63 Mansour Sayah, Maître De Conférences - Racha Nagem, Doctorante en littératur

63 Mansour Sayah, Maître De Conférences - Racha Nagem, Doctorante en littérature comparée, Université de T oulouse le Mirail II Henda Zaghouani-Dhaouadi, Docteur en Sciences du Langage Université de Saint-Étienne Resumen : El presente artículo es una contribución al análisis de los contextos histórico y lingüístico en los que el árabe, como lengua escrita, apareció en la Península Arábiga. Esta aparición no deja de plantear cuestiones controvertidas sobre todo con respecto a la relación intrínseca que mantiene el árabe con el Corán, texto sagrado del mundo musulmán, que lo considera como una lengua pura. Palabras clave : « Arabe puro », arabe clásico, arabe estandard moderno, arabe hablado, tribus y lenguas árabes. The arabic language, history and controversies Abstract: This contribution is a contribution to the analysis and to the elucidation of historical and linguistics contexts leading to the emergence, in Arabic Peninsula, Arabic as written language. This event created above all controversies in his intrinsic relation with the Koran, revered text of Muslim world who consider it as a pure language. Keywords: “Pure Arabic”, classical Arabic, standard and modern Arabic, spoken Arabic, Arabic tribes and languages. Il est difficile d’aborder l’étude d’une langue sans référer à l’histoire qu’elle véhicule. Il en est ainsi pour l’arabe qui a connu une longue tradition orale avant d’être consigné à l’écrit. Postérieurement à la période antéislamique, Synergies Espagne n° 2 - 2009 pp. 63-78 La langue arabe, histoire et controverses Résumé : Cet article est une contribution à l’analyse et à l’élucidation des contextes historique et linguistique dans lesquels l’arabe, en tant que langue écrite, était apparu dans la Péninsule arabique. Cette apparition n’est pas sans poser des questions créant controverses surtout dans la relation intrinsèque que l’arabe entretient avec le Coran, texte sacré du monde musulman, qui le considère comme une langue pure. Mots-clés : « Arabe pur », arabe classique, arabe standard moderne, arabe parlé, tribus et langues arabes. La lengua árabe, historia y controversias 64 l’Orient musulman comportait deux périodes avec généralement cinq étapes de durée et d’importance disproportionnées connues par les historiens de la littérature arabe1. Il reste donc beaucoup de choses à découvrir de l’Arabie et des tribus qui la peuplaient au Ve siècle et à plus forte raison avant cette période, tant la documentation que nous en avons est faible par rapport à d’autres civilisations moyen-orientales. Il serait tout autant plus réaliste de parler non pas de la langue arabe mais plutôt des langues arabes, car chaque tribu avait son parler propre. Néanmoins, le Coran considère que cette langue était la plus soutenue de toutes les autres de la Péninsule arabique, évoquant « un arabe pur » comme l’attestent ces deux versets : « Nous l’avons fait descendre [le Coran] [sous forme] d’une révélation en langue arabe.. »2 « …C’est [une révélation] en arabe pur.. »3 « Nous avons fait de [l’Écriture] une Prédication en arabe… »4 En 2000, un philologue et sémitologue allemand, soutient une thèse intitulée Lecture Syro-araméenne du Coran, mettant ainsi la lumière sur une nouvelle interprétation, qu’il publie d’abord en 2004 en allemand puis en 2007 en anglais, sous le pseudonyme de Christoph Luxenberg. Ce minutieux travail dont l’idée principale est que le Syro-Araméen fut la langue dominante en Asie Occidentale de l’époque où Mahomet eut la Révélation, ouvre la voie à une nouvelle lecture de ce texte et montre combien il est une forme vivante de cette ancienne langue. L’auteur finit par constater que sans une connaissance préalable du Syro-Araméen, il est impossible d’interpréter le texte coranique, d’où toutes les ambiguïtés et lectures limitées des philologues arabes dès le VIII-Xe siècle de J.C. (C’est-à-dire le siècle de Jésus Christ, selon le calendrier chrétien et non musulman) qui dans leur ignorance de cette langue ancienne, ont établi des commentaires du texte à travers leur unique compétence en l’arabe classique. Connaissances qui n’étaient, par ailleurs, qu’à leurs premiers frémissements. Ce qui importe ici, ce n’est pas tant la question de l’interprétation du Coran lui-même, mais l’idée que l’arabe classique est la langue dans laquelle il est apparu. Cette idée s’avère être remise en question aujourd’hui et cela confirme bien l’hypothèse selon laquelle l’arabe des Quraychite n’était qu’une koïnè parmi tant d’autres de la Péninsule arabique. L’état de nomadisme qui y a subsisté, pendant des siècles, n’aidant pas, de surcroît, le chercheur à bien fixer les origines de la langue arabe. Tous ces problèmes nous incitent donc à reposer, du point de vue des Sciences du Langage, la question, très controversée, de la pureté des langues. Langue pure vs langue impure, mythe ou réalité ? C’est une parfaite illusion que de considérer une langue comme étant « pure » et/ou « sacrée ». On sait aujourd’hui, du moins du point de vue des Sciences du Langage, que les langues voyagent et ont, de tout temps, été sujettes aux contacts entre elles et aux cultures qu’elles véhiculent. On sait notamment que leurs brassages sont des phénomènes tout à fait ordinaires et même enrichissants. En outre, avoir évoqué déjà le concept de « langue pure » en Synergies Espagne n° 2 - 2009 pp. 63-78 Mansour Sayah, Racha Nagem, Henda Zaghouani-Dhaouadi 65 ces temps-là sous-entendait clairement « langue impure » et que les contacts de langues, bien que probablement mal vu, étaient un phénomène bien connu des Arabes de cette époque cohabitant avec des hébreux, des chrétiens, des araméens etc. Il serait donc absurde de maintenir cette hypothèse de pureté, quant à l’approche qu’on devrait avoir, dorénavant, de la langue du Coran. Ainsi, est-il désormais fondamental de travailler à dynamiser la conception, farouchement préservée encore, vieille de plusieurs siècles, du texte coranique et de la langue dans laquelle il est apparu. À partir des versets cités supra, les savants musulmans, tirèrent la conclusion que l’arabe du Coran était la langue des Quraysh, la tribu d’où était originaire le Prophète. La tradition classique arabe identifie donc la langue du Coran avec celle en usage dans cette tribu. Nous voyons donc, que d’un point de vue simplement sociolinguistique, et en revenant à la situation stratégique de ce groupe sédentaire, tant d’un point de vue géographique que géopolitique, les Qurayshite étaient une puissante tribu vivant essentiellement de commerce à la Mecque. Cette puissance a, sans doute, incité à considérer son idiome comme une langue supérieure à celles avoisinantes. En reconsidérant l’hypothèse d’une langue « pure », en pensant immédiatement à celle parlée par le groupe auquel appartenait le Prophète, on se demandera si l’arabe du Coran était en usage quotidien . Il apparaît en effet, non pas comme une langue usuelle, mais plutôt comme un niveau de langue très élaboré, en raison de ses rythmes, de ses formules, de son vocabulaire, de ses images bref du style dans son ensemble ? Il suffit de lire le Coran de près, pour s’apercevoir qu’il contient en fait plusieurs styles selon les sourates : styles imagé de scènes apocalyptiques, polémique dans la lutte contre les polythéistes, juridique concernant les règles la vie quotidienne, lyrique pour les prières et la foi. Personne n’ayant justement utilisé ces « niveaux » de langue au quotidien, les sémitologues et philologues modernes pensent, aujourd’hui, que cette langue connue des poètes et devins était en fait commune à d’autres tribus et différait par certains traits linguistiques des parlers quotidiens. En conséquence5, la situation linguistique durant les premières décennies du VIIe siècle, dans la Péninsule arabique, n’était pas aussi évidente qu’elle en avait l’air dans la tradition rapportée par les savants irakiens du Xe siècle. Les signes ambigus de l’alphabet arabe en usage à cette époque pouvaient, en effet, donner lieu à diverses lectures. Par ailleurs, le syro-araméen était alors la langue de culture dominante dans toute l’Asie occidentale. Christoph Luxenberg, dans sa recherche, observe, comme le note à juste titre Claude Gilliot, « qu’elle a dû exercer une influence sur les autres langues de la région qui n’étaient pas encore des langues d’écriture. Nous ajouterons que la Mecque avait des contacts avec la ville de Hîra, nom araméen, qui était un siège épiscopal dès 410. De plus, selon certaines sources musulmanes, les habitants de Tâ’ef et les Quraychites ont appris « l’art d’écrire » des chrétiens de cette ville »6. Cette langue commune, appelée koinè, était précisément celle dans laquelle s’exprimaient naturellement les poètes et qui leur permettait de se faire La langue arabe, histoire et controverses 66 comprendre par le plus grand nombre de tribus. La langue du Coran, en raison de sa forme particulière de prose poétique, diffère certes de cette koinè mais elle s’en rapproche par sa structure et sa syntaxe. L’arabe pur auquel fait allusion le Coran semble donc être cette langue, que l’on pourrait appeler la langue de culture, et qui était le propre, non pas de tous, mais de ceux qui maniaient le verbe à un niveau très élevé. Ainsi, faut- il éviter l’erreur grossière qui consisterait à croire qu’il y avait, du temps de l’antéislam, une langue unique entre les Arabes qui, au fil du temps, se serait « dégradée » pour uploads/Litterature/ arabe.pdf

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