J. A. Preira Akofena çn°001 489 LE RÉCIT MYSTIQUE DANS LE ROMAN AFRICAIN FRANCO
J. A. Preira Akofena çn°001 489 LE RÉCIT MYSTIQUE DANS LE ROMAN AFRICAIN FRANCOPHONE Joseph Ahimann PREIRA Université Assane Seck de Ziguinchor - Sénégal jobarity@gmail.com Résumé : Le mysticisme peut se définir comme une notion relative au secret. Souvent liée à la religion, la marque du mystique entoure aussi une bonne partie des pratiques et réalités africaines. Étant le genre le plus proche des réalités sociales, le roman africain permet de mieux découvrir l'Afrique dans son intégralité à travers la représentation de certaines croyances culturelles et cultuelles des peuples noirs. Ainsi dans des romans comme Le soleil, la folle et le taureau, La grève des bàttu, Mémoire de porc-épic et Les soleils des indépendances, le récit est souvent associé à des scènes mystiques. Mots clés : Mystique, initiation, culte, fétiche Abstratct: Mysticism can be defined as a notion that have a relation with secret. Sometimes related to the religion, the mystic takes into account a good part of african realities and practices. Being the closest genre of social realites, the african novel allows to discover all Africa through the representation of certain cultural and cultic beliefs of black people. Thus, in novels like Le soleil, la folle et le taureau, La grève des bàttu, Mémoire de porc-épic et Les soleils des indépendances, the story is often associated with mystical scenes. Keywords : Mystic, initiation, religion, fetish Introduction Dans son évolution, la littérature africaine a connu plusieurs étapes. Après la période de désillusion qui a suivi la période de contestation, les romanciers continuent leur entreprise de révélation de l'Afrique sous toutes ses formes. En effet, à côté de la représentation des réalités africaines, les écrivains africains donnent de mieux découvrir l'Afrique dans son intégralité à travers la représentation de certaines croyances culturelles et cultuelles des peuples noirs. La représentation de ces croyances comme la métempsycose, la sorcellerie, Le culte des mânes etc., invite alors à entrer dans un univers mystique et surnaturel. Devons-nous par conséquent parler de littérature fantastique africaine plus précisément dans le genre romanesque ? Quelle que soit la réponse, un constat montre que le roman ne laisse plus au conte, à la légende, au mythe et à l'épopée le soin de plonger le lecteur dans un univers magico-religieux. Dans leurs écrits, l’on observe que des romanciers se sont lancés dans cette entreprise, insérant dès lors le surnaturel dans leur récit. Cette présence du mystique pousse à Le récit mystique dans le roman africain francophone Mars 2020 ç pp. 489-502 490 s'interroger sur la définition du concept. Selon Lamine Ndiaye, étudier la mystique ou le mysticisme reviendrait à questionner ce qui est de l’ordre du caché. Ainsi, dans une tentative de définition de la notion, il stipule : Le mysticisme, qu’il soit de l’ordre de la gnostique ou de l’agnostique, a trait au mystérieux et désigné des croyances, et des pratiques sociales par le truchement desquelles les êtres humains […] passent pour être en contact avec l’invisible » ( L. Ndiaye, 2013, en ligne ). Dans Les Soleils des indépendances, Kourouma évoque certaines de ces réalités comme la métempsycose1 tout comme Alain Mabanckou, dans Mémoires de porc-épic, peint les turpitudes des mœurs, de la culture de son pays : le Congo, revisitant ainsi les phénomènes inimaginables du double2. Au Sénégal, des auteurs comme Aminata Sow Fall et Mamadou Samb ont aussi fait de leurs romans un lieu de représentation de ces croyances. Le premier, dans La Grève des baatu, expose l'impact des croyances magico-religieuses dans la vie administrative et politique du Sénégal ; quant au second, il fait de son roman Le Soleil, la folle et le taureau, un voyage en plein milieu traditionnel diola, un peuple de la Basse Casamance du Sénégal où une femme est victime de deux malédictions impitoyables qui ne lui laissent aucune échappatoire. En effet, à la malédiction des esprits territoriaux, s’ajoute la malédiction du fétiche du village. L'étude comparative et anthropologique que nous nous proposons de faire a pour but d'analyser le récit mystique dans ces quatre ouvrages sus-cités. En étudiant le récit mystique dans le roman africain francophone, nous cherchons à analyser le rapport entre le réel et le surnaturel dans le roman africain. Pour réussir cette étude, nous analyserons d'abord la dimension mystique des romans, ensuite notre analyse portera sur les pratiques mystiques pour enfin soulever les procédés esthétiques qui introduisent le mystique. 1- Le roman et l’écriture mystique Selon Anna Swoboda : « En Afrique, le schéma dualiste entre l’esprit et la matière n’est pas applicable. Comme les êtres invisibles et les esprits font partie de la vie quotidienne, leur apparition dans une œuvre littéraire ne provoque pas la peur » (A. Swoboda 2018 : 362). Cela laisserait comprendre que la présence du mystique dans les récits n’est pas surprenante. Au regard de l'analyse socioculturelle de chaque roman, nous pouvons les classer en deux catégories. Dans la première catégorie, nous retrouvons deux romans (Mémoire d'un porc-épic et Le Soleil, la folle et le taureau) qui permettent d'entrevoir des pratiques dans des sociétés purement païennes. La seconde catégorie qui comprend (Les Soleils des indépendances et La grève des battu) évoque des pratiques mystiques dans des sociétés partagées entre la religion et les pratiques traditionnelles. Mémoire de Porc-épic raconte une histoire de sorcellerie. L'action se déroule au Congo-Brazzaville, précisément à Mossaka et à Séképenbé. Le personnage 1 Dans la religion païenne, c’est Le passage d’une âme d’un corps dans un autre. 2 Selon une légende populaire, chaque être humain possède un double animal dans la nature. Pour Kibangui, le personnage principal, il s’agit d’un porc-épic. Ce dernier est un « double nuisible » destiné au mal contrairement aux «doubles pacifiques » qui protègent et recherchent du bien. J. A. Preira Akofena çn°001 491 principal, le jeune Kibandi, a été depuis l'âge de dix (10) ans initié par son père à la sorcellerie. Cette initiation lui procure un double animal qui l'aidera dans sa mission de mangeurs d'hommes et avec qui il mit fin à la vie de quatre vingt dix neuf (99) personnes. Dans ce roman de Mabanckou, la première dimension mystique se trouve dans le fait que l'histoire est narrée par un animal (un porc-épic) doté d'une capacité humaine : la parole. L'introduction du porc-épic dans le récit en fait le narrateur principal et introduit une dimension surnaturelle dans le roman. Ce dernier joue d'ailleurs dans la narration le rôle du double nuisible. Mabanckou présente ainsi un roman d'une dimension surnaturelle qui relate l'histoire d'un homme et de son double nuisible et invisible qui usent de méthodes surnaturelles pour procéder à des assassinats en série. Le roman de Mabanckou nous plonge aussi dans la cosmogonie africaine à travers le mythe des jumeaux. En effet, le personnage Kibangui, que rien ni personne ne semblait pouvoir arrêter, sera mis en échec par deux jumeaux qui seront d'ailleurs à l'origine de sa mort. Dans le roman de Mamadou Samb, le personnage principal traverse une série d'oppressions liée à une certaine malédiction traditionnelle en vigueur dans sa vie. Dans Le Soleil, la folle et le taureau, Mamadou Samb s’intéresse à la société diola. Il plonge ainsi le lecteur dans l’univers mystique de cette société à travers l’histoire de Néné. Cette dernière est victime d’une malédiction ancestrale qui la poursuit depuis sa jeune enfance. Cette malédiction va ébranler son foyer à travers la mort de ses enfants et de son mari. Elle va tenter en vain, par tous les moyens de s’opposer au destin fatal que ses ancêtres ont dressé pour elle. Le récit de Samb tourne alors autour d'un cycle meurtrier qui introduit le thème de la mort. Cependant, cette mort est loin de ne pas passer pour une réalité mystérieuse. La mort hante le récit car elle est présente sous plusieurs formes. Trois scènes de morts ne manquent cependant pas d’attirer l’attention du lecteur. La première se trouve être la scène de la mort des jumeaux. La maladie de la jumelle était venue rappeler à Gueudjine (le mari de Néné) que la sentence de mort jadis proclamée sur la descendance de Néné était toujours active. Cette maladie d’ordre mystique était l’œuvre de divinités supérieures aux hommes. C’est ainsi qu’Ambou, voulant ramener Gueudjine à la raison lui fit comprendre que le combat était loin d’être simple : « Gueudjine, tu es très fort physiquement, mais il ne s’agit pas d’un conflit entre hommes... Fais ce que tu as à faire, mais avec sagesse » (M. Samb, 2003, p.56). Contre toute évidence, la mort de leur fille apparaît comme une évidence. Ce couple était conscient de la mort spirituelle qui planait sur lui à cause de la malédiction jetée sur Néné. Le caractère mystérieux de cette mort réside aussi dans le fait que les jumeaux sont morts presqu’en même temps alors que rien ne laissait présager ce cas. Dans ce dialogue entre l’infirmier et la grand-mère Clara, le lecteur prend conscience du tragique de la situation : Le récit mystique dans le roman africain francophone Mars 2020 ç pp. 489-502 492 – Mais au fait, le uploads/Litterature/ 38-joseph-ahimann-preira-pp-489-502.pdf
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- Publié le Apv 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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