À plusieurs voix sur L’après Pierre Bourdieu (hommages et auto-analyse) Plan de
À plusieurs voix sur L’après Pierre Bourdieu (hommages et auto-analyse) Plan de l'article Un deuil en travail : sur les hommages à Pierre Bourdieu Une théorie du social en voie de consécration et de banalisation Diversité des hommages et diversité de l’œuvre : un rapport d’homologie La sociologie faite corps Connaissance et changement Un livre testament. À mi-chemin entre l’auto-analyse et l’auto- représentation Analyse sociologique de soi et cousinages intellectuels. Autobiographe ou auto-analyste ? Cousinage 1 : Bourdieu/Hoggart Cousinage 2 : Bourdieu/Bouveresse 1 L a mort de Pierre Bourdieu en janvier 2002 a suscité de nombreux commentaires et analyses, dans un phénomène éditorial à la mesure de l’œuvre. Mouvements y a participé en consacrant à celui qui avait incarné à la fin de sa vie la posture de l’intellectuel engagé un dossier orienté vers la pensée et le discours critique (« Après Bourdieu. Le travail e la critique », Mouvements n° 24, novembre-décembre 2002). Plusieurs voix sont maintenant convoquées pour faire un bilan des textes posthumes. Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon reviennent sur les hommages dont a fait l’objet le sociologue, évoquant un travail de deuil qui contribue à l’objectivation collective du champ de la sociologie. Mais Pierre Bourdieu lui-même, tout en fustigeant la tentation autobiographique, s’était livré à cet exercice délicat qui consiste à replacer sa vie et son œuvre dans son époque. Monique de Saint-Martin, qui a longtemps travaillé avec lui et pris ensuite quelques distances, présente Esquisse pour une auto-analyse. Dans ce dernier ouvrage, le sociologue retrace son itinéraire de recherche et d’engagement, dans une auto-analyse, sorte de legs qui confine à l’auto-représentation. Bernard Lahire, coordinateur du précieux livre collectif Le travail sociologique de Pierre Bourdieu. Dettes et critiques (La Découverte, 1999), commente Esquisse pour une auto-analyse en comparant la posture du sociologue à deux de ses « cousins sociaux et intellectuels » d’envergure, Richard Hoggart et Jacques Bouveresse. C’est l’occasion de présenter le dernier ouvrage de J. Bouveresse, Bourdieu, savant et politique. L’ensemble voudrait ainsi prolonger l’hommage, assumer la nécessité d’une critique constructive. Un deuil en travail : sur les hommages à Pierre Bourdieu 2 Ces notes tentent une réflexion à partir des multiples hommages qui furent rendus à Pierre Bourdieu, mort le 23 janvier 2002. Sa disparition continue à susciter commentaires et publications, un travail de deuil dont devrait naître une objectivation collective du champ de la sociologie de la deuxième partie du XXe siècle et de la position qu’y occupe le sociologue. La diversité des hommages met en perspective une vie et une œuvre dans son époque. Rançon du succès : cette construction, collective et incontrôlable, s’autonomise de son auteur sous nos yeux, pour passer dans le domaine public. Une théorie du social en voie de consécration et de banalisation 3 Il est peu de travaux sociologiques qui aient recueilli une aussi vaste audience que ceux de Pierre Bourdieu. Ce dont il se méfiait, soucieux de l’interprétation que l’on pouvait en donner. Aujourd’hui l’œuvre orpheline vit sa vie, célèbre et courtisée par de nombreux prétendants. Les concepts d’habitus, de champ, de capital (culturel, social…), de pouvoir et de violence symboliques, sont utilisés pour analyser les objets les plus divers. D’autres sciences humaines et sociales ont été influencées par P. Bourdieu, dont l’ethnologie, à laquelle il consacra ses premières années de travail, l’histoire et la géographie, et même l’économie. Pierre Bourdieu était agrégé de philosophie : venant d’une discipline noble et dominante, son premier combat fut de donner à la sociologie, alors discipline paria, une légitimité qu’elle n’avait pas encore. Il s’y efforça, en s’appuyant sur sa connaissance de la philosophie des sciences [1][1] Sur ce point, voir l’ouvrage posthume de P. Bourdieu,.... Il réussit à imposer la sociologie comme science sociale à part entière. 4 Devant l’hégémonie de la pensée libérale, les textes de Pierre Bourdieu fournissent aujourd’hui des outils pour analyser les rapports sociaux comme rapports de force et de domination. Nombreux sont ceux qui s’approprient, dans les luttes sociales, ses concepts et ses travaux. Il n’est donc pas étonnant que les hommages aient été aussi nombreux et variés. Diversité des hommages et diversité de l’œuvre : un rapport d’homologie 5 La recension des hommages présentée ici ne saurait prétendre à l’exhaustivité, le flot n’en étant d’ailleurs pas encore tari. Il s’agit plutôt de construire un mode d’approche raisonné des célébrations publiques et de la littérature foisonnante sur les acquis d’une œuvre scientifique devenue incontournable. 6 Les institutions au sein desquelles travaillait Bourdieu ont chacune organisé des journées de réflexion sur son œuvre. Mais la première à être mise sur pied le fut par sa famille, ses amis, ses collègues, des étudiants. Ils remplirent le théâtre de la Colline, dans le 20éme arrondissement, pour écouter les témoignages de chercheurs et de collaborateurs, en alternance avec des passages de La Misère du monde, dans l’adaptation théâtrale qui en avait été faite quelques années plus tôt. La lecture d’extraits des Méditations pascaliennes donnèrent une densité émotionnelle rare par leur évocation de la finitude humaine. 7 Puis vinrent les célébrations institutionnelles. Elles eurent pour cadre les structures de recherche où Pierre Bourdieu exerça ses activités : l’École des hautes études en sciences sociales, le Centre de sociologie européenne et le Collège de France. En novembre 2002, les enseignants de l’EHESS, où il avait été élu directeur d’études dès 1965, se mobilisèrent pour un ensemble d’interventions publiées sous le titre Travailler avec Bourdieu [2][2] P. Encrevé et R. -M. Lagrave (dir.), Travailler avec.... On est frappé par la diversité des thèmes abordés, des tonalités différentes, de la variété même dans les émotions. Ces hommages publics furent une occasion de contester en pratique les affirmations selon lesquelles Bourdieu aurait été le gourou d’une secte à la pensée uniforme, modelée, jusque dans son expression, par les canons du maître. 8 Du 22 au 25 janvier 2003, ce fut l’hommage rendu par ses plus proches collaborateurs, ceux de Centre de sociologie européenne [3][3] Ces débats sont en cours de publication aux éditions.... Cette équipe, fondée par Raymond Aron, fut dirigée par Pierre Bourdieu à partir de 1968. Il s’y essaya à la construction de cet « intellectuel collectif », ensemble d’individualités qui trouvent dans la confrontation les bases d’un contrôle mutuel pour une pensée mieux assurée. L’exigence de la réflexivité fut d’ailleurs centrale dans ces journées. 9 L’hommage du Collège de France, où Bourdieu fut élu professeur en 1982, eut lieu les 26 et 27 juin 2003 [4][4] À paraître chez Odile Jacob.. Il se tint dans le grand amphithéâtre Marguerite de Navarre où il donnait ses cours. Y prirent la parole des chercheurs du monde entier auxquels se joignirent quelques-uns de ses plus proches collaborateurs. 10 Dans ces trois institutions, les hommages ont réuni des sociologues, des historiens, des statisticiens, des anthropologues, des économistes, des linguistes, dont les pays d’origine étaient divers : Algérie, États-Unis, Pays-Bas, Australie, Brésil, Russie, Allemagne, Canada, Suisse, Grèce, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Les thèmes abordés montrent une diversité tout aussi prononcée : des pratiques des agents dans l’entreprise à la notion de champ littéraire, en passant par l’anthropologie au service de la décolonisation ou la sociologie de la sociologie. 11 Le numéro consacré par Awal. Cahiers d’études berbères fondés par Mouloud Mammeri, à « l’autre Bourdieu » confirme cet éclatement des thèmes et des intervenants [5][5] Awal. Cahiers d’études berbères n° 27- 28, « L’autre.... La revue reprend les communications présentées le 23 janvier 2002 à l’Institut du monde arabe. Leur centre de gravité est appuyé sur les travaux de Pierre Bourdieu consacrés à l’Algérie et aux paysans kabyles. Mais les relations entre ethnologie et sociologie et leur complémentarité sont aussi appréhendées à partir d’aires culturelles différentes, de la France rurale aux comédies américaines en passant par l’Amérique latine. Et en donnant aussi la parole à quelques témoins non universitaires. 12 L’élargissement hors du champ universitaire devient encore plus manifeste avec les « VIIIème Rencontres Ina-Sorbonne », organisées à la Sorbonne le 15 mars 2003. L’Institut national de l’audiovisuel avait consacré ces rencontres aux rapports de Bourdieu aux médias, dont il analysait le champ comme étant un lieu de contraintes et d’enjeux. L’émotion était renouvelée entre les interventions par la diffusion d’extraits d’entretiens et d’émissions de radio ou de télévision qui faisaient renaître la voix ou le visage du sociologue. La diversité des intervenants mêlait de proches collaborateurs avec des journalistes de la presse écrite ou audiovisuelle, ou encore un réalisateur de cinéma et le typographiste des Actes de la recherche en sciences sociales. 13 On ne peut comptabiliser toutes les publications, les articles, les dossiers dans les hebdomadaires ou les mensuels, les émissions de radio et de télévision, les ouvrages suscités par cette disparition. Signalons les dossiers importants du Monde et de Libération et le numéro spécial de Sciences humaines [6][6] Sciences humaines, numéro spécial 2002, « L’œuvre de.... 14 Des ouvrages collectifs sont aussi à mentionner. Dont l’un était même déjà à l’impression lors de la disparition de Pierre Bourdieu. Les auteurs, en hommage au sociologue critique du libéralisme, voulurent néanmoins signifier leur uploads/Litterature/ a-plusieurs-voix-sur-l-x27-apres-bourdieu.pdf
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- Publié le Sep 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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