Martin Jugie Phoundagiagites et Bogomiles In: Échos d'Orient, tome 12, N°78, 19
Martin Jugie Phoundagiagites et Bogomiles In: Échos d'Orient, tome 12, N°78, 1909. pp. 257-262. Citer ce document / Cite this document : Jugie Martin. Phoundagiagites et Bogomiles. In: Échos d'Orient, tome 12, N°78, 1909. pp. 257-262. doi : 10.3406/rebyz.1909.3804 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1909_num_12_78_3804 PHOUNDAGIAGITES ET BOGOMILES La secte des Bogomiles, dont parlent les écrivains byzantins à partir du xie siècle , a des origines fort obscures. Dans un article donné à la Revue des Questions his toriques, en 1870 (1), Louis Léger a essayé d'établir, d'après les sources slaves pu bliées par le chanoine Raczki (2), que le berceau de la secte devait être cherché en Bulgarie et que son fondateur était un certain pope appelé Bogomile. Ce nom de Bogomile ne viendrait point, comme l'a pensé Euthyme Zigabène (3), de Bog et de miloui (Dieu, aie pitié), mais de Bog et de l'adjectif tnili, qui veut dire aimé, aimable, de sorte que Bogomile se rait la traduction littérale du grec Théop hile. Vers le milieu du xie siècle, les Bogo miles étaient déjà répandus à Constanti nople, et, sur la fin de son règne, au début du xne siècle, Alexis Comnène (1081- 11 18) faisait brûler à l'hippodrome leur chef, le médecin Basile, après lui avoir arraché par ruse les secrets de la secte. Au xme siècle seulement, ces hérétiques auraient fait leur apparition en Asie Mi neure, comme en témoignent les écrits polémiques du patriarche Germain II (1222-1240), dirigés contre eux. Ces conclusions de Louis Léger, que les historiens semblent avoir adoptées (4), paraîtront désormais plus que contestables, après l'étude si consciencieuse et si bien menée que M. Gerhard Ficker vient de consacrer aux Phoundagiagites (5). Jus qu'ici, la principale source grecque sur les Bogomiles était le titre XXVII de la Panoplie dogmatique d'Euthyme Zigabène, (1) T. VIII, p. 479-517. (2) Starine, t. VI, VIII, IX. (3) Panoplia dogmatica, tit. XXVII; P. G., t. CXXX, col. 1289. (4) Voir, par exemple, l'article « Bogomiles » dans le Dictionnaire de théologie catholique, Vacant- Mamgenot, t. III, col. 926-930. (5) Die Phundagiagiten. Leipzig, A. Barth, 1908, in-8° de vi-282 pages. Prix : 6 marks. Echos d'Orient, 12* année. — N° j8. composée, comme l'on sait, à la demande d'Alexis Comnène (1). On attribuait au même auteur deux autres écrits sur le même sujet : i° une série de quatorze anathématismes, publiés pour la pre mière fois intégralement par Jacques Tol- lius (2) et reproduits dans Migne (3); 20 une réfutation de l'hérésie des Phoun- dagiates, un des nombreux noms des Bogomiles. De cette réfutation une petite partie seulement était publiée jusqu'à ce jour, d'après le Cod. Vatic. Grœc. 840, qui remonte au xve siècle (4). M. Ficker donne dans son ouvrage une édition critique complète de ce dernier écrit, dont on ne soupçonnait pas l'impor tance capitale pour l'histoire des origines du bogomilisme et la connaissance de ses doctrines (5). 11 fait suivre ce premier texte de deux autres documents : Γεκθεσας περί της αίρέσεως των Πογθ[Ληλων d'Euthyme Zigabène, d'après le Cod. Grœc. 3 de la bibliothèque de l'Université d'Utrecht (xme siècle) (6), et une lettre inédite du pa triarche Germain II contre les Bogomiles, tirée du Cod. Coislin. Grœc. 278 (7). ί'έ'κθεσ-ις d'Euthyme dont il s'agit ici con corde, pour la plus grande partie du texte, avec le titre XXVII de la Panoplie dogmat ique; il y a cependant des divergences importantes et intéressantes. L'introduc tion est totalement différente ; la disposi tion du contenu n'est pas la même. La courte réfutation que l'on trouve dans la Panoplie, après l'exposé de chacun des points de la doctrine bogomilienne, est omise. Sathanaël, le dieu des Bogomiles, est constamment appelé Samaël. Ces particularités donnaient au manuscrit (1) P. G., t. CXXX, col. 1289-1332. (2) Insignia itinerarii italici. Utrecht, 1696 p. 106-125. (3) P. G., t. CXXXI, col. 39-48. (4) Ibid. col. 48-58. (5) Die Phundagiagiten, p. 1-86. (6) Ibid. p. 87-1 11. (7) P. ii3-i25. Septembre iQog. ECHOS D ORIENT d'Utrecht assez de valeur pour être publié ; ce qui a été fait avec une rare intelligence, les concordances avec la Panoplie étant imprimées en petits caractères dans la trame du texte. Les 148 pages de recherches qui font suite à ces pièces parient successivement des manuscrits qui ont servi de base à l'édition critique du traité contre les Phoundagiagites, de la valeur du texte et de son contenu, de l'auteur du traité et surtout des hérétiques eux-mêmes. M. Ficker ne se propose point d'entrer dans tous les détails de la doctrine des Bogomiles, encore moins d'écrire l'histoire complète de la secte dans l'Eglise byzant ine ou d'étudier ses rapports avec le ca- tharisme occidental. Il s'attache à faire la lumière autour du texte qu'il publie et à mettre en évidence les données nouvelles qu'il fournit sur la question des origines. Le lecteur nous saura gré de lui faire con naître brièvement les résultats de cette enquête, qui a dû coûter à l'auteur un long et patient labeur. Le traité ou plutôt la lettre du moine Euthyme contre les Phoundagiagites ne se trouve en entier que dans deux manuscrits du xive siècle appartenant a la Bibliothèque nationale de Vienne (1). Le Cod. Grœc. 200 de l'Université de Turin a péri dans l'incendie de 1904 et n'a pu être utilisé. Trois autres manuscrits, le Cod. Grœc. 3 de l'Université d'Utrecht (xrue siècle), le Vindob. Theolog. Grœc. 306 (xive siècle), et le Vatic. Grœc. 840 (xve siècle), ne donnent que des extraits, très intéres sants du reste par leurs variantes. De la confrontation de ces divers manuscrits, il ressort clairement qu'aucun ne saurait passer pour le texte original. Le Vindob. Theolog. Grœc. 307, que l'auteur prend pour base de son édition, renferme des interpolations qui sautent aux yeux (2). Son contemporain, le Vindob. Theol. Grœc. 193, le complète sur certains points, (1) Cod. Theolog. Grœc, 3oj, fol. 1-2.1, et cod. ig3, fol. 186-209. (2) Par exemple, de la page 43 à la page 5i. et l'extrait du Vatic. 840 a des particular ités tout à fait remarquables. Comment expliquer ces divergences? Le moine Eu thyme, comme il le déclare lui-même, a écrit à plusieurs reprises contre les Phound agiagites. M. Ficker pense que les ma nuscrits nous présentent des rédactions successives d'un même plan primitif, mélangées d'interpolations dues aux co pistes. Il s'essaye ensuite avec beaucoup de sagacité à reconstituer la suite de l'or iginal, telle qu'on peut la suivre dans les deux manuscrits de Vienne. Cette analyse montre qu'Euthyrne est un assez piètre écrivain, qui compose un peu à l'aventure, sans plan .arrêté. C'est aussi un polémiste simpliste et naïf qui se contente de réfuter ses adversaires par des enfilades de textes scripturaires et de les traiter de démons incarnés. Malgré ces défauts, où l'on reconnaît la mentalité du moine byzantin, son ouvrage apporte des données nouvelles dont les hérésio- logues devront désormais tenir compte. Mais quel était cet Euthyme, que l'en tête des manuscrits désigne comme un moine du couvent de la Péribleptos à Con stantinople? Lui-même nous apprend sur sa personne tout ce qu'on en peut dire avec certitude dans l'état actuel de la science. Il était né en Phrygie, dans le diocèse d'Acmonia, sur la fin du xe siècle ou au commencement du xie. Sous le règne des empereurs Basile II et Cons tantin iX (976-1025), il vint un jour à Acmonia avec sa mère pour soutenir un procès, alors que Romain Argyre, qui devint ensuite basileus (1028-1034), exer çait les fonctions de juge dans le thème d'Opsikion, où se trouvait Acmonia. Devenu moine dans le couvent constanti- nopolitain de la Περίβλεπτος, fondé (ou restauré?) par ce même Romain Argyre, il fut élevé à la prêtrise. Voyageant un jour avec un faux hiéromoine, il ne fut pas peu surpris de l'entendre tourner en dérision le dogme de la résurrection des morts. Il essaya de le réfuter par l'Ecriture et la Tradition, et, voyant à qui il avait affaire, l'hérétique chercha à couvrir sa PHOUNDAGI AGITES ET BOGOMILES 259 réputation compromise, en prétendant qu'il avait simplement voulu poser une objection pour s'instruire. Cette première rencontre mit Euthyme en éveil et lui inspira le désir de connaître les secrets de la secte. Une occasion se présenta bientôt à lui de poursuivre ses investigations. Pendant qu'il faisait un pèlerinage en Terre Sainte, les hérétiques débauchèrent son disciple (1), que son ignorance livrait sans défense à leurs so- phismes. A son retour, ayant appris de la bouche même de son subordonné tout ce qui s'était passé, il entra en relations avec les séducteurs, au nombre de quatre, et, usant tour à tour de ruses et de me naces, il réussit à leur faire avouer leurs doctrines perverses. C'est après s'être ainsi bien renseigné qu'il prit la plume pour mettre en garde ses compatriotes d'Asie Mineure contre les pièges des héré tiques. Il est impossible de dater cette lettre d'une manière précise. On sait seu lement qu'elle est postérieure à la mort de Romain III (1034), et l'on peut avec vraisemblance la reporter à l'année 1050. M. uploads/Litterature/ article-rebyz-1146-9447-1909-num-12-78-3804.pdf
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- Publié le Mar 13, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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