À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT Michèle

À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT Michèle Aquien, La Versification, n o 1377. Henri Suhamy, Les Figures de style, n o 1889. Paul Aron, Jean-Pierre Bertrand, Les 100 mots du symbolisme, n o 3927. Yves Stalloni, Les 100 mots du roman, n o 4094. ISBN 978-2-13-081037-7 ISSN 0768-0066 Dépôt légal – 1 re édition : 2018, mars © Presses Universitaires de France / Humensis, 2018 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Avant-propos Ce volume ne constitue ni un lexique idéal ni un dictionnaire abrégé de poétique. J’y ai simplement retenu quelques-uns des termes autour desquels s’organise mon entente de la poésie. C’est donc à travers le filtre d’un choix subjectif qu’une approche critique est ici proposée. Irréductible à une définition simple, la poésie incite à réunir autour d’elle une constellation de mots qui l’éclairent par facettes. Il y a là des verbes qui disent les gestes d’un travail (couper, lier) et d’autres qui désignent des mouvements du corps et de la pensée (se retourner, s’en aller). Il y a des substantifs qui marquent l’étendue d’un champ d’expérience (chair, terre, mémoire, désir), d’un espace préféré (paysage, jardin), d’objets (fenêtre, fontaine), ou d’états (fureur, mélancolie, douceur) et de formes (alexandrin, ode, fragment)… Il y a même des pronoms (je et tu) : c’est ainsi l’expérience humaine qui défile au gré de l’ordre alphabétique et déborde des livres. Peut-être est-ce cela même qu’il faut retenir de ce modeste lexique : la poésie est moins faite pour aboutir à un beau livre que pour nous rendre à la vie même. Deux siècles après que s’est éteinte la visée messianique d’un romantisme volontiers donneur de leçons, la question de la fonction puis de l’enjeu et de la valeur de la poésie demeure. Si l’édification des hommes n’est pas son but, non plus que la projection d’un monde nouveau, il lui incombe toujours de cadastrer le séjour humain : l’arpenter, en mesurer l’étendue et en tracer le périmètre, en dénombrer attentivement les composantes et en placer les bornes à leur juste place… Attentivement penchée sur la langue, la poésie prend soin de la forme du monde et de l’état de la pensée. Une fois quitté cet « âge des poètes » que fut le romantisme, le poète n’occupe plus de position surplombante et il devient cet « homme des foules » que considérait déjà Baudelaire : ni mage ni prophète, immergé dans son temps, souffrant en lui, douloureusement affecté par toutes les grimaces de la face humaine. Les 100 mots de la poésie ACTE AFFRONTEMENT ALEXANDRIN ÂME AMOUR APHASIE BEAUTÉ BOUCHOREILLE CÉLESTE CHAIR CHANT CHIFFONNIER CIRCONSTANCE CŒUR COMMENCEMENT CONSOLATION COUPE CRÉPUSCULE CRITIQUE DEDANS, DEHORS DÉFINITION DÉSIR DISTANCE DOUCEUR ÉLÉGIE ENJAMBEMENT ESPOIR, ESPÉRANCE EXCÈS EXPÉRIENCE EXPRESSION FAIRE FENÊTRE FIGURE FONTAINE FORME FRAGMENT FUREUR GENRE HAUTEURS HORREUR IDÉAL IDENTITÉ IGNORANCE IMAGE INSPIRATION INTENSITÉ JE LANGUE LECTURE LIEN LITTÉRALISME LYRISME MÉMOIRE MÉTAPHORE MÈTRE MORT MUSE MUSIQUE NATURE NOSTALGIE NUIT OBSCURITÉ ODE ON ORPHÉE PAYSAGE PERFORMANCE POÈME POÈTE PROSE POÉTIQUE, POÈME EN PROSE RÉALITÉ REGARD RÉSISTANCE RÊVE RÊVERIE RIME RYTHME SANG SENS SENSIBILITÉ SILENCE SOIF SOLITUDE SONNET SOUFFLE STROPHE SUBJECTIF SUBLIME TEMPS TENSION TOUCHER TRADUCTION TU VAGUE VÉGÉTAL VERS VERS LIBRE VERSET VIE VOIX ✵ ACTE En choisissant d’ouvrir ce livre par le mot « acte », il ne m’est pas désagréable de commencer par un contre-pied : cet acte de langage qu’est le poème n’est pas réductible au texte auquel il donne lieu. Il engage la perception même de notre vie et peut en modifier la direction. Selon Yves Bonnefoy, « la poésie se doit d’être un acte plus qu’un écrit, un moment de l’existence en mouvement vers son sens plus que la création d’un objet verbal dont son auteur ne serait qu’une dimension parmi d’autres ». C’est dire qu’elle est avant tout une expérience et que le travail du langage, si orienté soit-il vers la mise en valeur d’une forme, correspond à une espèce particulière d’engagement du sujet et une recherche de sens débordant le domaine intellectuel pour concerner la vie entière. Philippe Jaccottet s’inscrit dans la même perspective quand il écrit : « plutôt que de faire aboutir le monde à un livre, il faudrait que le livre renvoie au monde, rouvre l’accès au monde ». Soucieux de ne pas enfermer la poésie dans la littérature, il prend ainsi résolument à rebours la célèbre formule de Stéphane Mallarmé : « Le monde est fait pour aboutir à un beau livre. » Il y a en effet dans la poésie une force qui aspire à se dégager de l’art pour retrouver une forme de simplicité, de fraîcheur et de proximité avec la « vie immédiate » (Paul Eluard). Autant qu’un texte, le poème est un élan, une aspiration du désir dans la langue. « L’acte est vierge, même répété », affirme pour sa part René Char qui souligne à maintes reprises la valeur inaugurale de la poésie, sa puissance inventive, sa force « matinale » dont l’œuvre précoce d’Arthur Rimbaud offre un exemple saisissant. En quoi consisterait l’acte poétique ? Sûrement pas, comme le suggérait André Breton, à descendre dans la rue revolver au poing et à tirer au hasard sur la foule, mais à se montrer attentif : regarder le monde, considérer la langue, observer nos semblables, explorer l’« espace du dedans » (Henri Michaux). Si la philosophie est « fille de l’étonnement », la poésie est elle aussi une forme de l’attention. Jean-Marie Gustave Le Clézio nous en avertit dans L’Extase matérielle : « Il ne faut pas s’habituer. Il faut être stupéfait tout le temps, par chaque nouvelle vision. » ✵ AFFRONTEMENT Si la poésie est parfois consolatoire ou charmeuse, elle sait aussi se montrer violente, combattive, offensante et réfractaire. Qu’elle entreprenne de dénoncer les horreurs d’une guerre civile comme le fit Agrippa d’Aubigné dans Les Tragiques et s’oppose à l’oppression politique, à la façon de Victor Hugo dans Les Châtiments, qu’elle se fasse vigoureusement résistante comme les aphorismes de Fureur et mystère de René Char, ou qu’elle tienne à distance « les puissances du monde hostile » et engage un « combat mental » à l’instar des vers et des proses d’Henri Michaux, la poésie constitue une forme singulière de mobilisation du langage : le poème organise à travers ses images et ses rythmes un champ de forces, d’une intensité particulière. Plus radicalement, même en un temps où l’urgence d’un combat historique ne la sollicite pas directement, la poésie est un lieu d’affrontement avec les ténèbres, l’ignorance, l’inconnu de notre condition. L’écriture poétique est une façon de venir heurter les limites, et parfois de tenter de les outrepasser en malmenant la langue. C’est paradoxalement en se mesurant à l’obscur qu’elle livre ses propres clartés. « Ils m’ont appelé l’Obscur et j’habitais l’éclat », écrit à ce propos Saint-John Perse. ✵ ALEXANDRIN Apparu au XIIe siècle dans un long poème épique évoquant sur le mode légendaire l’histoire d’Alexandre le Grand, l’alexandrin devient le vers étalon de la poésie française. Mètre royal du théâtre classique, il en sert « l’entreprise d’investigation psychologique et morale » (Paul Claudel). Mètre dominant de la poésie du XIXe siècle, il soutient la puissance discursive et méditative d’une parole lyrique venant plaider avec éloquence la « cause humaine » dans un phrasé plus libre : « J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin », lance fièrement Victor Hugo dans Les Contemplations. La césure disparaît ; de nouveaux crescendos, de nouvelles cadences et de nouvelles couleurs verbales, plus riches et plus sonores, sont possibles ; un ancien corset se desserre pour laisser passer un souffle plus ample… Dans ses « Réflexions sur le vers français », Claudel se montre sévère avec les relâchements auxquels ont alors pu donner lieu les « allures nouvelles de l’inspiration », abusant volontiers de la répétition et de l’énumération, aussi bien que des « chevilles », « bouchons », « tiroirs » et autres espèces de facilités… On sait que dans sa propre écriture il préféra la puissance pneumatique du verset, tandis que d’autres, comme son contemporain Paul Valéry, conservaient au « vieil alexandrin » (et plus généralement aux vers réguliers) leur fidélité, à l’exemple de Stéphane Mallarmé. C’est que ce vers, symbole de « tradition solennelle », donne à percevoir des « échos vénérables » et porte avec lui à la fois la noble idée de la poésie et sa juste mesure. Au fil des siècles, il a éduqué l’oreille, façonné la mémoire et déterminé l’entente de la poésie française. ✵ ÂME Si l’on en croit Platon, l’âme est un bloc de cire, plus ou moins abondante et fine selon la noblesse de celui en qui elle réside, où s’impriment « les objets qui viennent par les sens ». Elle est le bien le plus précieux et la partie la plus intime de l’être, comme l’organe même du spirituel, si le cœur est celui de la sensibilité. Pour Alphonse de Lamartine, la poésie est « cri de l’âme » que le uploads/Litterature/ 4-5814614278233134441.pdf

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