Catalonia 22 - Premier semestre 2018 3 Hermes SALCEDA 1 La réception de l’Oulip

Catalonia 22 - Premier semestre 2018 3 Hermes SALCEDA 1 La réception de l’Oulipo en Catalogne et en Espagne Hermes SALCEDA Université de Vigo hermes.salceda@uvigo.es Résumé : Les pages qui suivent constituent une tentative d’ébaucher une carte générale de la réception de l’Oulipo en Espagne et en Catalogne. Il s’agira à cet effet de relever les usages qui sont faits de la potentialité quel que soit le système sémiotique à travers lequel elle s’exprime. On distinguera donc plusieurs domaines : les traductions, les productions des auteurs qui travaillent sous contrainte oulipienne, la réception universitaire, le milieu pédagogique et les arts plastiques. Abstract: The following pages are an attempt to sketch a general map of the Oulipo reception in Spain and Catalonia. To this end, it will be necessary to identify uses that are made of potentiality whatever the semiotic system through which they are expressed. We will therefore distinguish several fields: translations, the productions of authors who work under oulipian constraints, university reception, pedagogical environment and plastic arts. Mots-clés : Oulipo, réception, Catalogne, Espagne, Màrius Serra, Raymond Roussel, Raymond Queneau Keywords : Oulipo, reception, Catalonia, Spain, Màrius Serra, Raymond Roussel, Raymond Queneau 0. Introduction L’étude de la réception de l’Oulipo, dans des langues-cultures autres que la française se tourne en général vers les États-Unis, l’Angleterre et l’Italie. Fort du capital symbolique que lui confère Paris, l’Oulipo a cherché une diffusion américaine, New York étant un des hauts lieux de la reconnaissance littéraire. L’intérêt pour la réception italienne est inévitable en raison de l’activité du groupe jumeau Oplepo. En revanche, ni l’Oulipo en tant que groupe ni les chercheurs oulipiens ne se sont inquiétés de sa réception en Espagne, pourtant un pays d’excellente pénétration pour la culture française1. Il s’agira ici de dresser un tableau général de la réception de l’Oulipo en Espagne et en Catalogne. L’une et l’autre sont difficiles à dissocier du fait que bon nombre des passeurs de l’Oulipo en Espagne sont catalans, ou ont vécu longtemps à Barcelone, ou sont publiés par des éditeurs catalans2. 1 OULIPO. Atlas de literatura potencial 1: Ideas potentes. SANROMÁN, Diego Luis trad.; SALCEDA, Hermes éd. Logroño : Pepitas de Calabaza, 2016 et OULIPO. Ejercicios de literatura potencial. ALEMIAN, Ezequiel trad., REY, Malena y ALEMIAN, Ezequiel éd. Buenos Aires : Caja negra, 2016. Une anthologie de textes sous contrainte écrits par des auteurs espagnols pour illustrer les principales contraintes oulipiennes, Atlas de literatura potencial 2 : Textos potentes. MARTIN SANCHEZ, Pablo, éd., paraîtra en 2018. 2 Le premier travail général sur la réception de l’Oulipo en Espagne est à ma connaissance celui de La réception de l’Oulipo en Catalogne et en Espagne 2 1. Les particularités de la circulation des textes et des idées de l’Oulipo L’étude de la réception reste pour les formes d’écriture conventionnelle cantonnée, de manière générale, au seul domaine littéraire, aux traductions, aux articles consacrés à l’auteur… En revanche, l’analyse de la réception de l’Oulipo doit tenir compte des formes de circulation et des usages qui sont faits des idées et des réalisations oulipiennes dans d’autres domaines. La visibilité sociale du groupe est en effet nettement supérieure à celle que l’on pourrait déduire des ventes et des traductions de la grande majorité des auteurs oulipiens. On peut, pour expliquer cette situation, avancer deux raisons. D’une part, l’importance que les oulipiens ont toujours accordée à leurs manifestations publiques sous la forme de lectures mensuelles ou d’ateliers d’écriture dont les plus connus sont les « Récréations oulipiennes » de Bourges. Il existe ainsi une performativité oulipienne qui reste certainement à étudier ; actuellement la performance littéraire est censée en grande partie passer par le corps, celle de l’Oulipo continue de passer par la langue. D’autre part la nature même du travail oulipien dont l’objectif est de créer et de penser la potentialité, notamment en inventant des contraintes. Ainsi, de même que la formulation d’une contrainte n’entraîne pas obligatoirement l’écriture d’un texte, la potentialité peut circuler indépendamment des actualisations à travers lesquelles elle pourrait éventuellement se manifester. Les textes oulipiens peuvent n’être ni traduits, ni étudiés sans que cela soit un empêchement à la mise en circulation et des idées du groupe et de la potentialité. Paradoxalement, et sans doute tristement, pour les auteurs, la potentialité peut circuler sans que les textes des oulipiens soient lus. L’étude de la réception de l’Oulipo passe donc par l’observation des usages qui sont faits de la potentialité (des idées oulipiennes, des contraintes, des gestes d’écriture inventés par les oulipiens) quel que soit le système sémiotique à travers lequel elle s’exprime. On peut ainsi, en vue de baliser la réception de l’Oulipo en Espagne et en Catalogne, distinguer plusieurs domaines : les traductions, les productions des auteurs qui travaillent sous contrainte oulipienne, la réception universitaire, le milieu pédagogique, les arts plastiques et la littérature numérique. 2. L’Oulipo en Espagne et en Catalogne en quelques dates Si on observe l’historique des manifestations et événements oulipiens en Espagne (voir annexe 1), on constate qu’ils se produisent de préférence dans la périphérie et non dans la capitale et surtout dans des régions bilingues à forte personnalité culturelle qui se considèrent elles-mêmes comme des nations : la Catalogne, la Galice et le Pays Basque. La carte de l’activité oulipienne en Espagne présente en ce moment les points suivants : Barcelone (l’ambassade de l’Oulipo en Ibérie), Vitoria, Córdoba, Vigo et Porto (surtout à travers la littérature numérique). Du point de vue historique on constate que les manifestations autour de l’Oulipo ont augmenté en fréquence à partir de l’année 2009. Le point d’inflexion a été surtout marqué par l’exposition Perec de La Corogne et l’exposition Roussel de Madrid et de Porto. Ces deux événements ont été, en effet, exceptionnellement médiatisés et ont occupé des pages entières, et même des doubles pages, dans les suppléments culturels, MARTIN SANCHEZ, Pablo. El arte de combinar fragmentos: prácticas hipertextuales en la literatura oulipiana (Raymond Queneau, Georges Perec, Italo Calvino, Jacques Roubaud). Universidad de Granada, 2012. 4 Catalonia 22 - Premier semestre 2018 Hermes Salceda Hermes SALCEDA 3 ont été diffusées à la radio et à la télévision. Enrique Vila-Matas, qui a consacré à chacune des deux expositions des articles dans El País, a largement contribué, en raison de sa notoriété, à leur visibilité. Le prestige du Musée Reina Sofía, un des hauts lieux de l’art contemporain en Europe, a beaucoup aidé à la redécouverte de Roussel en Espagne. 3. Les traductions des textes oulipiens L’annexe 2 présente l’évolution des traductions de l’Oulipo en Espagne et en Catalogne et elle permet de confirmer les analyses faites par Maria Keating sur la diffusion de l’Oulipo en Espagne et en Ibérie en général3. Avant 1980 les traductions d’auteurs oulipiens en péninsule ibérique, toutes les langues confondues, espagnol, portugais, catalan, galicien, basque, sont plus ou moins anecdotiques ; elles connaissent un certain élan à partir de ces années, donc avec l’installation de la démocratie et l’essor culturel de la région. On peut distinguer à présent une troisième période à partir de l’année 2005, coïncidant avec la reconnaissance de l’Oulipo en France et la renommée bien assise de certains des auteurs du groupe, Queneau et Perec, bien entendu, mais aussi Jacques Roubaud, Jacques Jouet, Marcel Bénabou, Paul Fournel. À partir de cette date on voit se poursuivre la traduction des livres de Perec, de Roussel, de Queneau, mais sont aussi traduits Marcel Bénabou, Paul Fournel, Anne F. Garréta, Harry Mathews, Hervé Le Tellier et Jacques Roubaud. Tableau synthétique des traductions des oulipiens en péninsule ibérique Traductions ibériques des oulipiens entre 1967 et 20024 (données de Maria Keating) Péninsule ibérique : 250 titres (rééditions comprises) Portugal : 70 Espagne (ensemble) : 180 Catalogne : 30 Galice : 12 Euskadi : 3 Ensemble de l’Espagne entre 2003 et 2017 140 titres (rééditions comprises) I. Calvino : 88 P. Fournel : 1 A. F. Garréta : 2 H. Le Tellier : 1 Oulipo : 1 G. Perec : 26 R. Queneau : 14 J. Roubaud : 3 R. Roussel : 4 3 KEATING, Maria Eduarda. « Las trabas de las versiones y las versiones de las trabas », Quimera, nº 244: La potencia del obrador (2004), p. 45 ; KEATING, Maria Eduarda. « Exercices de style : paradigme de la traduction oulipienne. Trois versions ibériques ». Le Pied de la lettre. Créativité et littérature potentielle, SALCEDA, H., THOMAS, J.-J., KEATING, M., BEAUMATIN, E. éd. New Orleans : Presses Universitaires du Nouveau Monde, 2010, p. 179-193. Sur la réception des traductions oulipiennes en Espagne on se reportera aussi à REYES DE LA ROSA, José. «La potencialidad de la reescritura oulipiana como práctica pedagógica de la traducción». Cuadernos de filología francesa, nº 28 : L’Oulipo, créer et penser la potentialité, SALCEDA, H., et BEAUMATIN, E., éd. (2017). 4 1967 est la date de la première édition des Choses de Perec chez Seix Barral. Catalonia 22 - Premier semestre 2018 5 La réception de l’Oulipo en Catalogne et en Espagne La réception de l’Oulipo en Catalogne et en Espagne 4 Oulipiens non traduits en Espagne, dans uploads/Litterature/ catalonia-a2018m6n22p3.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager