CHAPITRE I L’OEUVRE ET SA RECEPTION «Le sens habite véritablement le texte comm
CHAPITRE I L’OEUVRE ET SA RECEPTION «Le sens habite véritablement le texte comme une mystérieuse substance ; il est le fond de cette curieuse entité appelée forme et l’acte de lecture consiste à le dévoiler». OTTEN, M in Méthodes du texte, introduction aux études littéraires, Ed. Duclot, Paris Gembloux, 1987. p.342. Chapitre I : L’œuvre et sa réception 8 Introduction La seconde moitié du XXe siècle a été témoin de foisonnement des théories de réception suite à l’attention accordée à l’activité de la lecture et à l’interprétation des textes littéraires. Dés lors, le lecteur se trouve au cœur des préoccupations des études littéraires ; sa réception de l’œuvre littéraire est mise en considération dans l’analyse de cette dernière. Le lecteur en participant à l’actualisation du sens de l’œuvre et en déployant son système de normes esthétiques sociales et culturelles, s’emploi à déclencher le processus de la réception et la concrétisation de l’acte de lecture. Les théories de la réception ont donné naissance à deux orientations ; celle de l’étude des pratiques effectives de la réception dont l’initiateur est Hans- Robert Jauss et son « esthétique de la réception» et celle de l’étude des effets inscrits dans le texte avec Wolfgang Iser lequel, constitue avec Jauss ce qu’on appelle : «l’école de Constance ». L’inscription du lecteur dans le texte n’est pas uniquement le domaine de « l’approche allemande », elle trouve aussi écho dans les travaux de Umberto Eco dans ce qui est communément nommée «la sémiotique de la lecture ». Ce présent travail essaye de survoler quelques concepts reliés aux théories de la réception tels que « la réception » ; le point d’ancrage de l’ «esthétique de la réception » ainsi que l’«horizon d’attente » du lecteur et ce qu’il engendre lors d’un « écart esthétique » comme accueil de l’œuvre par le public, sans oublier « l’effet » et « la réception » et leurs notions distinctives. La lecture littéraire se trouve elle aussi interpellée dans ce travail, greffée par les notions de «lecture», d’« interprétation», de « polysémie» accompagnées de « blancs textuels » et d’ « indétermination ». Le survol des notions de ce chapitre atterrit finalement sur « le lecteur », le grand « auteur » des théories littéraires contemporaines. Son avènement, ses masques et ses modèles sont révélés au cours de cette étude. Chapitre I : L’œuvre et sa réception 9 I.1. L’essor de la réception L’acception de la réception selon le dictionnaire de la critique littéraire est la suivante : « perception d’une œuvre par le public. (…). Etudier la réception d’un texte, c’est accepter que la lecture d’une œuvre est toujours une réception qui dépend du lieu et de l’époque où elle prend place ».81 Deux notions importantes se dégagent de cette acception de la réception ; celle de « lecture » et de « public ». Au fait, les théories de la réception lors de leur avènement dans les années 60, ont insisté sur ces notions clés dans leurs analyses des œuvres littéraires. Dans cette perspective, Antoine Compagnon a souligné que « sous le nom d’étude de réception on songe à l’analyse plus étroite de la lecture comme réaction individuelle ou collective du texte littéraire ».92 « L’esthétique de la réception » dont le précurseur est Hans- Robert Jauss est considérée comme l’école initiatrice des théories de réception. L’étude de la réception d’après Jauss consiste à reconstituer « l’horizon d’attente » du premier public puis à comparer les situations historiques des lecteurs successifs en mettant en relation les attentes et les opinions du lecteur, les valeurs et les normes esthétiques et sociales en vigueur. Ainsi, pour Jauss, «la lecture d’une œuvre nouvelle s’inscrit toujours sur le fond des lectures antérieures et des règles et codes qu’elles ont habitués le lecteur à reconnaître. Elle mobilise également son expérience du monde. Aussi, la lecture est- elle toujours une « perception guidée » ».103 Dés lors, la réception d’une œuvre littéraire est considérée comme « processus socio- historique liée à un horizon d’attente culturellement défini».114 Elle donne un rôle actif au lecteur qui produit la signification à partir de ses valeurs personnelles, sociales et culturelles. A ce titre, l’esthétique de la réception se voulait un «mode d’analyse » qui prend pour objet le rapport existant entre « texte- lecteur » en délaissant celui du couple « texte- auteur » qui selon Jauss, a suffisamment monopolisé les études littéraires. 8- GARDE –TAMINE, Joêlle, HUBERT, Marie Claude. Dictionnaire de critique littéraire. Edition Armand Colin, Paris, 2002, p.174. 9- COMPAGNION, Antoine. Le démon de la théorie, littérature et sens commun. Editions du seuil, Paris, 1998, p.173. 10- PIEGAY- GROS, Nathalie. Le lecteur. Edition Flammarion. Paris. 2002. p.54 11- Ibid. p.54. Chapitre I : L’œuvre et sa réception 10 Hormis son intérêt pour le lecteur et sa réception de l’œuvre littéraire, Jauss voulait rénover l’histoire littéraire en soulignant l’étroitesse de la tradition des grandes œuvres et des grands auteurs. Son article « histoire littéraire comme défi à la théorie littéraire » (1967) se présente comme « manifeste » de l’esthétique de la réception. Jauss amorçait les fondements principaux du renouveau de l’histoire littéraire et les principes de l’esthétique de la réception. Depuis, il a approfondi son étude sur l’histoire littéraire qui doit faire partie selon lui, de l’histoire générale. En ce sens, Jauss souligne que : «l’œuvre littéraire n’a qu’une autonomie relative. Elle doit être analysée dans un rapport dialectique avec la société. Plus précisément, ce rapport consiste dans la production, la consommation et la communication de l’œuvre lors d’une période définie, au sein de la praxis historique globale ».125Le mode d’analyse de Jauss tente d’instaurer une relation dialectique entre l’œuvre littéraire et le lecteur avec l’histoire littéraire en rendant celle-ci évolutive. Les travaux de Jauss apparaissent au moment de rayonnement des théories formalistes, structuralistes et marxistes. Ce qui n’a pas empêché Jauss de formuler des critiques à l’égard de ces théories critiques notamment formalistes et marxistes qui d’après lui, séparent le texte littéraire de ses conditions effectives de réception et ne rendent pas compte des effets qu’il produit sur ses lecteurs. Ces théories d’après Jauss, ne font que saisir le fait littéraire « dans le circuit fermé d’une esthétique de la production et de la représentation ».136 L’esthétique de la réception a dû se défendre contre « la théorie du reflet » qui voyait dans le texte littéraire une simple allégorie de la réalité sociale, une pure reproduction évoluant en même temps que le processus économique. Or selon Jauss « la fonction de l’art n’est pas seulement de représenter le réel mais aussi de le créer ».147 Quand au formalisme, Jauss lui reproche de confiner le texte littéraire dans une conception étroite de « forme » et de « substance » tout en rappelant sa spécificité esthétique. Hans- Robert Jauss voulait imprégner l’histoire littéraire d’un nouveau souffle révolutionnaire en montrant qu’elle ne peut être considérée uniquement comme étant l’histoire des formes et genres littéraires des œuvres et de leurs auteurs, mais comme un nouveau rapport avec le processus général de l’histoire et de ce fait, étudier la réception des œuvres par les différents publics qui se sont succédés, c'est-à-dire l’histoire de ses lectures. 12 – JAUSS, Hans Robert . op. cit. p.269. 13 - Ibid. p.48. 14 - Ibid. p.36. Chapitre I : L’œuvre et sa réception 11 En s’inscrivant dans l’esthétique de la réception et en emboîtant le pas à Jauss, Wolfgang Iser s’est intéressé à l’actualisation du sens de l’œuvre littéraire à travers l’interaction entre le texte et le lecteur en postulant que ce dernier est l’implicite du texte et son présupposé. Les travaux de « l’école de Constance » s’inspirent essentiellement de ceux de Hans Georges Gadamar et des thèses de Ingarden et de Heiddeger qui ont attiré l’attention sur les questions du lecteur, de lecture et de réception. Gadamar a inspiré les recherches des deux universitaires allemands en déplaçant l’attention de la question du texte vers celle du lecteur. Selon Gadamar « tout texte se déployait sur un déjà là, de lecture préconstruite de tradition, que lequel toute nouvelle lecture négocie jusqu’à ce que s’établisse une « fusion des horizons » entre les deux consciences séparées que sont l’auteur et le lecteur ».159 Les théories de Heiddeger et Ingarden sur la lecture proclamaient que le texte littéraire reste toujours inachevé, qu’il attend l’acte de lecture pour le concrétiser en affectant en même temps le lecteur. Ces thèses ont donné naissance aux notions d’ « horizon d’attente» dans les recherches de Jauss et de « lecteur implicite» dans ceux de Iser. Non loin des travaux de « l’approche allemande» sur la lecture, Umberto Eco s’est engagé sur la voie de la lecture et celle de lecteur, pour ce, il a développé la théorie de la « lecture sémiotique » ainsi que le concept du « lecteur Modèle». Pour Eco, le texte est «une machine paresseuse qui exige du lecteur un travail coopératif, acharné pour remplir les espaces de non dit ou de déjà uploads/Litterature/ l-x27-oeuvre-et-sa-reception.pdf
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- Publié le Nov 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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