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1 CONSEILS DE METHODE POUR L’EXPLICATION DE TEXTES « Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballote misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité[…] Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou mauvais souvenir, ils y voient le signe d’une issue heureuse ou malheureuse ; pour cette raison et bien que l’expérience leur en ait donné cent fois le démenti, ils parlent d’un présage soit heureux, soit funeste. Enfin, si un spectacle insolite les frappe d’étonnement, ils croient être témoins d’un prodige manifestant la colère ou des Dieux, ou de la souveraine Déité; dès lors, à leurs yeux d’hommes superstitieux et irréligieux, ils seraient perdus s’ils ne conjuraient le destin par des sacrifices et des vœux solennels. Ayant forgé ainsi d’innombrables fictions, ils interprètent la nature en termes extravagants, comme si elle délirait avec eux. » Spinoza, Traité théologico-politique (1670) Etapes préparatoires : - Identifier la thèse de l’auteur : - cela est essentiel, car sans elle, le texte ne peut être ni analysé, ni compris. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter ; nous en mentionnerons certains, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’être ici exhaustif : si la thèse est au début du texte, dans la première ou la seconde phrase, cela signifie que tout le reste s’appuie sur cette thèse pour la démontrer. A l’inverse, si la thèse se situe à la fin du texte, cela implique ou sous-entend que l’ensemble du texte a pour fonction de présenter la validité de la thèse, de préparer le lecteur à l’accepter, etc. Donc, deux mouvements : soit un texte qui sert à démontrer une thèse, soit un texte qui sert à démontrer que la thèse est sinon nécessaire , du moins censée ou légitime. La thèse peut également être placée au milieu du texte ; en ce cas les deux mouvements mentionnés précédemment sont associés. Dans le texte pris en 2 exemple, Spinoza cherche à démontrer l’hypothèse selon laquelle les hommes sont superstitieux parce qu’ils voudraient une nature conforme à leurs désirs. - Identifier les étapes de l’argumentation : Dans chaque phrase, quelle est l’idée évoquée, quel sens doit-on lui donner, quel statut possède t-elle dans le texte, …Dans le texte donné en exemple, la seconde phrase permet de développer le sens de la thèse, en insistant sur les causes de la superstition : les hommes sont crédules parce qu’il sont souvent « acculés à une situation si difficile » : la difficulté de vivre dans un monde qui est indifférent à mon sort, lorsque les conditions de vie dans lesquelles je me trouve sont détestables, voilà ce qui pousse les hommes à la superstition. En revanche la troisième et la quatrième phrase s’occupent d’utiliser des exemples en vue de renforcer le sens de la thèse. - Identifier les termes techniques, ou mots ayant un sens qu’il faudra définir ou tenter d’expliquer :il faudra dans le texte distinguer superstition et crédulité, montrer que le sens du premier terme a été saisi, ce qui permettra aussi pour celui qui explique le texte d’être plus attentif aux enjeux de ce dernier. A titre indicatif, Spinoza interprète dans ce texte la superstition comme le désir de manipuler la nature, de croire qu’elle est accessible à un langage et qu’elle use d’un langage. Etre superstitieux dans le texte, ce serait donc prêter à la nature des intentions que nous avons, mais qu’elle ne saurait avoir. La dernière phrase méritera à ce titre une attention particulière, l’accent étant mis sur le lien entre l’imagination ( les « fictions ») et l’irrationnel (« comme si elle délirait avec eux ») Rédiger l’introduction : Elle a pour but de montrer que la thèse et les enjeux du texte ont été saisis, et de préciser selon quels angles le texte sera étudié. - Il est tout d’abord nécessaire, dans un premier temps, d’amener la thèse de l’auteur, qui devra être citée ensuite, si elle n’est pas trop longue, ou reformulée exactement. Il faut dans cette première partie de l’introduction montrer que la thèse de l’auteur répond à un problème important. Il faut donc reformuler ce problème auquel le texte tente de répondre. Dans le cas du texte, l’idée consisterait à soulever le problème des causes de la superstition. L’on devra donc y consacrer un soin particulier, ce qui ne peut se faire qu’en plusieurs lignes. Une phrase ne peut évidemment suffire. 3 - La citation de la thèse, dans son intégralité si possible, le plus exactement si celle-ci s’avérait être trop longue ou sous-entendue (dernier cas de figure : celui où la thèse devrait être tirée à partir du texte mais ne s’y trouverait pas ; mais le cas est rare pour les textes présentés au baccalauréat) - L’énoncé de la problématique : il a pour fonction de présenter les réponses apportées par le texte au problème soulevé dans le début de l’introduction ; il doit d’autre part évoquer les problèmes que le texte suggère lui-même, dont vous développerez le sens dans la deuxième partie de l’explication. La rédaction de la dimension explicative : - Elle doit autant que faire se peut expliquer dans le détail le déroulement du texte et son sens, en ayant dans l’esprit qu’un texte philosophique tente de démontrer une thèse ou de soulever un problème : l’explication doit donc être axée sur l’argumentation dont use l’auteur, et sur le sens que l’on doit donner aux idées qu’il évoque. Le problème de la paraphrase ne devrait pas se poser dans l’explication, ou il possède une solution : plus le texte sera expliqué en profondeur, moins la paraphrase sera possible. Il faudra pour cela préciser le sens des termes qu’utilise un auteur, en vous disant qu’aucun ne doit avoir à première vue un sens évident. Il pourra arriver que ce souci vous fasse percevoir que l’auteur utilise un terme courant dans un sens particulier, ou que le sens d’un terme qui revient plusieurs fois dans un texte varie au cours de celui-ci. - Dans cette optique, les exemples doivent être systématiquement analysés et rattachés au sens de la thèse : il faudra mettre en évidence quel est le point de la thèse qu’ils appuient, s’ils apportent ou non un élément nouveau aux analyses précédentes. Dans le texte, le premier exemple permet de montrer que les hommes dominés par leurs sentiments et par leur imagination tendent à voir des signes les concernant dans le déroulement des événements naturels, et à se projeter à partir de ce sentiment dans un futur dont on pourrait lire les signes. Le second exemple est axé, lui, sur la question du miracle et de la religion. Il est donc important de chercher à saisir ce que les exemples veulent dire et développer dans le cadre d’une analyse. Le terme de superstition, d’ailleurs, pourrait recevoir deux sens différents à partir de chacun des exemples. - Il sera bon, dans le même sens, de chercher à préciser quels sont les interlocuteurs de l’auteur, à quel type de position il s’oppose, et qu’il tente de récuser. Toute thèse 4 s’oppose à d’autres idées, ou s’en distingue ; l’analyse de la thèse, au moment où elle devra être faite, pourra insister sur ces dimensions d’oppositions. - Le texte donné au baccalauréat présente en général des idées chères à un auteur : si l’auteur a été précisément étudié en cours, ces idées feront mieux percevoir la profondeur de la position adoptée par l’auteur. Mais même dans le cas où l’auteur vous serait inconnu, l’insistance mise sur certains points devra vous guider vers la mise en lumière d’éléments reconnaissables de la philosophie d’un auteur. Chez Spinoza, la critique de la superstition et de la religion est connue, elle s’enracine sur la thèse centrale de son ouvrage posthume, L’Ethique, (1677) qui identifie dieu à la nature. Le second exemple donne d’ailleurs quelque-uns des fondements d’une critique possible de la religion. De même, le rôle de l’imagination dans la superstition sur lequel l’auteur insiste, est un point important de la pensée de Spinoza. Il s’agit donc ici d’identifier les thèses sur lesquelles l’auteur s’appuie et qui lui permettent de fonder sa position. - Les termes techniques, concepts, propres à un auteur ou non, doivent être définis. Il est en outre essentiel d’insister sur leur fonction ou leur importance dans le texte : le doute chez Descartes possède un sens particulier, le terme de durée chez Bergson, le terme de devoir chez Kant,… La rédaction de la dimension critique : - Elle a pour utilité de prolonger l’explication en lui donnant une orientation plus critique : critique signifie non remise en cause forcée, mais uploads/Litterature/ conseils-de-methode-pour-l-explication-de-textes.pdf

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