Carl Rogers, l’homme et les idées Margot Phaneuf, inf., Ph.D. Introduction Les
Carl Rogers, l’homme et les idées Margot Phaneuf, inf., Ph.D. Introduction Les soins infirmiers étant une profession d’aide, les principes énoncés par Carl Rogers y trouvent un écho particulier, car cette relation que l’on reconnaît comme son héritage principal y est enseignée et pratiquée, depuis des décennies. Mais, si nous connaissons un peu en surface l’oeuvre qu’il a laissée pour la croissance personnelle, pour l’éducation, pour les relations humaines et pour la psychiatrie, nous ne réalisons peut-être pas assez combien ses théories « centrées sur la personne » que ce soit celle du malade ou celle de l’apprenante, peuvent être subversives. En effet, si nous les appliquions à la lettre dans nos établissements de soins et de formation, ce serait une véritable révolution. (Image : http://alainriouxpq.iquebec.com/rogers.htm)1. Nos systèmes qui sont en ce moment axés sur l’économique et l’administratif trouveraient un tout autre sens. L’accomplissement personnel de nos étudiantes et leur évolution deviendraient ainsi la fin ultime de la formation, de même que du côté des soins, la satisfaction des besoins des malades et la recherche de leur mieux-être, seraient les premiers buts poursuivis. Faire passer l’humain d’abord, tout organiser en fonction de ce qui lui est nécessaire, bouleverserait certainement nos systèmes de gestion trop lourds, trop coûteux et hélas souvent insuffisamment efficaces. Malheureusement, ce n’est probablement pas demain la veille que ce séisme organisationnel viendra chambouler nos établissements… Mais les graines d’humanisme que Carl Rogers a semées par ses enseignements et par sa personnalité, sont quand même tombées en terrain fertile dans le domaine infirmier, puisque de nombreuses soignantes donnent sens à leur travail auprès des malades par la relation d’aide, c’est-à-dire, par la recherche de l’authenticité personnelle, par la chaleur de leur présence auprès de ceux qu’elles soignent et par l’empathie qu’elles leur témoignent. 1. Alain Rioux. Carl Rogers, psychologue fondateur de l’approche non-directive : Image : http://alainriouxpq.iquebec.com/rogers.htm 1 Qui était l’homme? Lors de mes premiers contacts avec les théories rogériennes, j’ai été captivée par leur humanisme et par le sens profond qu’elles peuvent représenter pour les soins infirmiers. À ce moment, j’ai aussi été conquise, entre autres, par sa définition de la « tendance actualisante » qui pousse l’être humain à évoluer. Il la comparait à la force vitale qui se trouve dans le gland d’un chêne et fait qu’il puisse, avec le temps et les conditions essentielles, devenir un géant prodigieux. Ainsi, disait-il en substance, « Il y a dans l’homme tout ce qu’il faut pour évoluer, comme il y a dans le gland d’un chêne tout ce qui est nécessaire pour faire un grand arbre ». Aussi, lorsque faisant un peu mieux connaissance avec son cheminement personnel et professionnel, le souvenir de cette belle comparaison m’est revenu, je n’ai pas été surprise d’apprendre combien la nature a été présente dans sa jeunesse, puisqu’il a même commencé par faire des études en agronomie. Son expérience en milieu rural transparaît d’ailleurs dans sa préoccupation pour les phénomènes de croissance personnelle de l’être, de germination de leurs possibilités potentielles, qui ne se démentent jamais. Né le 8 janvier 1902 à Oak Park, près de Chicago, Carl Ransom Rogers appartenait à une famille chrétienne, très pratiquante de six enfants. Vivant sur une ferme, il a connu une éducation religieuse très stricte, très isolée et t Par sa formation universitaire en agronomie et par sa curiosité personnelle, il développe l’esprit pragmatique et scientifique qui le caractérisera tout au long de sa vie et lui permettra de devenir un chercheur de grande renommée. (Mariam Kinget et Carl Rogers, 1962, tome 1, p. 148). rès repliée sur son milieu rural. Cependant, en 1920, en cours de formation, son éducation de base et ses préoccupations profondes le conduisirent à bifurquer vers des études historiques en théologie et à désirer devenir pasteur. Choisi avec d’autres étudiants universitaires pour aller faire un voyage en Chine, son séjour prolongé dans ce pays, l’influence de cette culture et de cette ouverture sur le monde, cette immersion dans d’autres croyances et d’autres manières d’envisager la vie, ébranlent ses certitudes (Carl Rogers, 1966, p. 6.). Aussi, à la fin de ses études, s’écartant de sa famille, il épouse une amie d’enfance et part avec elle, étudier dans un séminaire très libéral de New York où il aura ses premiers contacts avec le monde de la relation à l’autre qui lui avait tellement manqué dans son enfance et qui deviendra pour lui un sujet de prédilection. 2 En 1926, il changera encore une fois d’orientation et entreprendra une formation en psychologie clinique et en pédagogie pour laquelle il obtiendra un doctorat. Son travail subséquent pour une société de prévention de la cruauté chez les enfants et sa pratique auprès de sujets en grande difficulté, le conduisit à réaliser les limites des méthodes qui avaient cours en son temps. Mais ces emplois lui permirent encore ce contact avec les enfants et il devint même directeur d’un centre de guidance infantile. Tout au long de ce travail, il poursuivit son étude de la relation et l’analyse des entretiens dont il tirait des enseignements précieux qui, plus tard, viendraient marquer ses écrits. Une coupure avec les idées dominantes de son temps Se sentant à l’étroit avec les théories freudiennes et béhavioristes d’alors et avec les stratégies directives d’entretien qu’il avait apprises, Carl Rogers ressentit le besoin de développer d’autres manières de faire respectant davantage la liberté et la dignité des personnes auxquelles il s’adressait. Ses interrogations personnelles portaient par exemple, sur les contraintes de la psychologie comportementale qui étudiait les mécanismes psychiques uniquement à travers le comportement extérieur, enregistrable et mesurable. Ces comportements étant essentiellement considérés comme une réponse à l'environnement ou aux stimuli, ces théories réduisaient ainsi tout agissement ou conduite au conditionnement de l’humain, ce que Rogers acceptait mal. (Le béhaviorisme : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Behaviorisme)2. Des influences bénéfiques Il fut cependant influencé par d’autres approches telles que la Gestalt et la théorie du moi individuel d’Otto Rank. Il partageait d’ailleurs l’opinion de ce dernier quant à la psychanalyse. Celui-ci écrivait « Chez Freud, le moi est en quelque sorte coincé entre deux puissances invincibles : le ça intérieur et le sur-moi venu de l'extérieur, dont il n'était guère que l'instrument passif. Il est en conséquence poussé par la libido du ça et inhibé par les facteurs moraux venus des parents ». (Otto Rank : http://www.megapsy.com/Textes/Rank/biblio013.htm) 3, (Mariam Kinget et Carl Rogers, 1962, tome 1, p. 149). Sa réflexion personnelle sur ces sujets lui permit de résoudre le conflit intérieur que lui causaient ces théories dominantes et de trouver ensuite sa propre voie qui devait tellement marquer les « disciplines de la relation » telles qu’entre autres, la pédagogie et les soins infirmiers. Une carrière fructueuse Ses publications déjà reconnues et l’influence de ses idées le conduisirent plus tard à occuper en 1940 une chaire universitaire à la faculté de psychologie et de psychiatrie à l’université de l’Ohio, puis de l’Université de Chicago, où il publia son livre célèbre 2. Le béhaviorisme. L’encyclopédie de l’Agora : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Behaviorisme 3. Otto Rank. Au-delà du freudisme. La volonté du bonheur. http://www.megapsy.com/Textes/Rank/biblio013.htm. 3 « Client-Centered Therapy »4. qui exposait les bases de son approche maintenant devenue notoire. En 1961, il publia par la suite « On Becoming a Person » que nous connaissons en français sous le titre « Le développement de la personne » qui parle de croissance de l’être et explique la position de Rogers quant aux conditions nécessaires à l’écoute de l’autre et à la pratique de la relation d’aide. Le dernier versant d’une vie laborieuse Puis c’est le moment des désillusions. Désenchanté par la vie universitaire lors de son retour à l’Université du Wisconsin, à partir de 1964, il ne travaille plus que dans des instituts privés et fonde le Centre d’études sur la personne, installé à La Jolla en Californie. En 1969, il offre au monde de l’éducation son livre « Liberté pour apprendre » qui apporte un souffle rafraîchissant sur l’enseignement et l’apprentissage. Il bouleverse profondément ce milieu sclérosé, trop souvent limité par un appareil théorique rigide, autoritaire, dogmatique et astreignant. Après une vie bien remplie, des publications nombreuses, des recherches rigoureuses, des rencontres mémorables dans différents pays et une influence remarquable sur le monde de la psychologie et de l’éducation, il mourut le 4 février 1987, en Californie à la suite d’un accident et d’une intervention chirurgicale. Il reçut alors une consécration internationale exceptionnelle pour ses apports. À ce moment, le Président Carter salua même en lui le « faiseur de paix ». (André Peretti : http://www.unpsy.fr/mort_rogers.html)5. Son œuvre, devenue classique, continue à influer sur notre approche de l’enseignement et de l’apprentissage et à moduler nos relations au malade et à son écoute. Les idées rogériennes qui nous ont influencées Les idées de Carl Rogers n’on cessé, depuis les débuts, de faire leur marque. Il était lui- même étonné de l’expansion que prenait son influence. Il comparaît l’impact de son message aux mouvements d’un galet ricochant sur une mare dont l’eau lisse et immobile, dessine des ondulations de plus en plus larges uploads/Litterature/ carl-rogers-l-homme-et-les-idees 1 .pdf
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- Publié le Dec 14, 2021
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