Astérix, un mythe ? Mythogénèse et amplification d'un stéréotype culturel Autho

Astérix, un mythe ? Mythogénèse et amplification d'un stéréotype culturel Author(s): Frédéric Maguet Source: Ethnologie française , Juin-Septembre 1998, nouvelle serie, T. 28, No. 3, Astérix. Un mythe et ses figures (Juin-Septembre 1998), pp. 317-326 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40990077 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Ethnologie française This content downloaded from 46.103.14.178 on Mon, 25 Jan 2021 17:36:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Astérix, un mythe ? Mythogénèse et amplification d'un stéréotype culturel Frédéric Maguet Musée national des Arts et Traditions populaires I RÉSUMÉ L'article tente en premier lieu d'analyser les conditions qui ont permis au cycle des aventures d'Astérix de bénéficier d'une bonne réception dans le public français. En particulier, sont mis en relation le récit d'Astérix et le mythe de Vercingéto- rix, non seulement du point de vue des citations formelles mais aussi par la filiation clairement affichée dans la substance du récit (au moins à partir du Bouclier arvernej. Cette filiation établie, une analyse de la structure des deux récits fait apparaître qu'ils se situent dans une relation de transformation. Dans un deuxième temps sont analysés les facteurs qui ont permis à Astérix de dépasser l'audience nationale en collant à toute situation de conflit opposant deux actants inégaux par leur échelle. Mots clefs : Astenx. Vercingetonx. Mythe. Formule canonique. Frédéric Maguet MNATP 6, avenue du Mahatma Gandhi 75116 Paris «II y a deux mille ans, notre pays s'appelait la Gaule et ses habitants étaient les Gaulois. » La première phrase du manuel de La nouvelle année préparatoire d'histoire de France d'Ernest Lavisse 1 établit d'emblée une continuité entre Gaulois et Français. L'histoire républicaine, en se dotant d'un surcroît de profondeur historique, dissocie la constitution de la France de la mémoire dynastique qui la fondait jusqu'alors dans la figure de Clovis. En même temps, cette constitution se trouve renvoyée dans les âges héroïques d'une civili- sation celtique qui affirmera toujours davantage sa dif- férence face à l'Antiquité classique d'une part, et face aux hordes germaniques d'autre part. La Gaule n'est plus une contrée sauvage peuplée de tribus que la défaite d'Alésia ouvrira à l'influence de la civilisation romaine, la Gaule est l'ancien nom de « notre pays ». L'histoire doit alors résoudre la tension entre l'exaltation de Ver- cingétorix que « les Gaulois prirent pour chef parce qu'il était noble et brave » (Lavisse) et l'affirmation du carac- tère positif de la colonisation romaine. Depuis le Premier Empire, le processus d'identifica- tion entre la Gaule et la France est à l'œuvre. La « Gaule chevelue » se voit investie de valeurs (la bravoure, l'in- dépendance) que se reconnaissent les contemporains, et Alésia résonne comme l'écho lointain de Waterloo et de Sedan. Astérix achève dans la bonne humeur un mou- vement inauguré un siècle et demi plus tôt. Dans cet uni- vers utopique d'une résistance éternelle se trouve abo- lie la seule distance qui demeurait entre les Gaulois et les Français : la chronologie. Le mythe national, notam- ment dans sa version scolaire, avait placé les Gaulois comme ancêtres des Français ; en neutralisant la distance temporelle, Astérix identifie les Gaulois aux Français (illustration 1). Deux récits, l'un héroïque et historique, l'autre paro- dique et ouvertement fictif, se déploient alors en paral- lèle. Astérix revendique une filiation avec Vercingétorix, affirmant ainsi un ancrage dans une mémoire nationale au second degré. En même temps, il s'affranchit de cet ancrage et, objet d'une réception massive dans les pays étrangers, acquiert la stature d'un mythe international. Quel est le statut des aventures d'Astérix ? Peut-on mettre au jour, au niveau de la structure du récit et non simplement de son expression comique, ce double Ethnologie française, XXVIII, 1998, 3, Astérix. Un mythe et ses figures, p. 317-326 This content downloaded from 46.103.14.178 on Mon, 25 Jan 2021 17:36:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 318 Frédéric Maguet 1 . Astérix et la rentrée gau- loise. mouvement de filiation et d'expansion ? Peut-on par là rendre compte de l'adhésion culturelle dont jouit depuis trente-cinq ans le « petit guerrier gaulois aux moustaches blondes » ? Notre propos est de montrer que, au-delà de la citation, les structures des deux récits sont dans un rapport de transformation. A partir de cette démons- tration on tentera de dégager les mécanismes grâce auxquels, issu d'un mythe national, Astérix s'interna- tionalise par un enrichissement de sa structure comme de son expression. I Astérix, un phénomène de société Le succès editorial exceptionnel que connaît Asté- rix, unique dans le domaine de la bande dessinée, le place comme un phénomène culturel de masse. Aux 280 millions d'albums qui ont été vendus dans le monde correspondent un nombre bien supérieur de lecteurs, cer- tains occasionnels, d'autres assidus, voire passionnés. Les chiffres de vente de La galère d'Obélix attestent une attente impatiente du public (7 millions d'albums ven- dus durant les trois premiers mois de parution). Les campagnes de promotion ont certes joué un rôle d'am- plificateur, mais compte tenu de l'ampleur de la récep- tion il est exclu que la promotion ait fabriqué l'attente. Astérix est une figure familière, et la continuation, d'épisode en épisode, de ce cycle d'histoires en images, est saluée par une critique, positive ou négative, jamais par l'indifférence d'une réception manquee. Comment caractériser un tel objet ? Il s'agit certes d'une œuvre littéraire dans un genre, depuis peu, reconnu, mais qui possède des caractères que n'ont pas, ou ont à un moindre degré, les autres bandes dessi- nées. L'analyse des marqueurs comiques, tel le recours parodique à des références historiques déjà assimilées sur le mode mythique, rend compte des traits expres- sifs par lesquels l'univers d'Astérix force la sympathie ; elle ne qualifie pas, à elle seule, l'adhésion culturelle dont jouit cet univers. Une telle qualification se situe davantage dans les relations entre la forme du contenu et la forme de l'ex- pression. Les traits expressifs de la parodie ne fonc- tionnent que parce qu'ils sont en rapport avec des élé- ments du contenu. Ainsi, au thème récurrent de la force physique, qu'il est aisé d'isoler sur le plan sémantique, correspond un répertoire de réalisations expressives sur le mode comique. Mais en même temps, ce thème reçoit sa signification au niveau du contenu, et non au niveau expressif : il est déterminé par les autres éléments du système sémantique tels la résistance, le secret, la sta- bilité... Les points de suspension qui suivent cette liste expriment la difficulté à opérer une analyse en exten- sion du plan du contenu, alors qu'une telle opération est relativement aisée sur le plan de l'expression. Plutôt qu'une enumeration nous essaierons d'entreprendre une analyse en compréhension du plan du contenu, dont le point de départ consiste en l'élaboration d'un modèle. I La qualification à} Astérix comme mythe Sur le mode trivial, il n'est pas interdit de caractéri- ser Astérix comme un mythe puisqu'il offre les trois qualités d'un récit fondateur, d'un récit atemporel et d'un récit collectif. Nous avons développé ce thème ailleurs, en en montrant les limites [Maguet, 1996]. Ainsi, le fait qu'il soit une œuvre d'auteur interdit de le considérer comme un mythe stricto sensu, bien que l'on puisse arguer du caractère collectif de la réception, si ce n'est de l'élaboration. Astérix prend cette dimension par les références communes qu'il procure et par l'at- tente qu'il suscite. Une fois les structures mises en place, les auteurs ne sont plus libres d'inventions qui mettraient en péril le cadre du récit ou qui nuiraient à sa reconnaissance par le public. C'est la puissance métaphorique du récit qui invite à considérer sa dimension mythique avec attention, le fait que le décor gallo-romain ne joue pas un rôle de référence mais un rôle de cohérence, en offrant un Ethnologie française, XXVIII, 1998, 3, Astérix. Un mythe et ses figures This content downloaded from 46.103.14.178 on Mon, 25 Jan 2021 17:36:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Astérix, un mythe ? 319 ancrage à partir duquel peuvent être explorés des thèmes contemporains, voire des thèmes universels, sans souci des anachronismes et des allers et retours d'une époque à une autre. Ce faisant, nous ne tentons pas particuliè- rement de prouver qu Astérix est un mythe mais nous cherchons à mettre en lumière la part de mythe que contient le récit, en posant l'hypothèse que là réside l'attraction quAstérix exerce auprès du public. La qua- lification du contenu doit répondre à trois types de questions : de quoi parle-t-on ? avec quels moyens ? et pour dire quoi ? Ce qui, au niveau de la forme, pose les problèmes de définition d'un uploads/Litterature/ asterix-un-mythe-mythogenese-et-amplification-d-x27-un-stereotype-culturel.pdf

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