PORTRAIT DE BALZAC EN ÉCRIVAIN ROMANTIQUE Le balzac de Davin (1834-1835) José-L

PORTRAIT DE BALZAC EN ÉCRIVAIN ROMANTIQUE Le balzac de Davin (1834-1835) José-Luis Diaz P.U.F. | L'Année balzacienne 2000/1 - n° 1 pages 7 à 23 ISSN 0084-6473 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-l-annee-balzacienne-2000-1-page-7.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Diaz José-Luis, « Portrait de Balzac en écrivain romantique » Le balzac de Davin (1834-1835), L'Année balzacienne , 2000/1 n° 1, p. 7-23. DOI : 10.3917/balz.001.0007 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. 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PORTRAIT DE BALZAC EN ÉCRIVAIN ROMANTIQUE Le Balzac de Davin (1834-1835) La question à laquelle je vais essayer de répondre est la sui- vante : dans quelle mesure Balzac se comporte-t-il en roman- tique dans sa manière de construire son identité d’écrivain, ou bien, si l’on préfère employer un langage plus abrupt mais plus précis qui m’est familier, dans sa manière de définir son scénario auctorial. Dans le peu de temps qui m’est imparti, je ne prétends pas traiter cette vaste question en général, ni de manière exhaustive, mais en me contentant de braquer le pro- jecteur sur une date et sur un corpus précis : celui constitué par les deux « Introductions » que rédige Félix Davin, en 1834-1835 – abondamment « serinetté »1 par Balzac, on le sait – pour les Études philosophiques, et pour les Études de mœurs au XIXe siècle. Dans ces deux textes où, grâce à la distance que lui procure son truchement préfaciel, Balzac peut se mettre en scène de manière plus confortable que s’il tenait lui-même la plume, on a l’impression qu’il essaie de fixer d’une façon à la fois dirigiste et « statufiante » son image d’écrivain telle que désormais il voudrait qu’on la reçût pour servir de caution aux deux monuments dont il se déclare l’architecte. Façon pour lui de se saisir dans le miroir, et de tendre aussitôt ce cli- 1. C’est ce que Balzac confie dans une lettre à Mme Hanska, le 4 jan- vier 1835 (LHB, t. I, p. 222). Mais Balzac n’a pas dû se contenter de « serinet- ter » ; il a dû aussi corriger et augmenter sur épreuves. Ce dont témoigne, à défaut desdites épreuves, l’existence pour l’ « Introduction » aux Études de mœurs au XIXe siècle, d’un manuscrit offrant un texte bien plus court que la ver- sion publiée. Cela nous autorise, dans la suite de cette étude, à parler parfois de « Balzac-Davin ». L’Année balzacienne 2000 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.102.16.44 - 21/02/2012 21h56. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.102.16.44 - 21/02/2012 21h56. © P.U.F. ché à ses contemporains pour servir d’image rectrice à leur lecture. Lire d’un peu près ces deux introductions va donc nous permettre de savoir où en est le rapport de Balzac avec le romantisme à un moment précis de sa traversée : non certes au niveau de ses thèmes ou de sa poétique, mais à celui de ses imaginaires auctoriaux – composante déterminante, on le sait, en ces temps de « sacre de l’écrivain », de ce « roman » collec- tif qu’a été aussi le romantisme. Nous aurons sans doute l’occasion de le dire les uns après les autres tout au long de ce colloque, les rapports de Balzac avec le romantisme ne sont pas simples. Ils ont été longtemps de suspicion et de déni. Le préfacier de La Peau de chagrin qui, par-delà les poncifs du romantisme ambiant, veut retourner à la « littérature franche de nos ancêtres », et se moque des « auteurs contemporains dont les préfaces étaient de petits pèle- rinages de petits Childe-Harold »2, en porte témoignage parmi bien d’autres ; mais aussi le critique qui, dans la recension d’Hernani que publie Le Feuilleton des journaux politiques en mars-avril 1830, fait le procès en règle de la poétique vague et convenue, « contraire au bon sens », sur laquelle se fonde le drame hugolien, qui manifeste, dit-il, une « rare accumulation d’invraisemblances et un profond dédain pour la raison qui l[e] font ressembler à un drame enfantin de Calderón ou de Lope de Vega »3. À la fin de l’ « Introduction » aux Études de mœurs au XIXe siècle, on retrouve de semblables résistances, explicitées dans une page qui mérite notre attention. À mots pas trop couverts, Balzac, grâce à son « porte-pensée », s’y démarque en bloc de Hugo, accusé d’être un faux réformateur, et des clichés de la littérature frénético-excentrique (dont il n’a pas été lui-même exempt dans la période antérieure) : « […] il fallait être neuf. M. de Balzac a su l’être en ramassant tout ce que dédaignait la littérature au moment où elle faisait plus de théo- ries que de livres. Il ne s’est jamais proclamé réformateur. Au lieu de crier sur les toits : “Ramenons l’art à la nature !” il accomplissait laborieusement dans la solitude sa part de révolution littéraire, tandis 8 José-Luis Diaz 2. La Peau de chagrin, Pl., t. X, p. 54. 3. OD, t. II, p. 687. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.102.16.44 - 21/02/2012 21h56. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.102.16.44 - 21/02/2012 21h56. © P.U.F. que la plupart de nos écrivains se perdaient en des efforts infructueux, sans suite ni portée. Chez beaucoup, en effet, une nature de conven- tion succédait au faux convenu des classiques. Ainsi, en haine des for- mules, des généralités, de la froide stéréotypie de l’ancienne école, ils ne s’attachaient qu’à certains détails d’individualité, à des spécialités de forme, à des originalités d’épiderme ; en un mot, c’était une exa- gération substituée à une autre, et toujours du système. Ou bien, pour arriver au nouveau, d’autres faisaient des passions à leur usage, ils les arrangeaient et les développaient selon les caprices de leur poé- tique ; s’ils évitaient le connu, ils rencontraient l’impossible. Ceux-ci partaient d’un principe vrai ; puis l’imagination les emportait sur ses ailes, et les livrait à des illusions d’optique, à des verres grossissants, à des rayonnements prismatiques. Ils empâtaient un trait d’abord pur, anéantissaient les demi-teintes, jetaient çà et là les crudités, puis l’énergie, la passion, la poésie à pleines mains et produisaient une dra- matique et grandiose caricature. Ceux-là abandonnaient les indivi- dualités, combinaient des symboles, effaçaient les contours, et se per- daient dans les nuées de l’insaisissable, ou dans les puériles merveilles du pointillé. Complètement étranger à tout ce qui était coterie, convention, système, M. de Balzac introduisait dans l’art la vérité la plus naïve, la plus absolue [...]. »4 Un tel texte mériterait un commentaire fort attentif, et fort utile à la question du jour, mais dont la conclusion ne saurait être que celle-ci : que Balzac, en 1834-1835, continue de résister aux ravages dont sont responsables, selon lui, certains théoriciens de la « nouvelle école », accusés de céder à une esthétique idéalisante : Hugo qui fait du drame un « miroir de concentration »5, et exagère les effets dramatisés du contraste, ou Vigny, que Balzac prend aussi pour cible, et qui, à la vérité vraie et à ses infinis détails, préfère le « beau idéal »6. Portrait de Balzac en écrivain romantique 9 4. Félix Davin, « Introduction » aux Études de mœurs au XIXe siècle [désor- mais IÉM], Pl., t. I, p. 1170-1171. Datée par Davin du 27 avril 1835, cette « Introduction » est parue en tête du t. I de l’ouvrage de Balzac, dont la publi- cation est enregistrée le 4 juillet par la Bibliographie de la France. 5. Dans les propos de Balzac, on aura reconnu cette célèbre formule de la « Préface » de Cromwell (Victor Hugo, Œuvres complètes, Paris, Club français du livre, 1967, t. III, p. 70). 6. Balzac est l’ennemi déclaré de l’esthétique que Vigny défend dans la Préface de Cinq-Mars : « Réflexions sur la vérité dans l’art » [publiée en 1829] : « Si donc nous trouvons partout les traces de ce penchant à déserter le POSITIF, pour apporter L’IDÉAL jusque dans les annales, je crois qu’à plus forte raison l’on doit s’abandonner à une grande indifférence de la réalité historique pour juger Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.102.16.44 - 21/02/2012 21h56. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 189.102.16.44 - 21/02/2012 21h56. © P.U.F. La question pourrait uploads/Litterature/ balzc.pdf

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