1 Marya Kasterska, messager de la culture entre la Pologne, la Roumanie et la F

1 Marya Kasterska, messager de la culture entre la Pologne, la Roumanie et la France Petre Sergescu (internationalement connu sous le nom de Pierre Sergesco) et Marya Kasterska ont formé un couple mythique, unis dans la vie et unis dans la mort. Ils étaient unis par leur grand amour, leur passion pour la beauté et la recherche permanente de la vérité. Mais leurs personnalités étaient très différentes. La première différence était la culture dont ils étaient imprégnés: Pierre Sergesco était roumain, tandis que Marya Kasterska était polonaise avec des ascendants français. Pierre Sergesco était, comme Mesdames Magda Stavinschi et Nicole Capitaine l’ont dit, un mathématicien important et un historien des sciences très connu. Pierre Sergesco s’exile à Paris, avec sa femme, en 1946. La France s’est avérée être, après 1946, le tiers aimant et conciliateur entre le scientifique Pierre Sergesco et l’écrivaine Marya Kasterska, entre la Roumanie et la Pologne. La passion de Pierre Sergesco pour la Roumanie était harmonieusement imprégnée par le respect et l'appréciation de la Pologne, le pays de sa femme. En 1931, quand il était président d'honneur du deuxième congrès des mathématiciens polonais à Wilno, il a prononcé sa conférence en polonais. Le grand historien roumain Nicolae Iorga avait raison quand il écrivait, à propos du livre Lettres de Varsovie, publié par Pierre Sergesco en 1925: «Un homme très cultivé qui sait écrire, un mathématicien qui sait la valeur de la pensée. Il est lié à un pays dont il a fait amoureusement la connaissance. Il est allé là-bas sans préjugé, a regardé et s’est senti obligé de nous communiquer ses impressions."1 Nous pouvons aussi mentionner que l’idée de fonder à Cluj la revue Mathematica lui a été inspirée par l'existence d’une prestigieuse revue polonaise de mathématiques dirigée par Waclav Sierpinski. Sergesco a été membre correspondant de la société Scientarum Varsoviensis et membre de la Société Historique et Littéraire de Pologne. En reconnaissance de ses mérites, les autorités polonaises lui ont attribué la Croix de Commandeur dans l’Ordre Polonia Restituta. À son tour, Marya Kasterska, né à Varsovie le 2 février 1894 dans une famille de boyards appauvris, a milité toute sa vie pour faire connaître, en Roumanie et en France, l'histoire de la Pologne et les trésors culturels de ce pays.  Conférence à l’Institut Culturel Roumain de Paris, 22 janvier 2014. 1 Petre Sergescu, Scrisori din Varşovia, Editura Ramuri, Craiova, 1925, prefaţă de Nicolae Iorga. 2 Elle a obtenu un diplôme d’études à l’école russe de Biala Podlaska en 1914. Dans sa jeunesse, elle a été membre d'un parti politique antirusse. En 1914, elle émigre en France, cinq ans avant que Pierre Sergesco arrive à Paris grâce à une bourse en vue d’obtenir une licence en mathématiques. En 19182 Marya Kasterska a soutenu sa thèse de Doctorat d’Université Les poètes latins-polonais (jusqu’en 1589)3 à la Faculté de Lettres de l'Université de Paris, donc cinq ans avant que Sergesco soutienne, à Bucarest, sa propre thèse de doctorat en sciences mathématiques4. Elle s'est mariée avec Peter Sergescu à Paris le 20 Juillet 1922, en l’accompagnant en Roumanie, où elle a eu une intense activité culturelle, par ses publications dans les journaux et revues à travers le pays. Marya Kasterska vit entre les deux guerres en France, où elle a publié un grand nombre d’articles dans „Nouvelles littéraires”, „Fontaine”, „La vie catholique”, „Revue de France”, „Revue mondiale”, „L’art vivant”, „Historia”, „Les Annales politiques et littéraires”, „La Quinzaine critique”, „La muse française”, „La Pologne” et aussi quelques livres, comme, par exemple, Légendes et contes de Podlachie5 ou Les Lys d’Anjou en Pologne6. " Podlachie ", mot qui se trouve dans le titre du premier livre, fait référence à la région Podlesie de la Pologne orientale, qui a fasciné son enfance et son adolescence et dont le nom latin est Subsylvania en troublante consonance prédestinée avec Transylvanie, nom de la région où est né son mari. En même temps, Marya Kasterska a été animée par un grand amour pour la Roumanie. À Paris elle fait connaître la littérature roumaine connue, en écrivant des articles sur Cezar Petrescu7, Gib Mihăiescu et Tudor Arghezi et a publié, en 1927, une importante étude „Le roman roumain d’après guerre”8. Elle a respecté la volonté de son mari de ne pas demander la nationalité française, pour rester pleinement roumain. Marya Kasterska considérait la Roumanie comme son propre pays. Dans une lettre adressée à son mari et qui se trouve dans les collections spéciales de la Bibliothèque Nationale de Roumanie, Marya fait cette simple 2 Deci cu cinci ani înainte ca Petre Sergescu să îşi susţină, tot la Paris, propria sa teză. 3 Marya Kasterska, Les poètes latins-polonais (jusqu’en 1589), thèse de Doctorat d’Université, Librairie Roysseau, 1918. 4 Petre Sergescu, Sur les noyaux symétrisables, teză de doctorat în ştiinţe matematice la Facultatea de Ştiinţe, Universitatea din Bucureşti, 28 noiembrie 1923, Imprimeria de Stat, Bucureşti, 1924 ; Bul. şt. mat. Soc. rom. şt. VVVII, ianuarie-iulie 1924, p. 31-54 şi august-decembrie 1924, p. 3-21. Din comisie au făcut parte Gheorghe Ţiţeica, Traian Lalescu şi David Emmanuel. 5 Marya Kasterska, Légendes et contes de Podlachie, Librairie Ernest Leroux, Paris, 1928, préface de Louis Artus. 6 Marya Kasterska, Les Lys d’Anjou en Pologne, Maison de la Bonne Presse, 1948. 7 Marya Kasterska, « Cezar Petrescu », La Revue mondiale, Paris, 1 martie 1930. 8 Marya Kasterska, «Le roman roumain d’après guerre», Revue mondiale, Paris, 15 august 1927. 3 mais émouvante déclaration : “Quelque part que tu sois, quoi que tu fasses, je suis ta femme et ton pays est mon pays, tu le sais”9. En 1968, peu de temps avant sa mort, Marya Kasterska réussit à publier, à une prestigieuse maison d'édition aux Pays-Bas, une monographie sur son mari10. Par un beau geste symbolique, elle signe la préface avec le nom Kasterska-Sergescu, unissant ainsi son nom de famille avec celui de son mari, écrit en roumain. Les derniers mots de sa préface sont: «Un fils digne de son pays, un grand roumain."11 Une deuxième différence est liée au fait que Pierre Sergesco était un chrétien orthodoxe convaincu, tandis que Marya Kasterska était une catholique militante. L’opinion de Marya sur l’orthodoxie n'était pas bonne. Avec tristesse dans l’âme, elle ne fait pas néanmoins de pressions sur son mari pour qu’il fasse le passage à la confession catholique et elle accepte son choix. Une troisième différence consiste dans le fait que Sergesco a été largement connu en Roumanie et en France, tandis que Marya Kasterska était moins connue. Avec beaucoup de modestie, Marya écrit à son mari : “Je voudrais être la plus belle, la plus célèbre, la plus séduisante des femmes. Je voudrais avoir un grand talent. Pour déposer tout cela à tes pieds et pour te dire: tu vois, cela vaut ton amour. Mais tu es si grand et moi si petite…“12 Marya exagère cependant: la différence de réputation entre les deux n'était pas si grande. Il suffit de mentionner qu'elle a reçu deux prix prestigieux. Si le prix d'Aumale de l'Académie Française des Sciences, obtenu en 1961, le rapporteur étant le Prix Nobel de physique Louis de Broglie, lui est accordée pour la préparation de la bibliographie de l’œuvre mathématique et d'histoire des sciences de Pierre Sergesco, en revanche le Prix Valentine de Wolmar de l'Académie Française lui a été accordé en 196713 pour l’ensemble de son propre œuvre. Le grand écrivain Henry de Montherlant (1895-1972), membre de l'Académie Française, était un bon ami de Marya Kasterska. En voyage à Londres, Montherlant lui écrit : « Je ne regrette, de France, que la rue Daubenton. » Ils étaient pratiquement du même âge. Marya Kasterska a publié un texte important d'introduction, de plus de 30 pages, à 9 Cristina Marinescu, « Marya Kasterska: un exemplu de intelectualitate feminină », Revista Bibliotecii Naţionale a României, Bucureşti, anul XIV, nr. 1, 2008, p. 58. 10 Pierre Sergescu (1893-1954), op. cit. 11 M. Kasterska-Sergescu, « Paroles caractéristiques de Pierre Sergescu », prefaţă la Pierre Sergescu (1893- 1954), op. cit., p. 2. 12 Idem. 13 http://www.academie-francaise.fr/prix-valentine-de-wolmar 4 l'anthologie d’Henry de Montherlant Pages Catholiques14, qu’elle a conçue chez Plon en 1947. L’étude de Marya Kasterska n’est pas passée inaperçue. Prétendre à coller l'étiquette «catholique» à un écrivain si rebelle et non-inféodé comme Montherlant était, en soi, un acte d'extrême courage et même insolent. Dans la lettre adressée que Montherlant lui adresse et qui est publiée dans le livre, Montherlant affirme avec élégance: „Écrivant pour tous, sinon pour moi seul, j'accepte qu'on présente mon œuvre sous divers éclairages, chacun d'eux en isolant tel aspect à l'intention d'un public particulier. À condition qu'il me soit permis de rappeler que le projecteur peut toujours être incliné de manière différente, et jusqu'à éclairer la face opposée à la face qu'il éclairait précédemment.” Le livre provoque de réactions diverses dans le milieu culturel français. Par exemple, Manuel de Dieguez écrit dans « Paroles françaises »: « En ce moment, j'ai entre les mains le choix de pages catholiques extraites de l'œuvre de Montherlant. Mme Kasterska, dans sa préface, veut uploads/Litterature/ basarab-nicolescu-marya-kasterska-1894-1969-messager-de-la-culture-entre-la-pologne-la-roumanie-et-la-france.pdf

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