Les Orients d'Arthur Rimbaud Author(s): Ines Horchani Source: Parade sauvage ,

Les Orients d'Arthur Rimbaud Author(s): Ines Horchani Source: Parade sauvage , NOVEMBRE 2006, No. 21 (NOVEMBRE 2006), pp. 201-216 Published by: Classiques Garnier Stable URL: http://www.jstor.com/stable/44780585 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Classiques Garnier is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Parade sauvage This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:27:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Les Orients d'Arthur Rimbaud par Ines Horchani « L'Orient est peut-être d'abord une direction » Pierre Brunei, Rimbaud et la tentation de l'Orient1 Le 4 juillet 1873, de Londres, Arthur Rimbaud écrit à Paul Verlaine : « Si je ne dois plus te revoir, je m'engagerai dans la marine ou l'armée. Ô reviens toutes les heures je repleure. Dis-moi de te retrouver, j'irai, dis-le-moi Verlaine ne dira pas à Rimbaud où le retrouver. Et quelques années après cette imploration, Rimbaud cessera d'écrire, et embarquera pour d'autres mondes. Cet ailleurs, le jeune poète en a rêvé, puis il y a vécu comme un nègre blan avant de tenter un impossible retour au pays natal. Nous occupera ici ce passage de la poésie à la « réalité rugueuse »4, et plus spécifiquement, de « l'Orient, la patrie primitive »5 du poète, à ces « satanés pays »6 d'Afrique et d'Arabie où Arthur Rimbaud, devenu négociant, n'est plus considéré que comm un « Français (...) grand, sec, yeux gris, moustaches presque blondes, m petites »7. La déception arabo- africa ine s'annonce donc à la hauteur du rêve oriental. Car l'errance ne guérit sans doute pas de l'absolu (ni de celui de la poésie, ni de celui de l'amour). Mais cette ultime désillusion signifie-t-elle qu'en envoyant « au diable les palmes des martyrs, les rayons de l'art, l'orgueil des inventeurs»8 pour retourner «à l'Orient et à la sagesse première et éternelle »9, le poète aurait succombé à « un rêve de paresse grossière » ?10 « Je rêvais... » Rêves d'Orient dans la poésie et la correspondance du jeune Rimbaud Le jeune Rimbaud rêve de l'« Orient »... «Je rêvais de croisades »n lit-on dans Alchimie du verbe, et, dans Mauvais sang : «J'ai dans la tête, des routes 1 Pierre Brunei, « Rimbaud et la tentation de l'Orient », Europe , juin-juillet 1991, p. 70. Arthur Rimbaud, Œuvres complètes , éd. Antoine Adam, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 271. Dorénavant : AA. Lettre de Rimbaud à sa mère et à sa sœur, du Harar, le 25 février 1890. Ibid., p. 612. Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, Illuminations et autres textes (1873-1875), éd. Pierre Brunei, Paris, Librairie Générale Française, 1998, p. 84. Dorénavant : PB. 5 Ibid., p. 79. 6 Lettre à sa mère, Harar, le 21 avril 1890. AA, p. 623. Description d'Arthur Rimbaud par le consul de Massouah au consul d'Aden, lettre du 5 août 1887. Ibid., p. 429. ö Ibid., p. 78. 9 Idem. 1U Idem. 11 Ibid., p. 68. This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:27:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 202 INES HORCHANI dans les plaines souabes, des rêve d'Orient nous apparaît d l'imaginaire du poète à par villes aussi mythiques que J est d'abord faits de mots, co démultiplié par l'emploi du souvent chez Rimbaud, c'es l'action elle-même est réali poète à proximité des références à cet Orient de mots marquent l'accomplissement (dans le passé, le présent ou l'avenir) de l'action rêvée. Dans Vies III , Rimbaud emploie le passé composé en disant : « Dans une magnifique demeure cernée par l'Orient entier j'ai accompli mon immense œuvre et passé mon illustre retraite »14. Dans Mauvais sang , le poète use d'un conditionnel passé qui ne tarde pas à se transformer en présent : « J'aurais fait, manant, le voyage en terre sainte (...) je danse le sabbat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants»15. De ce fait, le rêve rimbaldien permet non seulement aux mots de se réaliser, mais aussi à l'action de s'accomplir, et cela, en toute sincérité : « Je voyais très- franchement une mosquée à la place d'une usine »16. Mais comment le jeune Rimbaud ava it- il seulement déjà vu une mosquée ? Sans doute que non, mais, par le pouvoir alchimique du rêve, le plomb se métamorphosait en or sous ses yeux et surtout sous sa plume, et les colonnes d'évacuation des usines françaises s'élevaient vers l'absolu à l'image des minarets d'Orient. Néanmoins, aussi consolateur nous paraît-il de prime abord, cet Orient du jeune Rimbaud révèle une part de sa facticité, notamment dans les lettres à Delahaye ou Izambard. À celui-ci, Rimbaud demande par exemple : « Tenez- vous aux Nuits persanes V7 un titre qui peut affrioler, même parmi des bouquins d'occasion »18. tandis qu'il fait part à celui-là de l'un de ses projets poétiques : « Je fais de petites histoires en prose, titre général : Livre païen, ou Livre nègre »19. Le monde islamo-africain se trouve ici soit réduit à la valeur marchande du livre-objet qui cristallise le rêve d'Orient, soit rattaché à des histoires païennes ou «nègres», inspirées du désir d'ailleurs. Dans les deux cas, l'Orient est présenté par le jeune Rimbaud comme une image, et manipulé comme tel. Mais quelle est plus précisément cette image ? 12 Solyme=Jérusalem. PB, p. 50. 13 Ibid., p. 113. 14 Ibid., p. 102. 15 Ibid., p. 50-51. 16 Ibid., p. 70. Auteur : Armand Renaud. Date de parution : 1870. 10 Lettre de Charleville du 12 juillet 1871. A A, p. 256. Lettre de Roche de mai 1873. Ibid., p. 267 . This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:27:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LES ORIENTS D'ARTHUR RIMBAUD 203 L'Orient rimbaldien en images Il s'agit d'une image à multiples facettes, d effet, l'Orient semble se démultiplier dans poésies de Rimbaud, suivant une géographie orientales relevées dans l'œuvre du poète év Orient, l'Afrique (y compris l'Afrique du N saintes du judaïsme, du christianisme et de l'isla « l'Arabie »20 et « Carthage »21 ; Enfance IV no Palestine»22; Métropolitain nous décrit un langueur»23; Villes nous emporte dans «le m Bagdad »24. La plume du jeune Rimbaud nous territoire oriental très étendu. De plus, nou l'univers biblique, tant par des noms de lieux (c pensée du matin, Bethléem26 dans Jeune ménage Sodome28 et Solyme29 (Jérusalem) dans Noctur personnages rattachés à des lieux bibliques (com Les premières communions, Salomon et ses autel l'allusion au royaume de Saba et à ses « fils du S De ce fait, le poète nous paraît s'orienter dans livresque, qu'il s'agisse du Livre, la Bible, ou de ou à écrire. Dans ce cas, le lieu oriental aura certaine neutralité qui capte l'imaginaire. Dav jeune Rimbaud se passionne en effet pour des 20 A A, p. 148. 21 Ibid., p. 149. 22 Ibid., p. 124. ^ Ibid., p. 144. 24 Ibid., p. 136. Ibid., p. 76. De l'arabe, faqîr : pauvre. 20 Ibid., p. 81. Ibid., p. 144. Samarie : ancienne ville de Palestine, capitale du royaume d'Israël à partir du règne d'Omri (885-874 av. J.-C), conquise par Sargon II, roi d'Assyrie, en 721 av. J.-C. Il remplaça les habitants par des colons babyloniens et araméens. Cette population fut rejetée par les juifs rentrés d'exil (538) ; les Samaritains élevèrent alors sur le mont Garizim un lieu de culte concurrent de Jérusalem ; Sichern fut leur métropole. Prise par Alexandre (331 av. J.-C.), puis détruite par Hyrcan 1er (108 av. J.-Č), la ville fut reconstruite par Hérode le Grand sous le nom de Sebaste (en lat. Augusta). En 529 ap. J.- G, la plupart des Samaritains furent massacrés. 28 Ibid., p. 142. 29 Idem. 30 Ibid., p. 62. Région de Cisjordanie, située entre la Galilée au Nord et la Judée au Sud bordée à l'Est par le Jourdain ; administrée par Israël depuis 1967. 31 Ibid., p. 89 et p. 109. 32 Ibidé, p. 137. This content downloaded from 194.214.29.29 on Wed, 09 Sep 2020 08:27:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 204 INES HORCHANI fonctionner comme une cris constant pour le désert. «J verbe et « A sept ans, nous grand désert, où luit la Lib conséquent de devenir plus parfois comme un impérat paradoxalement dans Bruxell Quant aux figures qui hab poète, ce sont, aux côtés des « houris »38. On y trouve au aux grands yeux vainqueur squelettes de Saladins »41. Et nom comme, dans Les sœurs de « Le jeune homme dont l'œil es Le beau corps de vingt ans qui Et qu'eût, le front cerclé de cu Adoré, dans la Perse, un Génie Ou encore, dans Jeune ména résilles dans les uploads/Litterature/ article-rimbaud-1.pdf

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