145 p p LES MANUELS DE TRADUCTION : ESSAI DE CLASSIFICATION1 I L Y A UNE TRENTA

145 p p LES MANUELS DE TRADUCTION : ESSAI DE CLASSIFICATION1 I L Y A UNE TRENTAINE d’années, Jean-Pierre Barra écrivait dans un collectif sur l’enseignement de la traduction publié à Gand, en Belgique : «Malgré l’accroissement considérable d’instituts spécia- lisés dans la formation de traducteurs depuis la Deuxième Guerre mondiale et l’intérêt croissant porté à l’étude de la traduction en tant que discipline scientifique, il est assez navrant de devoir constater qu’il n’existe aucune étude complète sur l’enseignement de la traduction et de sa (ses) technique(s)» (Barra 1975 : 9). Depuis lors, le nombre d’études sur le sujet a augmenté, des thèses de doctorat ont été consacrées à la pédagogie de la traduction et les ouvrages et numéros spéciaux de revues2 ayant ce sujet pour thème se sont multipliés. En ce qui concerne la production de manuels, toutefois, Judith Woodsworth constatait dans la revue canadienne de traductologie TTR : «At a time of steady advances in the field of translation studies and of an increasing awareness of the importance of translation pedagogy, it is surprising that there has not been more work done to produce effective teaching tools» (Woodsworth 1990 : 131). Il est vrai que nous disposons d’assez peu d’instruments pédago- giques adaptés aux exigences particulières de la formation des futurs traducteurs professionnels. Je pense pouvoir dire que c’est le cas en théorie de la traduction, en documentation, en révision, en traduction technique, en traductique et en histoire de la traduction. Le choix est un peu plus vaste en ce qui concerne l’initiation à la traduction générale. Michel Ballard (1995 : 229-246), et avant lui Munteano (1956 : 154), Roger Zuber (1968 : 150-151) et Jean Stéfanini (1971 : 597-606), ont bien montré que les premières méthodes consacrées à l’apprentissage de la traduction, si l’on fait exception de l’opuscule qu’Étienne Dolet fit paraître à Lyon en 1540 sous le titre La Manière de Bien traduire d’une langue en aultre, remontent au XVIIe siècle, plus précisément aux Règles de la traduction de Gaspard de Tende (1660). Ce dernier consigne de nombreuses règles de traduction pui- sées chez divers auteurs, et organise son traité comme un véritable ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION 146 «manuel de traduction» (Horguelin 1981 : 100). Les premiers manuels ne datent donc pas du milieu du XXe siècle, comme l’a cru à tort Georges Mounin, par exemple, qui, saluant la parution de la Stylistique comparée du français et de l’anglais écrit : «[...] cet ouvrage est sans doute le premier traité de traduction» (Mounin 1976 : 227). A. ÉTABLISSEMENT DU CORPUS Sans remonter aussi loin dans le temps, j’ai dressé, pour le domaine anglais-français, un inventaire des manuels publiés depuis la Deuxième Guerre mondiale, soit depuis l’apparition de la majorité des grandes Écoles de traduction dans le monde. J’ai recensé pas moins de quatre- vingt-huit titres, utilisés au niveau universitaire, mais pas exclusive- ment. On en trouvera la liste complète, classée par ordre chronolo- gique, à l’annexe 2. Voici quelques précisions d’ordre méthodologique concernant l’établissement de ce corpus : a) La présente étude porte sur les manuels d’enseignement de la traduction, qu’ils soient destinés principalement aux étu- diants en didactique des langues ou à ceux inscrits dans les programmes de formation de traducteurs professionnels. b) J’ai délibérément donné un sens large au mot «manuel». Par manuel, j’entends tout instrument pédagogique, à l’exclu- sion des ouvrages de consultation ou de référence, destiné à faciliter l’apprentissage de la traduction, qu’il s’agisse des notes consignées par un traducteur de métier, de recueils de textes (annotés ou non), de manuels alliant théorie et pratique et structurés autour d’objectifs d’apprentissage, de manuels de révision, d’ouvrages de stylistique comparée, de fiches de travail ou de cahiers d’exercices. Ces ouvrages renferment une proportion variable de connaissances rela- tives à l’apprentissage de la traduction présentées selon une progression plus ou moins systématique. Leur contenu, leur qualité pédagogique et leur présentation varient énormé- ment, cela va de soi. c) Le choix des manuels a été effectué indépendamment de leur valeur intrinsèque. MANUELS ET MÉTALANGAGE 147 d) Cette recension vise l’exhaustivité pour les années posté- rieures à 1970 et n’a qu’une valeur indicative pour les années antérieures. e) Elle se limite aux manuels du domaine anglais-français, français-anglais, publiés en Angleterre, au Canada et en France, à une exception près. f) Cette exception est l’ouvrage d’Eugene A. Nida et Charles R. Taber, The Theory and Practice of Translation (1969) : les auteurs sont américains et leur ouvrage a été publié aux Pays-Bas. Quatre raisons au moins justifient l’inclusion de ce titre : c’est un des rares manuels d’initiation à la traduc- tion de la Bible; ses auteurs ont donné une orientation réso- lument didactique à leur ouvrage comme ils l’indiquent dans leur préface : «This second volume presents certain of these same theories in a pedagogically oriented order, designed to assist the translator to master the theoretical elements as well as to gain certain practical skills in learning how to carry out the prodecures» (Nida et Taber 1969 : vii); le manuel renferme une quarantaine d’exercices pratiques (appelés «Problems»); il comprend, enfin, un glossaire de 270 termes. g) J’ai inclus dans le corpus, outre des manuels d’initiation à la traduction générale (les plus nombreux), quelques ma- nuels d’initiation à un genre de traduction spécialisée (tra- duction de la Bible, traduction économique, traduction journalistique, traduction médicale), ainsi que des manuels de révision. h) L’annexe 2 fait mention des «Livres du maître», des «Solu- tions des exercices» ou des «Corrigés» accompagnant certains manuels, mais à titre indicatif seulement. Ces publi- cations n’ont pas été incluses dans le dénombrement des manuels. i) Le corpus inclut quelques manuels traduits (Vinay et Darbelnet 1958/1995; Horguelin Hosington et Horguelin 1978/1980; Delisle 1980/1989), et quelques rééditions ENSEIGNEMENT PRATIQUE DE LA TRADUCTION 148 (Bruneteau et Luccioni 1968/1972; Maillot 1969/1981; Horguelin 1978/1985; Ballard 1987/1994). j) N’ont pas été retenus les manuels portant sur des langues autres que le français et l’anglais. C’est ce qui explique l’absence de l’ouvrage de Mona Baker, In Other Words. A Coursebook on Translation (1992) traitant principalement de la traduction entre l’anglais et l’arabe; du manuel de Samia Barrada et Yousif Elias, Traduire le discours éco- nomique. Implications didactiques pour la traduction français-arabe (1992), de celui de Mercedes Tricás Preckler, Manual de traducción (1995) consacré à la traduction du français à l’espagnol et, enfin, de celui d’Allison Beeby Lonsdale, Teaching Translation from Spa- nish to English (1996). k) Est exclu également de la liste l’ouvrage de Jacqueline Guillemin-Flescher, Syntaxe comparée du français et de l’anglais. Problèmes de traduction (1981). Bien que cette étude renferme un imposant glossaire (p. 400-516) et examine «un certain nombre de phénomènes linguistiques dans une perspective différentielle», elle ne constitue pas pour autant un manuel de traduction. Cet ouvrage n’est pas, comme le fait remarquer le préfacier Antoine Culioli, «une dissertation sur la traduction, ni un traité de stylistique littéraire, ni une stylistique comparée, au sens d’un manuel de linguistique contrastive dont l’objectif serait de faire acquérir, en coup par coup, une meilleure maîtrise de la traduction» (Guillemin-Flescher 1981 : v). l) Les ouvrages de réflexion sur l’enseignement de la traduc- tion n’ont pas été pris en compte non plus, puisque ce ne sont pas à proprement parler des manuels. C’est le cas, par exemple, de Training the Translator (Kussmaul 1995) et des trois volumes publiés sous la codirection de Cay Dollerup, Anne Loddegaard ou Vibeke Appel, Teaching Translation and Interpreting (1992, 1994, 1996). m) Pour la même raison, ont été exclus les ouvrages consacrés à la description du processus de la traduction ou d’un mo- dèle théorique, même si ces publications sont utilisées en MANUELS ET MÉTALANGAGE 149 enseignement de la traduction, mais pas forcément dans les cours pratiques. n) N’ont pas été retenues non plus les publications s’apparen- tant davantage à des ouvrages de référence qu’à de vérita- bles manuels d’apprentissage de la traduction. Appartien- nent à cette catégorie les multiples «arts de la traduction», les «manuels de l’angliciste», les «guides de la compré- hension de l’anglais (ou du français) écrit», les répertoires de «faux amis», les recueils de «mots pièges dans la version anglaise», les «épines du thème» ou les «traquenards de la version», de même que le Dictionnaire sélectif et commenté des difficultés de la version anglaise (Rey 1973). o) Ne font pas partie du corpus non plus les titres consacrés à un aspect particulier du langage, tel que le «passif dans les textes anglais» (Soudieux 1974) ou «les charnières de liaison du discours» (Bourget 1995). p) Ont été exclus, enfin, les manuels d’interprétation, comme le Manuel de l’interprète (Herbert 1952) ou la Pédagogie raisonnée de l’interprétation (Seleskovitch et Lederer 1989), la présente étude ne portant que sur l’enseignement de la traduction. Depuis la publication de cette étude en 1996, sont parus, entre autres, les titres suivants : The Beginning Translator’s Workbook or the ABC of French to English Translation (1997), de Michele H. Jones; Becoming a Translator. An Accelerated Course (1997), de Doug Robinson; la Pratique de la révision (3e éd., 1998), de uploads/Litterature/ art-le-manuel-de-traduction-essai-de-classification-pdf.pdf

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