Etude de la scène 4 de l’Acte I Lorenzaccio d’Alfred de Musset est un drame rom

Etude de la scène 4 de l’Acte I Lorenzaccio d’Alfred de Musset est un drame romantique en cinq actes, publié en août 1834, dans le premier tome d'Un Spectacle dans un fauteuil et joué pour la première fois sous une forme réduite en 1897, avec Sarah Bernhardt dans le rôle titre. L'intrigue de cette pièce est une reprise d'événements réels racontés dans une chronique de la Renaissance: la Storia fiorentina de Benedetto Varchi, laquelle avait inspiré une nouvelle à Gorges Sand, alors compagne de Musset. Lorenzo de Médicis est un jeune intellectuel idéaliste, déçu par l’échec de la république Florentine, et par le retour des Médicis : situation comparable à l’échec des soulèvements populaires lors de la monarchie de Juillet. Résolu à tuer le duc Alexandre, il s’introduit dans son entourage et devient complice de ses débauches. Le spectateur a déjà fait la connaissance de Lorenzo dans la première scène, sous un aspect de souteneur et de manipulateur qui justifie son surnom de Lorenzaccio, mauvais Lorenzo ; nous le découvrons maintenant dans une autre situation : le Cardinal Cibo et Valori veulent le démasquer et dénoncer sa dangerosité, il est accusé, insulté, provoqué en duel. Autant dans la scène 1 il était maître du jeu, autant ici il apparaît presque seul contre tous. Dans cette situation dangereuse ce personnage de traître dévoile sa complexité ainsi que l’ambiguïté de la relation qui le lie à Alexandre. Nous étudierons d’abord en quoi cette scène est une scène de révélation du personnage de Lorenzo, nous constaterons ensuite que plusieurs interprétations contradictoires s’offrent au spectateur. 1. I. UNE SCÈNE DE RÉVÉLATION 1. a. Diverses formes de révélation  Procés. Lorenzo est accusé par l’Église et le duc lui sert d’avocat : l.7 le cardinal sous-entend que Lorenzaccio est dangereux. Il dénoncé sa dangerosité en le traitant de chien enragé l. 26 après avoir averti le duc du risque qu’il court pour sa vie « Si je craignais cet homme […] ce serait pour vous » l. 7-8.  Portrait moral à charge de Lorenzo par le duc : il le décrit l.1 à 6, il insiste sur sa faiblesse et le manque de virilité, champ lexical faiblesse, champ lexical de l'illusion. Idée d'inconsistance est amplifiée par les images d'ombre, il le décrit comme un raté « méchant poète » « philosophe » « gratteur de papier », le personnage pour le duc est associé à l'échec et la faiblesse. Le personnage, selon le duc, a remplacé l'activité physique par l'activité intellectuelle mais sans réussir.  Confidence du duc au cardinal : il le décrit comme un espion, un homme efficace l.9 à 19.  Analyse de l’apparence physique : il souhaite montrer son manque de courage, souligne sa faiblesse : « ce petit corps maigre, ce lendemain d'orgie ambulant. Regardez-moi ces yeux plombés, ces mains fluettes et maladives, à peine assez fermes pour soutenir un éventail, ce visage morne, qui sourit quelquefois, mais qui n'a pas la force de rire.. » et plus loin L.61 « ses genoux tremblent », l'idée que développe le duc est que Lorenzo est dégénéré physiquement et moralement.  Confirmation par le personnage lui-même de ce qu’il est ou plutôt qu’il n’est pas : pas un soldat . l39.  Démonstration par le duc de la couardise de Lorenzo après la provocation de Valori, à travers une sorte d’expérience publique. Notons les termes qui attirent l’attention sur l’évidence de ce que l’on est censé voir et comprendre : « LE DUC — Allons donc, vous me mettriez en colère ! Renzo un homme à craindre ! […] LE DUC — Plaisantez-vous, cardinal, et voulez-vous que je vous dise la vérité ? (Il lui parle bas.) […] mais croyez que son entremise, si elle nuit à quelqu'un, ne me nuira pas. Tenez ! (Lorenzo paraît au fond d'une galerie basse.) Regardez-moi ce petit corps maigre [...] C'est là un homme à craindre ? Allons, allons,.. » [...] Pages, montez ici ; toute la cour le verra, et je voudrais que Florence entière y fût. [...] LE DUC — Et vous ne voyez pas que je plaisante encore ! Qui diable pense ici à une affaire sérieuse ? Regardez Renzo, je vous en prie ; ses genoux tremblent ; il serait devenu pâle, s'il pouvait le devenir. Quelle contenance, juste Dieu ! je crois qu'il va tomber. (Lorenzo chancelle ; il s'appuie sur la balustrade et glisse à terre tout d'un coup.) LE DUC, riant aux éclats — Quand je vous le disais ! personne ne le sait mieux que moi ; la seule vue d'une épée le fait trouver mal. Allons ! chère Lorenzetta, fais-toi emporter chez ta mère. (Les pages relèvent Lorenzo.) » Notons  le champ lexical du regard.  La répétition du verbe savoir et du verbe croire  Les exclamations et les questions rhétoriques.  Les expressions qui attirent l’attention de l’interlocuteur : plaisantez-vous, voulez-vous que je vous dise… A la fin du passage le duc conclue de manière rationnelle en utilisant le connecteur logique de cause « justement pour cela » : C'est justement pour cela que j'y crois. Vous figurez-vous qu'un Médicis se déshonore publiquement, par partie de plaisir ? » comme s’il tirait la conclusion irréfutable d’une expérience scientifique. 1. b. Ce qui apparaît évident  Un certain consensus autour de Lorenzo  Le pouvoir d’Alexandre Lorenzo est un débauché, un personnage méprisable. Seul le Cardinal émet un aveu contraire mais les preuves sont contre lui. Quand le duc achève sa démonstration par une ultime question rhétorique, le cardinal répond « C'est bien fort » ce qui signifie qu'il sous-entend qu'il a assisté à un numéro d'acteur. Lorenzo est également méprisé par le duc. Un homme qui ne sais pas tenir une épée, dans la morale féodale, est indigne du titre de noble. Souvenons-nous que la racine latine vir donne virilité, mais aussi vertu force morale. En montrant publiquement que Lorenzo n’est qu’une femmelette, une « chère Lorenzetta » l ; 65, en posant une question oratoire « Vous figurez-vous qu'un Médicis se déshonore publiquement, par partie de plaisir ? » l. 75, le duc qui a admis lui- même n’être qu’un batard se légitime sans-doute aux yeux de tous, notamment de ceux qui voudraient lui dicter sa conduite. Tout au plus le véritable Médicis n’est-il qu’un instrument pour le duc. Dans cette mise en scène de la faiblesse de Lorenzo, en dirigeant les opérations et en faisant taire Sire Maurice (l.68) le duc affirme son pouvoir. II. UNE SCÈNE PLEINE D’AMBIGUÏTÉ L’ambiguïté du langage La façon de nommer Lorenzo est extrêmement variée et cette variation éclaire des facettes contradictoires : Renzo, Lorenzaccio, Lorenzetta (ambiguïté sexuelle ou dérision de la part du Duc), « un Médicis » l. 50 et 74. Tout cela suggère que ce personnage n’existe que par rapport aux autres, et que son être varie selon les situations. Ambiguïté de l’ironie : Lorenzo se traite lui-même de « pauvre amoureux de la science » après avoir dit qu’il n’était dangereux que pour les filles faciles, mais à travers cette ironie désespérée, ce sarcasme, apparaît peut-être une vérité : Lorenzo étudie sans doute vraiment ceux qui l’entourent avec « science » . En tout cas l’ironie est un moyen de se dissimuler en brouillant le langage et le cardinal a bien raison de lui dire que son esprit est « une épée acérée mais flexible ». On peut entendre par flexible faible, qui refuse le combat, mais aussi et surtout que Lorenzo est fuyant et ambigu, paroles à rapprocher de celles du duc « il est glissant comme une anguille » Ambiguïté du rôle de Lorenzo auprès du Duc qui révèle implicitement combien ce personnage tout en étant son mignon lui est indispensable puisqu’il ne connaît les dangers des Républicains que par lui : « Tout ce que je sais de ces damnés bannis, de tous ces républicains entêtés qui complotent autour de moi, c’est par Lorenzo que je le sais. » b. Ambiguïté du théâtre Le duc met en scène Lorenzo. Il l’a déjà réduit à un personnage de théâtre : étudier le champ lexical du masque, de l’ombre dans sa description de Lorenzo : « ombre d'un ruffian » l,2 , « de peur d'apercevoir l'ombre » l,3 , « ces yeux plombés » l,16 « il serait devenu pâle, s'il pouvait le devenir » l,61-62 , comme si le masque était devenu son visage. Or le théâtre est le royaume de l’illusion. Le cardinal ne s’y trompe pas quand il s’exclame « c’est bien fort » comme s’il venait d’assister à un brillant numéro d’acteur. Ce masque est véritablement devenu Lorenzaccio ( voir scène acte 3 avec Philippe ). Le masque de Lorenzo lui colle peut-être à la peau, auquel cas son évanouissement serait sincère mais exprimerait l’impossibilité de comprendre Lorenzo : on ne peut le comprendre parce que lui-même à force de jouer un rôle n’est plus rien. Cette idée se confirme dans sa confession à Philippe uploads/Litterature/ commentaire-hl-lorenzaccio-i-4-5.pdf

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