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Nous trouvons des oeuvres qualifi ées de "fantas- tiques" dans tous les arts. L

Nous trouvons des oeuvres qualifi ées de "fantas- tiques" dans tous les arts. Lorsqu’il s’agit de défi nir le fantastique, certains disent qu’une défi nition précise est impossible car le fantastique est une notion trop "fl oue". D’autres avancent l’argument des oeuvres considérées comme "inclassables", tant elles fl irtent avec diff érents genres (fantas- tique, merveilleux, science-fi ction, etc.) ! Cepen- dant, comme le dit Jean Fabre, l’existence du cré- puscule n’annihile pas le jour et la nuit et plusieurs spécialistes se sont attelés à la tâche de défi nir le fantastique de manière rigoureuse. C’est en litté- rature que les analyses les plus pointues ont été réalisées, sans doute parce qu’elle a une histoire plus longue et davantage de productions sur les- quelles travailler. Trop de fi lms ou de peintures sont qualifi és de fantastiques, alors qu’en y regar- dant de plus près, ce n’est pas le cas. L’analyse rigoureuse du genre littéraire a permis de mettre en évidence les éléments qui "font" une oeuvre fantastique, une oeuvre merveilleuse ou encore une oeuvre de science-fi ction. Nous pouvons dire que nous avons aff aire à une oeuvre fantastique quand sont présentes : l’apparition du surnaturel dans notre monde (autrement dit la thématique du désordre1 ), l’intention de l’auteur de créer chez le lecteur/spectateur un sentiment de malaise ou de peur face à ce "désordre", repérable à des procédés techniques récurrents. Il faut ajouter que la littérature fantastique se place d’emblée sur le plan de la fi ction pure. Sont donc exclus tous les ouvrages d’ésotérisme tendant à prouver des phénomènes mystérieux et occultes, les allégories, les fables et les oeuvres sacrées où le surnaturel est divin. Toutefois, ces ouvrages, sortis de leur contexte religieux, ont donné naissance à des récits fantastiques et merveilleux. 1.1 Le surnaturel ou la thématique du "désordre" L’oeuvre fantastique fait apparaître des phénomènes ou des êtres surnaturels (c’est-à-dire incompatibles avec les lois dites "naturelles" avec la raison ou avec la science) au coeur même d’un monde connu et balisé par les connaissances scientifi ques. Ce qui veut dire qu’il a fallu attendre le siècle des Lumières et 1 Par désordre, nous entendons bien la perte de l’ordre (institution d’un chaos, même limité) et non pas l’institution d’un autre ordre Le Diable amoureux - J. Cazotte (Gravure de C.-E. de Beaumont) 1 PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU FANTASTIQUE I. LE FANTASTIQUE LE FANTASTIQUE 16 surnaturelles de la manière la plus réaliste possible et à exploiter la peur qui en résulte et le lecteur qui "tombe dans le piège" tout en sachant qu’il n’est pas dans la réalité quotidienne... 3.3 Libération des angoisses et des phantasmes Cette explication est donnée par les psychanalystes : les récits fantastiques mettent en scène les angois- ses les plus profondes de l’homme : la mort, la monstruosité, le rejet, ... L’individu peut ainsi "se retrouver" dans le "héros" et mettre des mots sur ses angoisses ou ses phantasmes. 3.4 Fonction cathartique L’auteur et le lecteur, par l’intermédiaire de l’identifi cation avec les mauvais personnages du récit, peu- vent libérer leurs pulsions et transgresser toutes les lois imposées par la société. Ce défoulement dans l’imaginaire peut permettre de ne pas passer à l’acte dans la réalité. Il est intéressant de noter qu’au Japon, où les mangas -souvent très violents- sont lus par la majorité de la population, la violence est à peu près absente des rues des grandes villes1. 3.5 Plaisir d’imagination Le fantastique, comme le merveilleux, est un véritable plaisir pour l’esprit habituellement soumis à la contrainte de la pensée rationnelle. Le fantastique permet au lecteur d’imaginer un homme qui se mé- tamorphose, qui survit à la mort, ... 3.6 Exercice de style De nombreux auteurs ont été attirés par le fantastique en raison de la diffi culté de "l’exercice fantasti- que" : faire admettre l’inadmissible dans une forme généralement brève. A la diff érence des autres gen- res où la nouvelle est réduite à la portion congrue, cette forme domine dans le fantastique. 1 Th. GROESTEEN : L’univers des Mangas, Casterman, 1995. Il est impossible de passer en revue tous les sujets fantastiques, étant donné que tout auteur de fantas- tique peut faire naître un sentiment de malaise ou de peur avec n’importe quoi. Il lui suffi t d’avoir un minimum de talent et d’imagination. Cependant, la plupart des sujets apparus au 19ème siècle devinrent des "classiques" repris par les écri- vains avec plus ou moins de bonheur. Ces sujets provenaient soit des légendes folkloriques, soit de la mythologie antique (principalement gréco-romaine). Nous proposons tout de même un classement qui se veut simple, cohérent, et englobant les principaux sujets fantastiques, sans pour autant être exhaustif. 4 CLASSEMENT DES PRINCIPAUX "SUJETS FANTASTIQUES" LE FANTASTIQUE 17 4.1 Quand les morts s’en mêlent... spectres*, fantômes*, esprits* vampires zombi(e)s* momies 4.2 Quand les diables et les dieux s’en mêlent... le "diable" ou le "Mal" à l’état pur ou avec leurs intermédiaires (sorciers, prêtres, magiciens...) les dieux antiques les divinités imaginaires 4.3 Quand la nature s’en mêle... les animaux malfaisants ou vengeurs à l’intelligence hors norme les animaux monstrueux (ex : King Kong) les monstres mi-humains mi-animaux (ex : le loup-garou) les parties du corps devenues autonomes (ex : la main) le temps (qui a des ratés : arrêt ou répétition, télescopage présent/passé) la chose "indéfi nissable" et "invisible" l’objet animé (ex : une statue) le cataclysme naturel 4.4 Quand les hommes s’en mêlent... les hommes transformés (l’homme invisible, Dr. Jekyll et Mr. Hyde, l’homme qui rétrécit,...) les créations vivantes (ex : Golem*, Frankenstein) les créations animées (ex : automates,...) les mutants les monstres "réveillés" par l’homme (ex : Godzilla) les armes démentielles Ceci étant, nous ne pouvons qu'affi rmer notre accordance de vue avec ce qu'exprime J.-B. Baronian dans son "Panorama de la littérature fantastique de langue française - éd. Table Ronde" : "C'est qu'en réalité le mot fantastique s'inscrit dans la géographie du langage comme une rivière aux affl uents et aux confl uents multiples et qu'il baigne à la fois des événements rationnels et des évé- nements irrationnels, des événements explicables et des événements inexplicables. Jusqu'à l'océan des paradoxes. (...) Pour être juste, il faut préciser que chacun vient au fantastique comme dans une auberge es- pagnole : en n'y trouvant que ce qu'il apporte. Selon sa vision de la chose littériare, selon sa propre conception de l'imaginaire et, plus encore, selon qu'il désire accueillir telle ou telle oeuvre et exclure telle ou telle autre." 5.1 L’épouvante Ce genre qui connaît un regain d’intérêt actuellement se confond volontiers avec le fantastique. En lit- térature, des maisons d’édition proposent au public des collections qui lui sont entièrement consacrées, telles Chair de poule aux éditions Bayard Poche pour les jeunes ou Terreur chez Pocket. Ces collections mêlent des ouvrages parfois très diff érents, appartenant pêle-mêle aux genres fantastique, S.F., policier, 5 LES GENRES PROCHES II. LE FANTASTIQUE EN LITTÉRATURE Le genre fantastique apparaît au début de 19e siè- cle, avec les oeuvres de E.T.A. Hoff mann. Cette création est le résultat de l’importante tra- dition littéraire antérieure, mais aussi du dévelop- pement de la pensée rationaliste et déterministe issue du siècle des Lumières. Les progrès de la science alimenteront sans cesse les auteurs, tant francophones qu’anglo-saxons. Guy de Maupassant et Edgar Allan Poe produiront quelques chefs-d’oeuvre. Le 20e siècle voit s’épanouir le genre qui, malgré ses détracteurs prédisant sa fi n, s’installe défi niti- vement dans le paysage littéraire contemporain. Sa nouvelle vague actuelle lui promet un bel ave- nir. 1.1 Les précurseurs 1.1.1 Jacques Cazotte* (1720-1792) et Le Diable amoureux (1772) Il est le véritable précurseur du conte fantastique français en posant les bases de ce qui deviendra le fantastique. Il mêle merveilleux et réalisme. Mais "son" diable qui est à présent un objet littéraire ne fait pas encore très peur... 1.1.2 Les romans gothiques, romans terrifi ants ou romans noirs Ce mouvement romanesque (de 1764 à 1820) constitue une branche du Romantisme. Le Horla - Guy de Maupassant (1887) 1 ORIGINES ET NAISSANCE DU GENRE FANTASTIQUE LE FANTASTIQUE EN LITTÉRATURE 30 naturels ne sont plus gratuits ou arbitraires. Au nombre des admirateurs d’Hoff mann, on compte, par exemple, outre Charles Nodier*, Théophile Gautier* et Gérard de Nerval*. Tous se mettent au fantastique, qui devient vite un genre obligé (Honoré de Balzac*, Prosper Mérimée*, etc.). 1.4 Evolution du fantastique Vers 1850, le genre se renouvelle sous l’infl uence de l’Américain Ed- gar Allan Poe* (1809-1849). Charles Baudelaire traduit ses histoires et les fait connaître en France. Poe part de la tradition fantastique d’E.T.A. Hoff mann et la perfectionne. Tout comme chez ce dernier, les récits purement fantastiques ne représentent qu’une petite par- tie de son oeuvre. Beaucoup de nouvelles sont satiriques. Il rend le fantastique plus "intérieur" : il délaisse les croyances populaires, magie et autre Diable pour se tourner vers l’homme, obsession, hal- lucination, folie, génie du crime, schizophrénie, etc. Il ouvre uploads/Litterature/ extraits-du-livre-le-fantastique.pdf