Université Paris VIII – Vincennes/Saint-Denis UFR Textes et Sociétés Master 2 L

Université Paris VIII – Vincennes/Saint-Denis UFR Textes et Sociétés Master 2 Littérature/s Textes, Langues, Théories Spécialisation : Littérature Comparée L’Homme-phare : Concept-métaphore pour une lecture comparée entre Compère général soleil de Jacques Stephen Alexis et The Farming of Bones d’Edwidge Danticat Astride V. Charles Sous la direction de Madame Claire Joubert 2014-2015 Remerciements Je tiens à remercier ma directrice de recherche Madame Claire Joubert pour le soutien et les conseils, ainsi que, mes proches, Wuraola et Micheal, pour l’aide si précieuse et l’encouragement tellement nécessaire. Table des matières INTRODUCTION : Pour ne pas en finir avec cette histoire. Les Réécrits du Massacre de 1937 . 1 I. Le Massacre du Persil dans l’optique indigéniste ..................................................................... 13 1. La Vocation d’une jeune élite : imaginer l’arrière-pays et la lutte des travailleurs migrants. 14 2. La Réponse indigéniste au Massacre du Persil dans la presse ............................................... 19 II. La Mémoire du Massacre du Persil dans l’internationalisation de la littérature haïtienne ...... 28 1. La Littérature en Haïti et son parcours national ..................................................................... 33 2. « L’international » de la littérature haïtienne ......................................................................... 34 III. L’Homme-phare vue « d’en bas » .......................................................................................... 46 1. Posture critique et relationnelle vis-à-vis de l’homme-phare ................................................. 49 1.1 D’où vient l’espoir : rencontre entre le personnage principal et l’homme-phare............ 57 1.2 De sa luminosité : lecture « génétique » de l’homme-phare danticatien ......................... 72 2. Le Spectre de l’homme-phare durant les heures sombres. ..................................................... 78 3. L’Étiolement de l’homme-phare ? .......................................................................................... 88 CONCLUSION : « Le Premier tracé de la route n’est jamais parfait » ....................................... 90 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................ 93 INTRODUCTION : Pour ne pas en finir avec cette histoire. Les Réécrits du Massacre de 1937 INTRODUCTION CHARLES, 2 i. La scène historique En octobre 1937, le dictateur dominicain Rafael Trujillo ordonne le massacre des travailleurs de cannes à sucre et d’autres résidents de la région frontalière avec Haïti à la peau foncée. Le massacre est orchestré par les troupes militaires et la police de la République dominicaine Toutefois des dizaines de civils y participent, et cela dure plusieurs jours ; 15000 à 25000 personnes meurent et des dizaines de milliers fuient. Les victimes ciblées sont de tous âges et de tous sexes. Les assassins utilisent des fusils, des machettes et des gourdins pour tuer les individus considérés comme étrangers, à savoir plus précisément des Haïtiens. À la fin de la première semaine, et pour faire passer l’événement comme une émeute populaire, les troupes militaires disposent un nombre important de machettes auprès de cadavres. L’historien Richard Turits propose une interprétation sur l’usage de machette pour cette boucherie à grande échelle. « Trujillo sought to simulate a popular conflict, or at least to maintain some measure of plausible deniability of the state’s perpetration of this genocide. The lack of gunfire was consistent with civilian rather than military violence. It also reduced noise that would have alerted more Haitians and propelled them to flee » explique-t-il1. Selon Turits, l’usage de cette arme primitive dans le massacre a un rôle important car il minimise le bruit associé à l’acte de tuerie alors que les fusils sont plus bruyants. Au niveau diplomatique, le gouvernement haïtien, sous la direction de Président Sténio Vincent, négocie puis accepte la version officielle des origines du massacre. Le chiffre de 10000 morts est alors accepté comme un compromis entre le chiffre de 20000 morts selon le gouvernement haïtien et celui de 1000 morts du gouvernement dominicain. En janvier 1938, Haïti et la République dominicaine signent un accord concernant notamment l’évaluation du coût des préjudices subis lors du massacre de 1937; le gouvernement dominicain paie un montant 1 TURITS, R. « A World Destroyed. A Nation Imposed. The 1937 Haitian Massacre in the Dominican Republic » Hispanic American Historical Review, vol. 82, n° 3, 2002, p. 615. INTRODUCTION CHARLES, 3 ostensiblement peu élevé, voire symbolique. « C’est à peine un sixième du prix auquel le colon payait l’achat d’un esclave à la fin du XVIIIe siècle » qualifie François Blancpain2. ii. Le Massacre de 1937 à travers ses multiples signifiants À la suite du massacre, pendant des dizaines d’années, la multiplicité des interprétations vont se manifester dans les différents noms qui lui seront donnés, tant au niveau populaire qu’au niveau intellectuel. Dans la littérature orale, les historiens contemporains précisent qu’il existe une différence entre les appellations en fonction du champ linguistique. Le massacre en tant qu’el corte, comme le nomment les hispanophones signifie la coupure ou encore la séparation. En revanche, pour les créolophones, le massacre porte le nom de kout kouto-a, qui met l’accent sur l’acte d’agression qui produit une véritable blessure. Quoi qu’il en soit, la littérature orale souligne le démembrement de la communauté produit par la violence étatique. Ce fait se retrouve dans les recherches historiques datant des années 1980, et cela démontre l’engagement multiple de la littérature orale avec l’événement du passé. « Next to professional historians we discover artisans of different kinds, unpaid or unrecognized filed laborers, who augment, deflect, or reorganize the work of professionals as politicians, students, fiction writers, filmmakers, and participating members of the public. In so doing, we gain a more complex view of academic history itself since we do not consider professional historians the sole participants in its production » constate l’historien Michel-Rolph Trouillot3. À l’époque, l’évènement est connu sous le nom de « Vêpres dominicaines » et au fils de temps, des historiens vont finir par employer la dénomination de « Massacre des Haïtiens » en pleine conscience de l’ambiguïté de la formulation, et sans pour autant enfermer les victimes ciblées dans un cadre identitaire. Ces chercheurs emploient cette dernière appellation tout en expliquant que ces victimes incluent des personnes dont les coutumes, les croyances ou encore la langue 2 BLANCPAIN, F. Haïti et la République dominicaine : une question de frontières, Matoury, IBIS Rouge Editions, 2008, p. 108. 3 TROUILLOT, M. Silencing the Past. Power and the Production of History. Boston, Beacon Press, 1995, p. 25. INTRODUCTION CHARLES, 4 s’éloignent de celles de la paysannerie haïtienne proprement dite. Le poète-romancier René Philoctète dans le titre illustratif de son roman, les décrit ainsi : « le peuple de terres mêlées »4. Dans cette étude littéraire, j’emploierai l’appellation répandue à notre époque, à savoir « Le Massacre du Persil ». D’une part, celle-ci renvoie aux examens linguistiques que les victimes ont dû subir : pour se moquer des victimes avant de les tuer, leurs assassins leur demandaient de prononcer correctement le mot « persil » en espagnol en roulant le « r ». Leur présomption était que les Haïtiens ou ceux qui étaient définis comme tels par des traits phénotypes et la couleur de leur peau n’étaient pas capables de rouler le « r ». D’autre part, cette expression « Le Massacre du Persil » convoque l’idée d’une langue nationale, inhérente à la citoyenneté, qui permettrait de tracer la généalogie des habitants. L’exécution de cette boucherie met donc en relation certains dispositifs autour de l’identité nationale, à savoir l’histoire, la langue et, enfin, la littérature. Plus haut, je suggérais que la perception de « Massacre du Persil » va évoluer au fil du temps au regard des appellations qui lui sont données dans le milieu intellectuel. Il est indispensable maintenant de discerner deux genres, entre autres, de l’histoire intellectuelle : d’un côté, celui dédié à la documentation, les archives et l’historiographie et, de l’autre, celui réservé au développement des idées et des esthétiques. Ceci dit, ce massacre se caractérise également par l’obscurcissement des faits à l’époque ; ainsi que par les études approfondies et les œuvres majeures réalisées ultérieurement qui le mettent en lumière5. Dans le sillage de recherches historiques qui tentent de mettre l’accent sur les rapports de force dans l’historiographie durant les années 1970 et 1980, le Massacre du Persil sera abordé selon des nouvelles grille d’analyses. Ces nouvelles études dans le domaine d’Histoire éclaircissent encore le déroulement du massacre en établissant de nouveaux faits issus de nouvelles sources, y compris des nouveaux témoignages. Elles interrogent le pouvoir institutionnel sur l’historiographie du passé en considérant que l’administration de Trujillo a tenté d’avoir le 4 Cf., PHILOCTÈTE, R. Massacre River (1989), trad. Linda Coverdale New York, New Directions, 2005. 5Il me semble qu’aucune étude ou création artistique à l’échelle professionnelle ne se manifeste pendant plusieurs dizaines d’années. Cette période s’étale de la fin des années 1950 au début des années 1980. La parution de La République d’Haïti et la République dominicaine. Les aspects divers d’un problème d’histoire, de géographie et d’ethnologie de Jean-Price Mars en 1953 et du roman Les arbres musiciens de Jacques Stephen Alexis en 1957, me semble précéder le silence du milieu intellectuel. INTRODUCTION CHARLES, 5 dernier mot sur cette affaire. Le travail de l’historien Richard Turits présente les enjeux historiographiques et les rapports de pouvoir en déployant un langage qui illustre le fait que l’histoire est avant toute une version construite des événements du passé plutôt qu’un exposé des faits. À la lumière de nouveaux témoignages des paysans de la région frontalière uploads/Litterature/ charles-astride-memoire-22062015-1.pdf

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