LE JANSÉNISME LOUIS COGNET PRES.SES UNIVERSITAIRES DE FRANCE Le jansénisme QUE
LE JANSÉNISME LOUIS COGNET PRES.SES UNIVERSITAIRES DE FRANCE Le jansénisme QUE SAIS-JE? Le jansénisme LOUIS COGNET Doeteur en Théologie SeptiM1t1 Uition 47• mille B CD IUN 2 18 044047 9 Dép6t légal - 1,. édition : 1961 7• 6dition : 1995, novembre C) er.ee Universitaires de France, 1961 108, bonlevard Saint-Germain, 75006 Plll'ÎII INTRODUCTION Ce petit volume voudrait fournir à ses lecteUl'fl un précis d'histoire du jansénisme, qui en même temps leur rendît accessibles les résultats des plus récents travaux. C'est un domaine, en effet, où, en ces dernières années, les recherches érudites ont modifié nos vues sur bien des points. Il semble donc intéressant d'en regrouper les acquisitions essen tielles en une brève synthèse. Ces pages insistent particulièrement sur le xvue siècle. En cette histoire, cette période forme une unité : c'est celle du pre• mier jansénisme, où les problèmes proprement reli gieux l'emportent de loin sur l'aspect politique du conflit, celle aussi où le jansénisme donne à la lit térature et à la pensée française quelques-uns de aea grands noms. Les rapports se renverseront lors que viendra le second jansénisme, celui du XVIIIe siè cle, qui entrera en collusion avec le gallicanisme parlementaire. C'est une tout autre atmosphère, et il en faudrait parler dans une perspective bien différente : il y aurait là matière à une autre étude, qui relève moins de l'histoire religieuse que de l'histoire politique. Ici, on s'est bomé à en tracer lea grandea lignes, et à mettre en relief quelques faits fondamentaux, en renonçant à une foule de détails qui eussent rendu le récit superficiel et obscUl', CHAPITRE PREMIER LES PRODROMES DU JANSÉNISME Le problème des relations entre la grâce divine et la liberté humaine a hanté la théologie chrétienne dès ses origines. Le long combat que soutint, pen dant vingt ans, saint Augustin contre les pélagiens l'amena à préciser sa pensée sur ce point plus que ne l'avaient fait les autres Pères avant lui. Pour écraser ses adversaires, qui exaltaient la liberté humaine et ses possibilités vertueuses, saint Augus tin se fit le champion de la grâce. Il fut amené ainsi à insister sur la toute-puissance de cette grâce, sur la misère et la déchéance de l'homme, sur la captivité où la faute originelle a réduit son libre arbitre, de telle sorte qu'il est désormais par lui même incapable de tout bien, et que seuls lui appar· tiennent en propre le mensonge et le péché. Pour nous aujourd'hui, il est évident que les formules augustiniennes se ressentent dans une certaine mesure du climat polémique dans lequel elles se sont constituées; d'autre part, sur divers points, la pensée du grand Docteur a varié au cours de sa vie, et ses œuvres reflètent ses hésitations. Mais son autorité leur conféra rapidement une valeur presque absolue, d'autant que les papes Innocent 1er, Zozime, Boniface 1er, Célestin 1er et le Concile d'Orange firent usage, en des documents officiels, 8 des idées et des termes mêmes de saint Augustin. Ainsi s'imposèrent deux thèses qui demeUJ"èrent longtemps incontestées parmi les théologiens. C'est d'abord l'idée de la pr6destination gratuite, c'eet-à dire l'idée que Dieu prédestine les hommes au salut par un décret absolu de sa toute-puissance, et qui n'a d'autre raison que cette toute-puissance elle-même, tout en se conciliant parfaitement avec sa justice et sa bonté d'une manière qui nous demeUl'e mystérieuse. C'est ensuite l'idée de la grâce efficace, c'est-à-dire l'idée que la grâce est donnée par Dieu à l'homme de telle manière qu'elle atteigne infailliblement son effet, sans poUl' autant violenter ni détruire la liberté humaine. Ces deux thèses dominent dans son ensemble la théologie médiévale. Saint Thomas d'Aquin, en particulier, admet pleinement SUI' ce point l'autorité èxception nelle de saint Augustin, et son effort consiste sur tout à construire une théorie métaphysique cohé rente qui concilie autant qu'il est poSBible grâce et liberté. Dans ces perspectives, s'introduit la théorie thomiste de la prlmotion ph ysique, laquelle cherche une solution au problème dans le concours divin néce88aire à chaque action de l'homme. Pour tant, parmi les scolastiques, surtout au XIVe et au xve siècle, plusieurs s'éloignent assez semible ment des thMee augustiniennes : leurs raisonnements, subtile parfois jusqu'à l'obscurité, supposent nette ment une vue plus optimiste des possibilités humai nes, qui s'oppose au pessimisme de saint Augustin, et déjà ila préparent la voie aux théories nouvelles, qui d'ailleurs leUl' emprunteront volontien des argumente. Le grand choc de la Réforme protestante provo qua, en ce domaine, des contrecoups étranges et assez inattendus. Si différentes que fussent les LES PRODROMES DU JANSXNISME 9 idées de Luther et de Calvin sur la juetificatioୣ elles se réclamaient les unes et les autres de saint Augwstin. Les deux grands réformateurs, chacun à leur manière, utilisaient habilement certaine textes du Docteur de la Gr&ee : la diecUB11ion de leurs théories se révélait délicate et parfois malaisée. Calvin, en particulier, maniait sur ce point les arguments patristiques avec une redoutable préci sion. D'autre part, ni Luther ni Calvin n'avaient abordé d'une manière précise le problème de la conciliation entre grlce et liberté. On s'explique donc que le Concile de Trente, préoccupé surtout de s'opposer aux erreurs protestantes, ait lui-même évité d'y entrer. Dans sa sixième session, le 13 janvier 154 7, où fut définie la doctrine catho lique touchant la justification, le Concile se boma à affirmer d'une manière générale l'existence et la réalité du libre-arbitre, ainsi que la nécessité dJ' la grlce pour toutes les bonnes œuvres, mais sans rien dire de leurs rapports. Dès ce moment pour• tant, les discussions qui s'élevèrent au sein même du Concile laÎ88aient présager les conflits futurs. Au moment où furent arrêtée les termes du Canon IV qui affirme que le libre-arbitre mil et excité par Dieu demeure cependant libre, l'un des députée jésuites, Lainez, trouva cette formule excessive : il eilt voulu qu'on réduisît cette motion à une simple lumière éclairant l'esprit de l'homme. Cer tains des Pères du Concile réagirent violemment et accusèrent Lainez de pélagianisme. L'incident n'alla pas plus loin, mais il était révélateur. Dès les origines de la Compagnie de Jésus en 1540, certains théologiens jésuites avaient été frappée d'un danger trM réel que présentaient les vues auguetiniennes : pouaséea à l'extrême et utiliséea eane précautions, elles risquaient de favoriser les erreun protestantes. 10 LE J.4.NSSNISME D'autre part, de nombreux jésuites subissaient plue ou moins profondément l'influence du courant humaniste, et tendaient à avoir, de la nature humaine, une vue moins sombre que celle de la théologie traditionnelle : ils étaient donc encline à pe118er que l'augustinisme restreignait d'une manière exceuive la part faite à l'homme dans le problème de son propre salut, et ile cherchaient une théorie qui rendît à l'homme ea place en face de Dieu. C'est dans .cette perspective qu'il faut comprendre lee instructiom données dès 1558 par Lainez, devenu général de la Compagnie : · tout en recommandant officiellement le thomisme, il insinue qu'il pourrait être poesible d'enseigner avec précau tiom une théologie mieux accommodée aux tempe. Cependant, il semble qu'au début les idées nou velles aient eu quelque difficulté à trouver leur formule exacte. Si discrète qu'ait été leur manifes tation, elle n'en provoquèrent pas moins çà et là un raidissement dee positions augustiniennes, dont on remarque diverses traces. C'est ainsi qu'en 1563 lee députés du Concile de Trente approuvèrent quel ques propositions tree augustiniennes tirées d'une instruction pastorale du patriarche de Venise, Grimani, qui leur avaient été déférées ; elles affir maient en particulier que la prédestination ne dépend que des libres promesses de Dieu, et que, dans l'affaire du salut, tout vient de Dieu eeul. Plu significatif encore à cet égard est l'incident provo qué à Louvain par l'enseignement de Michel de Bay, plue connu eoue eon nom latinisé de Baine. Balue était un spécialiste de la théologie patristique, ouvertement hoetile à la ecolaetique. Il ee propoeait de traiter les problèmes de la gr&ce en employant uniquement le langage des Pères, et eans utiliser le vocabulaire ni les idées introduite par lee auteun LES PRODROMES DU JANSSNISME 11 médiévaux. C'était une entreprise hasardeuse car, en ce domaine, il était bien difficile de passer par dessus de longs siècles de spéculations. En fait, Baius ne put éviter de nombreuses imprécisions et ambigultés, qui lui valurent de vives critiques : on l'accusait de nier toute réalité au libre-arbitre et de favoriser le calvinisme. Après une longue contro verse universitaire, les adversaires de Baius défé rèrent au pape Pie V une liste de 76 propositions attribuées à Baius, mais dans lesquelles ce dernier refusa toujours de reconnaître sa véritable pensée. Finalement, en 1567, une bulle de Pie V condamna ces 76 propositions, d'une manière a88ez modérée et en reconnaissant même que certaines étaient soute• nables dans la rigueur des termes. Détail amusant : le sens précis de cette bulle se modifie considérable ment suivant qu'on déplace une virgule en un cer tain endroit, et sa position dans le texte original a fait l'objet d'âpres contestations entre spécilllj.11esJ c'est la fameuse question du comma p୦)୧ bulle elle-même fut l'occasion ୨-aouveDee·.diipûtew.:, car Baius uploads/Litterature/ cognet-louis-le-janse-nisme.pdf
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- Publié le Apv 27, 2022
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