soins maternels porteront leurs fruits dès le plus bas âge, alors que l’édu- cation du père n’aura d’effet qu’au fur et à mesure du développement de la raison. L’enfant sentira sa mère et ne comprendra, pas son père. Si ce que je viens de dire est vrai, combien est heureux celui qui a le bonheur de voir enfance et jeunesse se passer entre un père et une mère; la raison du premier tempère ce que pourrait avoir de trop émollient, si je puis m’exprimer ainsi, l’éducation de la seconde, comme l’amour mater- nel réchauffe et arrondit ce qu’a si souvent de froid et d’anguleux l’affec- tion paternelle ; l’équilibre s’établit: Dieu avait donné l’intelligence, la mère donne le cœur, le père la rai- son, et l’enfant, comblé par cette bienheureuse trinité, devient homme. Tout ce que je viens d’énoncer est pour arriver à ceci : que, lorsque je compris mon tuteur, il était trop tard, j’avais déjà sur la conscience les méfaits uploads/Litterature/ 20ans-en-algerie-copie-pdf.pdf

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