Bernardo Schiavetta LE PROJET RAPHÈL 0. Introduction RAPHÈL est un ensemble hyp

Bernardo Schiavetta LE PROJET RAPHÈL 0. Introduction RAPHÈL est un ensemble hypertextuel formé par un poème entouré de nombreuses annexes. Le poème proprement dit se présente comme une série de strophes de dix vers. Les annexes comprennent des textes liminaires (le titre et les sous-titres, un prologue copieusement annoté, une épigraphe), et des textes latéraux, sous forme de notes et de commentaires (majoritairement en prose), qui développent aussi bien des points particuliers du poème que des points particuliers des annexes elles-mêmes. Les strophes et les annexes constituent deux séries à développement illimité. Comme nous le verrons plus loin, le tout suit un principe de double amplification qui requiert un déploiement maximal du lien hypertextuel, 1. L’épigraphe de RAPHÈL RAPHÈL se construit comme l’amplification indéfinie de son épigraphe, un court extrait de la Divine Co médie : Inferno, XXXI, 67 ss. “ Raphèl maÿ amèch zabì almì ” Co minciò a gridar la fiera bo cca Cui no n si co nvenìa più do lci salmi. E il duca mio ver lui : “ Anima scio cca ”… Po i disse a me : “ Elli stesso s’accusa ; Questi è Nembro tto , per lo cui mal co tto Pur un linguaggio nel mo ndo no n si usa. Lasciamlo stare et no n parliamo a vo to ; Che co sì è a lui ciascun linguaggio Co mme‘l suo ad altrui, ch’a nullo è no to ” Enfer, XXXI, 67 ss. “ Raphèl maÿ amèch zabì almì ” Ainsi cria l’épouvantable bouche À qui ne conviendrait rien de plus doux. Et mon guide lui dit : “ Ame stupide ”… Et puis à moi : “ Il s’accuse lui-même, Car c’est Nemrod : à cause de sa faute Sur terre on n’use plus d’un seul langage. Mais laissons-le, ne parlons pas à vide, Puisqu’il ne peut comprendre aucune langue Et que nul ne comprend ce qu’il nous dit… ” Dans ce passage de l’Enfer, Dante met dans la bouche d’un damné, le géant Nemrod, une phrase en langue imaginaire : “ Raphèl maÿ amèch zabì almì ” Dans la tradition rabbinique, Nemrod est le premier roi de Babel, celui qui a fait construire la Tour qui devait atteindre le ciel. Il est le responsable de la confusion des langues. Sa peine éternelle est à la mesure de son péché, car non seulement il est condamné à ne pas comprendre les langues des autres, mais encore à que jamais la sienne ne puisse être comprise de quiconque. Dans l'univers fictionnel dantesque, la langue de Nemrod est donc inco mpréhensible dans l’abso lu, puisque son incompréhensibilité a été établie pour toujours par un décret divin. Une telle phrase ne devrait susciter que l'arrêt de toute interprétation. Mais on peut, tout de même, être tenté de l’interpréter. Le projet de RAPHÈL n’est autre que le défilé, forcément infini, de cette glose indue. 2. La strophe zéro de RAPHÈL Le texte proprement dit du poème RAPHÈL commence par une première strophe de dix vers, la stro phe zéro , qui amplifie le premier interligne de son épigraphe (cet interligne est pourvu d’un lien hypertextuel) : “ Raphèl maÿ amèch zabì almì ” ---------------interligne------------ Co minciò a gridar la fiera bo cca Huit vers asémantiques viendront s’intercaler entre ces deux vers de Dante, donnant comme résultat les dix vers de la stro phe zéro : “ Raphèl maÿ amèch zabì almì Habla ho rem égiga go ramen, Raphèl maÿ amèch zabì almì Raraêl abrabracha merphergar, Raphèl maÿ amèch zabì almì Ba ! ba ! ba ! dalgharaghta ! Raphèl maÿ amèch zabì almì Kikiko u ritchi tchitchi tzi-tzi-tzi, Raphèl maÿ amèch zabì almì… ” Cominciò a gridar la fiera bocca… “ Raphèl maÿ amèch zabì almì Habla ho rem égiga go ramen, Raphèl maÿ amèch zabì almì Raraêl abrabracha merphergar, Raphèl maÿ amèch zabì almì Ba ! ba ! ba ! dalgharaghta ! Raphèl maÿ amèch zabì almì Kikiko u ritchi tchitchi tzi-tzi-tzi, Raphèl maÿ amèch zabì almì… ” Ainsi cria l’épouvantable bouche… Ces huit vers asémantiques amplifient le discours incompréhensible de Nemrod. Ils comportent des répétitions de la phrase “ Raphèl maÿ… ” entrecoupées des citations de pseudo-langues : un fragment de Jo lifanto Bambo (Karawane) du dadaïste suisse Hugo Ball (Habla ho rem égiga go ramen) ; quelques vo ces mysticæ du Grand Papyrus Magique de Paris (Raraêl abrabracha merphergar) ; un fragment des “ coups de tonnerre ” du Finnegan’s Wake de Joyce (Bababadalgharaghta) ; un fragment de Zanguezi du futuriste russe Khlebnikov (Kikiko u ritchi tchitchi tzi-tzi-tzi)(1). 3. Première amplification de la strophe zéro Ensuite, dans la stro phe zéro , au niveau de chaque interligne (pourvu d’un lien hypertextuel), huit nouveaux vers viennent s’intercaler selon le même processus d’amplification que nous avons déjà vu à l’œuvre. Ainsi prend naissance un premier cycle de dix strophes décimales, dont la première commence avec le premier vers de la strophe zéro, incorpore ensuite huit nouveaux vers, et finit avec le deuxième vers de la strophe zéro : “ Raphèl maÿ amèch zabì almì --8 nouveaux vers intercalés--- Habla ho rem égiga go ramen, À son tour, la deuxième strophe du cycle commence avec le deuxième vers de la strophe zéro, incorpore ensuite huit nouveaux vers, et finit avec le troisième vers de la strophe zéro : Habla ho rem égiga go ramen, --8 nouveaux vers intercalés--- Raphèl maÿ amèch zabì almì Ce processus d’amplification continue jusqu’au dernier interligne, lequel se place après le dernier vers, pour marquer que la strophe zéro se boucle sur elle-même. Autrement dit, la dernière et dixième strophe du premier cycle commence avec le dernier vers de la strophe zéro, incorpore ensuite huit nouveaux vers, et finit avec le premier vers de la strophe zéro : Cominciò a gridar la fiera bocca… --8 nouveaux vers intercalés--- Raphèl maÿ amèch zabì almì Dans ce premier cycle de dix strophes décimales (10 x 10 = 100 vers), chacun des nouveaux vers intercalés est écrit dans une langue différente, multiplication babélique induite par la phrase de Nemrod. Il faut bien le préciser le texte o riginal de RAPHÈL est multilingue et chacun de ses vers a été écrit d’emblée en sa propre langue (français, mongol, arapaho, pali, gaélique, wolof, etc). Certes, on peut douter qu’un seul auteur puisse disposer d’autant de compétences linguistiques, mais l’une des techniques propres au projet fournit le moyen de surmonter ce problème. En effet, techniquement, RAPHÈL est (en plus de ses caractéristiques hypertextuelles spécifiques qui seront décrites plus loin) un cento n multilingue. Autrement dit, hormis les annexes en prose, le corps entier du poème est un co llage de citations. Chaque citation provient donc d’un texte composé par un auteur qui maîtrisait la langue dont il s’est servi. Les fragments qui composent RAPHÈL ont été prélevés dans des poèmes, des chansons, des recueils de proverbes ou de contes, des Dictionnaires ou des Grammaires comportant des exemples de phrases, etc., etc. Les sources ont été choisies, pour la plupart, parmi des publications bilingues, comportant souvent des traductions interlinéaires mot à mot. Certains textes ont reçu de nouvelles traductions, réalisées spécialement par des traducteurs idoines. D’autres doivent encore être vérifiées. La version actuelle du premier Cycle de RAPHÈL compte quelques échantillons de langues artificielles, hybrides, forgées, ainsi que des onomatopées, des polyglossies, des glossolalies, etc. Mais il comporte surtout une septantaine de citations en langues naturelles (dans la tradition biblique, le nombre des “ nations ” issues de Babel est fixé symboliquement à 70 ou à 72). Toutes les strophes du premier cycle comportent à leur tour des liens hypertextuels interlinéaires. Elles peuvent donc donner naissance à dix nouveaux cycles de dix strophes chacun (10 cycles de 10 strophes de 10 vers), et ainsi de suite, indéfiniment. 4. Deux échantillons de RAPHÈL Voyons maintenant deux exemples des strophes babéliques du premier cycle. Bien entendu, chaque strophe babélique sera suivie ici d’une traduction française libre, mais le projet du poème prévoit la réalisation de plusieurs traductions françaises, de plusieurs traductions allemandes, etc., etc., aucune ne pouvant être considérée comme la traduction définitive de l’original multilingue. Des divergences importantes ont été volontairement introduites dans les traductions déjà réalisées. Notre premier exemple sera la strophe qui amplifie le premier interligne de la stro phe zéro . Elle est notée 01.01 (“ 01 ” à gauche, vaut pour “ premier cycle ” ; “ 01 ”, à droite, vaut pour “ première strophe ” de ce cycle). Les langues utilisées sont les suivantes : la pseudo langue de Nemrod, le français, le mongol, le slovène, l’occitan, le pali, le berbère, l’arabe, le sumérien et une pseudo langue dadaïste (pour les sources et pour la traduction mot à mot, voir la note n° 2). 01.01 (Texte babélique) Raphèl maÿ amèch zabì almì ? Nemrod comme sous la tempête Osirgue ugig heledeh. Z nevidno nitjo nove govorice Farai un vers de dreyt nien ; Thokathokam khane khane, W' illan d lfahem yezra t. ’Isma‘ menni w-la tsadde’ni, Ka-ta dug4-ga-gu gé-en silim-ma-ab : Habla uploads/Litterature/ bernardo-schiavetta-raphel-poeme-babelique-illimite.pdf

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