Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences rel
Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses Résumé des conférences et travaux 124 | 2017 2015-2016 Formation des doctrines juridiques et du rituel en islam (du VIIe au XVe siècle) Les divergences dans les uṣūl al-fiqh d’après al- Ṣaymarī, juriste ḥanafite du Ve/XIe siècle Abdelouahad Jahdani Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/asr/1659 DOI : 10.4000/asr.1659 ISSN : 1969-6329 Éditeur Publications de l’École Pratique des Hautes Études Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2017 Pagination : 397-402 ISSN : 0183-7478 Référence électronique Abdelouahad Jahdani, « Les divergences dans les uṣūl al-fiqh d’après al-Ṣaymarī, juriste ḥanafite du Ve/ XIe siècle », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses [En ligne], 124 | 2017, mis en ligne le 04 juillet 2017, consulté le 06 juillet 2021. URL : http:// journals.openedition.org/asr/1659 ; DOI : https://doi.org/10.4000/asr.1659 Tous droits réservés : EPHE Annuaire EPHE, Sciences religieuses, t. 124 (2015-2016) Formation des doctrines juridiques et du rituel en islam (du viie au xve siècle) Abdelouahad Jahdani Directeur d’études invité Université Ibnou Zohr, Agadir (Maroc) Les divergences dans les uṣūl al-fiqh d’après al-Ṣaymarī, juriste ḥanafite du ve/xie siècle C es conférences ont eu pour but de présenter la science des uṣūl al-fiqh à partir de l’ouvrage : Masāi’il al-ḫilāf fī uṣūl al-fiqh du juriste ḥanafite al-Ṣaymarī. I. Présentation générale des uṣūl al-fiqh La première séance a été consacrée à une introduction générale à la discipline des uṣūl al-fiqh (méthodologie juridique), en situant la place et l’importance de cette science dans l’Islam et sa civilisation. La science des uṣūl al-fiqh constitue, avec celle des uṣūl al-dīn (théologie), la base et le ciment de l’Islam : ainsi les deux sciences portent-elles le nom « uṣūl » qui signifie littéralement : les fondements. Les uṣūl al-dīn traitent de l’aspect théo- rique de la religion islamique, c’est-à-dire de la croyance. Quant à la science des uṣūl al-fiqh, elle s’efforce de déterminer les modalités de la pratique des croyants (afʿāl al-mukallafīn). Ainsi, Abū Ḥāmid al-Ġazālī, qui mourut en 505/1111 et qui demeure l’un des grands théoriciens de la discipline, met en valeur l’importance de cette science dans l’Introduction à son œuvre majeure en la matière – al-Mustaṣfā – où il écrit : La science la plus noble est celle où se combinent, à la fois, la raison et la tradition, et où interviennent, de concert, l’opinion personnelle (ra’y) et la Loi divine (šar‘). Elle emprunte à cette Loi et à la raison (‘aql) le meilleur de leur méthode, qui n’est pas purement rationnel, de façon qu’il soit refusé par la religion. Il n’est pas, non plus, construit sur une simple imitation (taqlīd) de données auxquelles la raison refuserait la garantie de son appui1. Nous avons, au cours de cette première conférence, insisté sur la différence entre le fiqh et les uṣūl al-fiqh. La science du fiqh s’intéresse aux actes des personnes 1. Abū Ḥāmid al-Ġazālī, al-Mustaṣfā, Beyrouth 1993, p. 4. Résumés des conférences (2015-2016) 398 responsables (afʿāl al-mukallafîn), c’est-à-dire à leur éventuelle conformité avec les jugements légaux concernant la vente, le jeûne, le mariage, l’homicide notamment. Quant à la science des uṣūl al-fiqh, c’est elle qui détermine le statut (ḥukm) de l’acte. II. L’auteur et son œuvre La deuxième séance a porté sur l’auteur et son œuvre. Né à Ṣaymara, un faubourg de Baṣra en (351/962), Ṣaymarī rejoindra plus tard Bagdad, où il poursuivra ses études. Il eut pour maîtres les grandes figures savantes de cette ville au ive/xe siècle : al-Dāraquṭnī (385/995) et Ibn Shāhīn (395/1005) notamment. Son maître en fiqh et en uṣūl est Abū Bakr al-Khawārizmī (403/1012), chef de file des ḥanafites à Bagdad à la fin du ive/xe siècle. C’est lui qui remplaça Abū Bakr al-Jaṣṣāṣ2. Après la mort d’al-Khawārizmī, c’est Ṣaymarī qui deviendra le chef des ḥanafites à Bagdad jusqu’à sa mort en 436/1045. Les Masā’il de Ṣaymarī sont conçus selon un plan bien précis ou, disons plu- tôt, selon un canevas serré. Il expose d’abord les opinions controversées. Le pro- cédé qu’il adopte consiste à exposer la doctrine ḥanafite, la sienne, en se référant souvent à Jaṣṣāṣ puis il expose les théories des autres écoles, principalement celles de l’école shāfiʿite. Dans une seconde partie, Ṣaymarī développe les arguments sur lesquels s’appuie sa propre opinion ; son analyse est détaillée et solidement construite. Avec la même précision et le même scrupule intellectuel, il expose l’argumentation et l’analyse de l’adversaire. Enfin, dans une dernière partie, il s’attache à critiquer point par point les argu- ments de l’adversaire et à réfuter les critiques adressées par ces derniers à la doc- trine ḥanafite dont il essaie de démontrer la précellence. Ce procédé qui est caractéristique de la méthode ḥanafite et, en premier lieu, de Ṣaymarī, s’explique par le souci de l’école ḥanafite de donner aux différents statuts des actes du musulman une justification éthico-religieuse. Le problème est donc de connaître tout d’abord la valeur normative de la forme impérative sous son aspect positif (al-‘amr bi-l- ma ʿrūf) et son aspect négatif (al-nahy ʿan al-munkar). L’étude la valeur normative de l’ordre et de l’interdiction implique que l’on connaisse les différents aspects du discours dans sa généralité (ʿumūm) et dans ses particularisations (ḫuṣūṣ). C’est dans cet enchaînement que Ṣaymarī procède à l’étude du deuxième chapitre des Masā’il consacré au ‘āmm et au ḫāṣṣ. Ensuite, vient le chapitre de l’éclaircissement (bayān) qui veut corroborer la légitimité du processus de particularisation du discours révélé en raison de son sens métaphorique. L’un des moyens de l’éclaircissement du discours divin sont les actes du Prophète (af’āl al-Rasūl) qui sont ensuite l’objet de l’étude par Ṣaymarī dans ces Masā’il. En plus des problèmes classiques discutés dans ce chapitre et qui concernent le ḥadīṯ, sa transmission et son authenticité, l’une des questions clés est celle de l’imitation du Prophète. Il s’agit de savoir dans quelle mesure l’exemple du Prophète doit constituer pour le croyant un modèle à suivre. À partir de là, il est 2. Abū Bakr al-Rāzī al-Jaṣṣāṣ (370/981) est, à nos yeux, le vrai fondateur des uṣūl al-fiqh ḥanafites. Abdelouahad Jahdani 399 nécessaire de discuter du problème de l’abrogation (nasḫ) et des traditions (aḫbār) qui sont en étroite liaison avec les actes du Prophète. L’auteur aborde ensuite l’étude de l’iğmā’ dont l’examen qui suit montre le rap- port étroit que le consensus de l’Umma entretient avec la notion de l’information transmise par voie multiple (tawāṯur). Enfin le qiyāṣ est examiné pour définir la validité, la valeur probante et les procédés rationnels auxquels recourt cette troi- sième source de la méthodologie juridique. Après l’étude de ces procédés, l’auteur s’attache à circonscrire la notion de l’iǧtihād qui n’est autre que l’effort opérationnel permettant au qiyāṣ d’être fécond. Cette notion appelle à s’interroger sur la fiabilité de celui qui exerce l’iǧtihād. On peut dire que les Masā’il de Ṣaymarī se présentent comme une œuvre unique dans son genre, dans la mesure où elle est consacrée aux divergences dans les uṣūl al-fiqh ; on peut y voir un traité d’uṣūl al-fiqh comparé entre les différentes écoles juridiques de point de vue de la méthodologie juridique. III. Deux couples : amr (ordre) et naḥy (interdiction), ẖāṣṣ (particulier) et ‘am (général) Notre troisième séance à été consacrée à deux thèmes importants de la théorie des uṣūl al-fiqh, celui du concept de ‘amr-nahī (l’ordre et l’interdit), et celui du ḫāṣṣ- ‘ām (le particulier et le général). 1. Amr (ordre) et naḥy (interdiction) Ṣaymarī commence son ouvrage par les problèmes de divergences relatifs au couple amr (ordre) et nahy (interdiction) ; les concepts éthiques représentés par le couple oppositionnel amr-nahy sont en effet les deux pôles autour desquels se développe la théorie fondamentale ḥanafite. Il n’est donc pas étonnant que Ṣaymarī aborde son étude par l’analyse de ces deux principes éthico-juridiques. Dans ce chapitre « De l’ordre et de l’interdiction », dans lequel sont exposés 18 mas’ala, le problème qui nous paraît préoccuper les uṣūlī à cette époque – d’après l’œuvre de Ṣaymarī – et qui était l’une des principales causes de divergence (ḫilāf) en furū’ était celui du statut de l’ordre. Celui-ci implique-t-il une obligation ou sim- plement une recommandation ? Pour Ṣaymarī, comme pour Ǧaṣṣāṣ3 et l’école ḥanafite, le amr implique une obligation à moins que n’intervienne une preuve levant ce caractère obligatoire4. 3. Auteur du plus ancien traité d’uṣūl al-fiqh ḥanafite « Ǧaṣṣāṣ, al-Fuṣūl fī al- uṣūl », est conçu sur le même modèle que celui de Ṣaymarī avec une nette différence en ce qui concerne le couple oppositionnel amr-naḥy. 4. Notons que cette question de l’ordre (amr) qui est très importante dans la théorie et les ouvrages classiques des uṣūl- al-fiqh, ne trouve pas dans Risāla de Šāfi’ī de « développement autonome », comme l’a remarqué R. Brunschvig. On « la rencontre seulement de-ci de-là, d’une manière inci- dente, à propos, par exemple, du sens général et de l’abrogation, mais elle n’est nulle part traitée pour elle-même ni à fond ; il n’y a point de théorie de l’impératif à prendre dans le sens d’une autorisation ». Cf. R. BrunsChvig, uploads/Litterature/ asr-1659.pdf
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- Publié le Fev 01, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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