MAXIMES ET PENSÉES DE CHAMFORT SUIVIES DE DIALOGUES PHILOSOPHIQUES TEXTE REVU S
MAXIMES ET PENSÉES DE CHAMFORT SUIVIES DE DIALOGUES PHILOSOPHIQUES TEXTE REVU SUR l’ÉDITION ORIGINALE ET PUBLIÉ AVEC DES NOTES ET UN INDEX PAR AD. VAN BEVER PARIS LES ÉDITIONS G. GRÈS & Cie 21, RUE HAUTEFEUILLE — MCMXXIII 2 AVANT-PROPOS DE L’ÉDITEUR —— LES Maximes et Pensées de Chamfort, ainsi que les Caractères et Anecdotes que nous nous proposons de réimprimer également, sont extraites de l’édition donnée par Ginguené, en l’an III. Elles figurent, on le sait, au tome IV de cet ouvrage, les trois premiers étant consacrés à divers essais de morale et de critique, au théâtre, aux poésies et à la correspondance de l’auteur. Bien que la réimpression des œuvres de Chamfort, établie par P.-R. Auguis, en 1824-1825, apparaisse, dans l’ensemble, plus complète et mieux ordonnée, c’est au texte original, malgré ses imperfections et ses lacunes, que vont nos préférences. On trouve là, en effet, pour la première fois réunis, les observations, les mots et les traits de génie du plus spirituel et du plus profondément humain des moralistes français. Les deux éditions, il faut le dire, renferment une leçon identique, dont le second éditeur n’a eu rien à modifier, sauf l’orthographe et la ponctuation. Nous réimprimons donc ce texte d’après la version de l’an III, corrigeant seulement quelques fautes anciennes et complétant le tout par une série de « Pensées » tirées des papiers de Chamfort et reproduites déjà par feu M. de Lescure. (Œuvres Choisies, Paris, 1879, t. I.) On déplorera, certes, que nous n’ayons pu, — quelques recherches que nous ayons entreprises — retrouver les manuscrits de l’écrivain [1] et revoir sur ces précieux documents la leçon des premiers imprimeurs ; mais on nous saura gré, vous voulons le croire, de n’avoir point alourdi d’un commentaire le présent livre. En fait, rien n’eût été plus inopportun qu’une préface. On connaît la vie de Chamfort. Les quelques pages qu’on lira par la suite, du comte P.-L. Rœderer, nous donnent de lui un portrait fidèle et sincère. Qu’ajouter de plus, alors que le meilleur de son œuvre est reproduit intégralement ici, et que, l’auteur s’exprimant en toute liberté, lui-même, ne répugne point à prendre, parfois, un ton de confident ? Bon nombre de ses productions ont été perdues ; d’autres ne nous sont guère connues que par leur titre, telles ces Soirées de Ninon, dont les contemporains regrettaient bien à tort, peut-être, la disparition. Nous avons, toutefois, pour compenser cette perte, les Petits Dialogues Philosophiques. Ils sont insérés à la suite des « Maximes », et ce n’est point trop dire qu’ils en sont l’heureux complément. Le classement de tous ces écrits est celui qu’adoptèrent les premiers éditeurs. Nous l’avons admis, à notre tour, en raison de son caractère traditionnel, et aussi parce qu’il respecte l’ordre indiqué par l’auteur. M. de Lescure a imaginé une classification différente, qu’on a trouvée ingénieuse, mais dont l’emploi serait superflu dans un livre pourvu, comme celui-ci, d’un copieux index alphabétique. Quelques notes succinctes, rendues indispensables par certaines obscurités du texte, et des variantes fournies par une lecture attentive des Œuvres Choisies de Chamfort, imprimées en 1879, terminent l’ouvrage. Considéré comme penseur, comme moraliste, N. Chamfort vient après La Rochefoucauld et La Bruyère, corrigeant en amertume et en scepticisme ce que l’un offre de conventionnel ou de suranné et l’autre de volontairement morose. Avec La Bruyère, il représente, a-t-on dit, l’esprit français dans ce qu’il a de plus original et de plus affiné. Observateur qui sait, à l’occasion, se mêler à la comédie sociale, s’il est misanthrope, c’est par infortune plus encore que par goût ou par mépris. L’expérience des hommes lui a ouvert les yeux. Ses mots sont à la fois brûlants et brillants, mais sa philosophie trouve un correctif dans sa propre sensibilité. Cet homme de l'ancien régime, désabusé, ce classique rebelle à son temps, — et qui l’eût été également au nôtre, — cet apôtre de la liberté, fidèle à son dogme et qui en mourut, est un homme nouveau. Rien dans son œuvre ne semble avoir vieilli. Les « Maximes » d’autrefois : traits caustiques et réparties ingénieuses, qu’il exprime en termes lapidaires, c’est la pensée et d’hier et de demain, celle de tout 3 à l’heure et d’aujourd’hui. Qui ne comprendrait, après cela, combien nous tenions à présenter son œuvre et, collaborateur ennobli par la tâche, à réaliser une édition digne à la fois de l’écrivain et de son public ? AD. VAN BEVER. 4 NOTES SUR CHAMFORT PAR LE COMTE P.-L. RŒDERER Le texte ci-après, qui nous fournit les détails les plus exacts sur Chamfort, est extrait des Œuvres complètes de Rœderer, Paris, F. Didot, 1853-1859, t. IV. La première partie de ces « Notes » et « Anecdotes » tirée du Journal de Paris, figure également dans l’édition des Œuvres complètes de Chamfort, publiée par P.-R. Auguis, en 1825, t. V, pp. 339-347. — NOTE DES ÉDITEURS. NOTES SUR CHAMFORT I « EST-CE que vous ne défendrez pas Chamfort contre Delacroix ? [2] — Ma foi, je n’en sais rien. — N’étiez-vous pas de ses amis ? — J’en étais, certainement. — Et vous l’abandonneriez ! — N’a-t-il pas été terroriste ! — Oui, jusqu’à la menace ; non, jusqu’aux actions. Il croyait nécessaire de paraître terrible, pour éviter d’être cruel. Il s’est arrêté, quand il a vu la férocité frapper avec les armes que le patriotisme alarmé ne voulait que montrer. Le confondriez-vous avec les hommes de sang ? — Non ; mais je ne le mettrai pas non plus au rang des esprits sages qui ont prévu les conséquences des déclamations incendiaires, ni des âmes courageuses qui ont travaillé à empêcher les fureurs populaires, ni même des âmes sensibles qui en ont constamment gémi. N’est-ce pas lorsque la terreur l’a atteint lui-même qu’il a cessé d’applaudir au terrorisme ? — C’est bien avant ; et il ne s’est pas borné au silence, il a frappé sur le terrorisme, dès qu’il l’a vu cruel, comme il l’avait fait sur le despotisme dans tous les tems, et sur le modérantisme quand il l’a cru dangereux. Ignorez-vous qu’il fut mis en arrestation pour avoir refusé à Héraut-Séchelles d’écrire contre la liberté de la presse ? N’avez-vous pas entendu citer ce mot qui lui échappa au sujet de la fraternilé, que les tyrans proclamaient sans cesse : Ils parlent, dit-il, de la fraternité d’Étéocle et Polynice ? Ce fut lui qui, entendant déplorer l’indifférence du public pour les chefs-d’œuvre de la scène tragique, l’expliqua en ces mots : La tragédie ne fait plus d’effet depuis qu’elle court les rues. Ce fut lui qui dit de Barrère, à la naissance de son pouvoir : C’est un brave homme que ce Barrère, il vient toujours au secours du plus fort. C’est un ange que voire Pache, dit-il un jour à un ami de celui-ci, mais à sa place je rendrais mes comptes. Ce furent ces discours et cent autres que ceux-là supposent, qui indisposèrent les décemvirs contre lui. On sait qu’au moment de son arrestation, il fit ce qu’il put pour se tuer ; remis en liberté, ses amis lui reprochaient d’avoir tenté de se donner la mort. Mes amis, répondit-il, du moins je ne risquais pas d’être jeté à la voirie du Panthéon. C’est ainsi qu’il appelait cette sépulture depuis l’apothéose de Marat. Quelque tems après sa délivrance, un des amis qui lui ont fermé les yeux, Colchen, le félicitait d’être échappé à ses propres coups ; Chamfort lui répondit : Ah ! mon ami, les horreurs que je vois me donnent à tout moment l’envie de me recommencer. Ne voyez-vous pas dans ces paroles les sentimens d’une âme sensible et courageuse ? — Je me plais à les reconnaître en lui ; mais pourquoi donc cet emportement de paroles, ce débordement d’invectives et de menaces contre les mêmes castes, contre la plupart des mêmes individus que Marat et Robespierre proscrivirent depuis ? — Vous l’avez dit : parce que Chamfort n’était pas un esprit sage ; j’ajouterai même qu’en politique il n’était pas un esprit éclairé. Il avait vu les abus et les vices attachés à l’ancien régime ; il leur avait juré la guerre : et il croyait nécessaire de la faire à outrance, sans précaution, comme sans mesure ; voilà son erreur. — Mais n’y a-t-il pas eu du mauvais cœur dans sa conduite, et au moins de cette méchanceté qui se plaît à nuire pour peu que la justice y autorise ; de cette méchanceté qui n’est pas celle du scélérat, mais 5 celle de l’homme dur et violent ? — Nullement, et ce qui le prouve, c’est qu’il a cessé ses emportemens dès qu’il a vu qu’on prenait à la lettre les discours des Marat et des Robespierre ; il voulait faire peur et non faire du mal, puisqu’il s’est arrêté dès qu’il a vu qu’on faisait mal pour faire mal et encore pour faire peur. — Mais n’a-t-il pas voulu satisfaire des vues personnelles ? N’est-ce pas son intérêt qui lui a uploads/Litterature/ chamfort-maximes-et-pensees.pdf
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- Publié le Mai 14, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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