G. Jouassard Aperçu sur l'importance de l'Ancien Testament dans la vie liturgiq
G. Jouassard Aperçu sur l'importance de l'Ancien Testament dans la vie liturgique des premiers siècles chrétiens In: Revue des études byzantines, tome 16, 1958. pp. 104-115. Citer ce document / Cite this document : Jouassard G. Aperçu sur l'importance de l'Ancien Testament dans la vie liturgique des premiers siècles chrétiens. In: Revue des études byzantines, tome 16, 1958. pp. 104-115. doi : 10.3406/rebyz.1958.1176 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1958_num_16_1_1176 APERÇU SUR L'IMPORTANCE DE L'ANCIEN TESTAMENT DANS LA VIE LITURGIQUE DES PREMIERS SIÈCLES CHRÉTIENS Durant les premiers siècles, l'Ancien Testament a occupé, la chose est incontestable, une place très large, et en principe eminente, dans la vie liturgique de l'Église, place beaucoup plus large, à n'en pas douter, qu'il n'en occupe aujourd'hui dans la plupart des commun autés chrétiennes, celles-ci fussent-elles orientées dans le sens vété- rotestamentaire, comme il arrive présentement pour certaines (1). A quoi une telle position prédominante tient-elle, pour ce qui regarde l'antiquité ? Avant tout, à ce fait qu'à l'origine il n'y avait d'Écriture dans l'Église que ces livres de l'Ancienne Loi. Nous avons tendance spontanée et très forte à oublier cette situation, du moins les conséquences de celle-ci. Ceux de nos frères séparés qui se situent dans la ligne du protestantisme, nous y poussent, il est vrai, de leur côté (2). Ils sont si mal placés pour reconnaître ce qui est résulté de ladite situation! Ce qui en est résulté, au vrai, c'est que pendant plusieurs décades on n'a guère lu aux synaxes des communautés chrétiennes que la seule Bible dont on disposât alors, c'est-à-dire ce que nous nommons aujourd'hui Ancien Testament. Certes, de façon commune, on lisait cette Bible suivant les Septante, par conséquent dans un texte qui manifeste l'évolution déjà appréciable accomplie par cette Loi Ancienne dans le sens du christianisme. Cet autre fait a son importance; il mérite lui-même udc attention spéciale (3). Mais celui que nous signa- (1) En passant, nous avions amorcé ces remarques dans un article plus général sur Les Pères devant la Bible, article inséré dans Études de Critique et d'Histoire religieuses (Bibli othèque de la Faculté catholique de Théologie de Lyon, vol. 2), Lyon, 1948, p. 25-33. Nous essayons ici de préciser les choses à ce point de vue particulier, tout en tenant compte des constatations que nous avons pu enregistrer entre-temps. (2) L'influence des savants protestants est souvent très visible sur les travaux modernes des catholiques en matière de Canon des Écritures. La constitution de ce Canon a connu des périodes assez mouvementées, aux origines du christianisme; l'histoire ne s'en peut com prendre exactement que dans les perspectives que nous allons rappeler. (3) Nous avons tenté de mettre la chose en relief dans une communication présentée au 2e congrès de Patristique, tenu à Oxford en 1955. Le texte revisé de cette communi- l'ancien testament dans la liturgie primitive 105 lions à l'instant en mérite non moins. Lorsque, en effet, au cours du Ier siècle, et même durant une portion notable du 11e, les chrétiens parlent de Γραφή, chacun d'eux comprend qu'il s'agit de ce qui était la Γραφή pour les Juifs, ce qui l'avait été jusque-là pour les chrétiens, soit les livres de notre Ancien Testament. Sans doute, au fur et à mesure que vont paraître dans l'Église chrétienne d'autres écrits qui formeront le Testament Nouveau, on aura tendance ici ou là à les lire de leur côté à la synaxe, surtout quand c'étaient des épîtres adressées par tel Apôtre bien connu, Paul en particulier, à des communautés également connues de la communauté où se faisait cette lecture. Mais c'est par relation que la pièce avait été transmise de la sorte d'une communauté à l'autre, à titre de don, par αγάπη, par suite de l'intérêt, en outre, que l'on portait au contenu de l'épître. Que du premier coup chacun ait reconnu (1) et partout proclamé : « Telle épître est scripturaire ; c'est la Parole de Dieu, comme le sont la Loi et les Prophètes », il faudrait, pour l'admettre, qu'on ait du fait quelque preuve recevable. Or, en réalité, toute preuve manque dans ce sens; sans réaliser ce qu'eût comporté la chose, si elle avait existé, on admet cette chose comme un postulat. Le postulat n'offre guère de vraisemblance. Encore le cas des épîtres de saint Paul est-il à bien des égards privilégié, au milieu des écrits du Nouveau Testament. Une épître, dans l'antiquité chrétienne, porte naturellement sa marque d'origine. S'y trouve en tête une suscription (2), et même, normalement, en queue, cation a paru sousl e titre : Requête d'un patrologue aux biblistes touchant les Septante, dans Studia Patristica, vol. I (Texte und Untersuchungen 63), Berlin, 1957, p. 307-327. (1) Du point de vue catholique, une telle reconnaissance par un chrétien, ce dernier fût-il spécialement qualifié pour cela, n'aurait qu'une valeur très relative, à peine une valeur d'indice. Ce n'est pas un chrétien tout seul qui peut décider de ces choses, ni même un groupe de chrétiens; c'est l'Église entière; c'est elle uniquement, qui est habilitée à percevoir et à déterminer quels ouvrages sont scrip turaires, parmi ceux qui s'offrent à elle. Ladite per ception et proclamation ne fait point certes que l'écrit change de nature. S'il est agréé, celui-ci était inspiré depuis l'origine; il ne saurait le devenir après coup. Encore faut-il que ce caractère inspiré de l'écrit apparaisse à l'Église, pour que cet écrit puisse être rangé par elle dans la catégorie des ouvrages scripturaires. En cela précisément le rôle est décisif de a communauté prise en bloc, et très spécialement de la hiérarchie. Pour qu'il en allât d'autre sorte, il eût fallu que la Bible descendît du ciel comme volume constitué d'avance en quelque sorte, marqué d'autre part de signes susceptibles de le révéler comme tel à qui conque. Hypothèse et exigences singulièrement hardies, en désaccord manifeste avec la réalité. (2) Nous entendons ici suscription au sens strict et originel du mot, c'est-à-dire de l'adresse qui figure en tête des épîtres de saint Paul et de celles des chrétiens après lui : « Paul,... à l'église de Dieu qui se trouve à Corinthe... » Une telle suscription, parce que mise ou dictée par l'auteur même de l'épître, a une tout autre portée en soi qu'un simple titre. Le titre, en effet, ne fournit pas toujours le nom de l'auteur; par lui-même il n'offre aucune garantie positive au lecteur qu'il procède de cet auteur en personne. Pour que la suscription, au contraire, pût être contestée, il faudrait qu'elle apparût un faux. 106 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES un alia manu, lequel constitue une sorte de signature (1). La suscrip- tion désigne et l'expéditeur de la lettre et le destinataire ou les desti nataires. Il est aisé, cela étant, d'attribuer à son véritable auteur la pièce transmise, et partant de reconnaître à cette pièce une autor ité considérable, bien qu'écrit de circonstance peut-être, si ladite pièce émane de Paul ou de quelque Apôtre. Quand il s'agira à l'inverse d'un évangéliste par exemple, ou des Actes, quelle sera la marque d'origine? Où la prendra-t-on? Dans un titre? Mais nos Évangiles ont-ils paru, munis d'un titre par l'auteur lui-même, ou bien est-ce la tradition qui a enregistré, dans un titre qu'elle a mis et conservé ainsi, le nom de cet auteur? Gomment le déterminer? Et comment prouver que le titre original, s'il a existé, a été copié ensuite régu lièrement dans sa teneur première, au cours des transcriptions suc cessives? Notons d'ailleurs, du point de vue de l'autorité à reconnaître à ces écrits, que nos Évangiles ne procèdent pas tous d'Apôtres dire ctement; Marc et Luc n'ont été que des disciples plus ou moins directs du Maître. Comment l'Église aurait-elle saisi ab initio que ces évan- gélistes-ci méritaient son audience au même titre que saint Matthieu, alors surtout que des récits concurrents pouvaient se présenter, en masse peut-être, qui de leur côté narraient des faits analogues ou enregistraient des dits du Seigneur (2) ? Telle étant la situation que nous pouvons entrevoir aujourd'hui, encore le faisons-nous bien mal, il est plus que douteux que le Nouveau Testament ait été de prime abord reçu pièce à pièce comme Γραφή, au fur et à mesure que (1) Sur cet usage, si intéressant, qu'ont pratiqué les chrétiens durant l'antiquité, on connaît les observations très remarquables qu'a recueillies D. De Bruyne à travers la corre spondance de saint Augustin; voir Reçue d'histoire ecclésiastique, 23, 1927, p. 523-526. (2) Nous touchons ici à un point extrêmement délicat, mais qui ne saurait être esquivé, s'agissant du Canon des Écritures. Certains savants donnent l'impression d'imaginer que nos quatre évangiles canoniques auraient vu le jour tout seuls comme écrits de ce type au ier siècle; ils traitent en tout cas du problème du Canon, en faisant comme si les choses s'étaient passées de la sorte. Étant donné l'hypothèse dans laquelle ils se mettent, il leur paraît très simple que l'Eglise ait agréé immédiatement, voire canonisé sur-le-champ, ces quatre évangiles, cependant qu'elle aurait laissé de côté tous les autres. Ceux-ci — nous les rangeons aujourd'hui dans la catégorie des Apocryphes du uploads/Litterature/ apercu-sur-l-x27-importance-de-l-x27-ancien-testament-dans-la-vie-liturgique-des-premiers-siecles-chretiens.pdf
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- Publié le Jui 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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