Contribution à une histoire de l’enseignement de l’oral en primaire par une étu

Contribution à une histoire de l’enseignement de l’oral en primaire par une étude du discours des manuels Bruno Maurer Université Montpellier III Équipe DIDAXIS http://www.cairn.info/revue-ela-2002-1-page-53.htm Résumé de l'article Cette contribution entend proposer, de 1923 à nos jours, une étude longitudinale du discours des manuels de cycle 3 sur la didactique de l’oral visant à aboutir à un essai de périodisation. Le discours des manuels est étudié dans sa constitution dialogique plus ou moins avouée avec ces autres discours que sont les instructions officielles. De 1923 aux années 70, le paradigme dominant est celui du langage reflet et outil de la pensée. À partir de 1972, si l’écrit ne perd pas son statut dominant, le changement de paradigme est net, du langage reflet de la pensée au langage outil de communication. Mais si la nécessité d’un travail sur l’oral est affirmée avec force, les avancées réelles sont limitées par le recours à des théories de référence structurales. Les années 80-90 constituent le creux de la vague, avec le retour en force de l’écrit sous l’influence des linguistiques textuelles. À partir de nouvelles instructions officielles, quelques manuels récents proposent de nouveaux objectifs, intégrant une partie de l’oral du quotidien, et de nouvelles activités permettant d’entrevoir un renouveau du discours didactique des manuels en matière d’oral. Plan de l'article • 1. PARLER COMME UN LIVRE : L’ORAL DE LA LEÇON D’ÉLOCUTION — 1.1. L’élocution dans les textes officiels — 1.2. Un manuel canonique : Dumas L., Le livre unique de français , CE2, Hachette, 1929. — 1.3. Les évolutions ultimes du modèle de l’élocution : Delpierre P., Furcy P., Lire et parler , CE2, Nathan, 1967. • 2. LES INFLUENCES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE ET LE RENOUVELLEMENT DES PRATIQUES — 2.1. Le plan Rouchette de janvier 1971 et les Instructions officielles de 1972 — 2.2. Un manuel canonique : NAJAC, Apprendre à s’exprimer, Exercices oraux , CE1 et CE2, O.C.D.L., 1974 • 3. LE CREUX DE LA VAGUE : LES ANNÉES 80-90 ET LE RETOUR EN FORCE DE L’ÉCRIT SOUS L’INFLUENCE DES LINGUISTIQUES TEXTUELLES — 3.1. De Chevènement à Bayrou : l’écrit au centre des apprentissages — 3.2. L’oral, parent pauvre des manuels • 4. L’APPARITION DE NOUVELLES THÉORIES DE RÉFÉ-RENCE. UN NOUVEAU DÉPART ? — 4.1. Le retour de la linguistique dans les Instructions sur l’oral — 4.2. De nouvelles activités dans les manuels pour de nouveaux objectifs • 5. CONCLUSION Cette contribution porte sur un objet dont le statut, pour le moins problématique, pourrait même apparaître à certains comme carrément paradoxal : l’étude de supports écrits, les manuels, consacrés à une réalité d’un tout autre ordre, l’oral. N’y a-t-il pas là comme une incompatibilité sémiotique qui condamnerait d’emblée toute réalisation d’un tel objet et en expliquerait la relative rareté ? Force est de constater qu’à côté d’une profusion de manuels de lecture, ceux relatifs à l’oral sont en nombre plus restreint; et, alors qu’existent des ouvrages uniquement consacrés à l’écrit, l’oral est pratiquement toujours abordé dans le cadre d’ouvrages généraux, livres uniques ou manuels d’expression. L’explication tient plus selon nous aux orientations générales en matière de didactique du français qu’à une incompatibilité essentielle. Aussi, au moment où l’enseignement de l’oral fait un retour en force dans les discours et les textes officiels, nous voudrions adopter une perspective diachronique pour éclairer l’actualité et répondre à quelques questions : quelles pratiques d’enseignement de l’oral le manuel a-t-il historiquement favorisé, véhiculé et lesquelles retrouve-t-on aujourd’hui ? En quoi ces pratiques sont-elles le reflet des évolutions de la linguistique sur le langage, le statut de l’oral, la prise en compte de la communication ? Au plan méthodologique, quelques précisions peuvent être utiles avant d’entrer dans l’essai d’analyse et de périodisation.  La période embrassée  Nous ne remonterons pas au XIXe siècle, quand l’existence d’une population dialectophone nécessitait un travail spécifique allant de la nomination des objets usuels à la correction phonétique, nécessaire dans une perspective orthographique : les textes officiels ressemblaient souvent à des orientations de français langue étrangère et les problématiques de l’oral différaient trop des nôtres pour servir de base de référence. Leur étude seule mériterait une contribution. Notre point de départ sera l’année 1923, marquée par des Instructions officielles importantes qui donnent le ton jusqu’en 1972.  Le corpus a. des manuels Le niveau d’étude choisi est l’actuel cycle 3. En effet, bien que l’oral en maternelle soit central, les manuels n’existent pas pour ce niveau. Quant au cycle 2, les préoccupations ont toujours été trop focalisées sur la lecture pour que la place accordée à l’oral dans les manuels soit significative. Il va de soi que nous n’avons pas pu, dans les limites de cet article, prendre en compte la totalité des ouvrages accordant une place à la didactique de l’oral sur près d’un siècle. Nous avons donc procédé par coups de sonde, sélectionnant les livres uniques de français les plus utilisés aux différentes époques, et donc les plus représentatifs, et accordant une attention particulière aux ouvrages dont le titre mentionnait spécifiquement l’oral. b. des textes officiels Le regard sur les manuels peut difficilement être coupé d’une analyse des textes officiels. En effet, une particularité du manuel comme discours didactique est de se constituer dans une relation de dialogisme, plus ou moins avouée, avec ces autres discours que sont les instructions officielles. Un dialogisme qui peut être affiché dans les préfaces et avantpropos, argument commercial non négligeable en même temps que label de reconnaissance, ou qui peut être plus subtil, repérable dans les titres des sommaires, la nomenclature des leçons, ou les types d’activité. Nous contenter d’analyser seulement les discours des manuels serait nous condamner à ne pas en saisir l’originalité, faute de connaître les options officielles par rapport auxquelles ils se situent.  Les lieux d’observation  Il s’agit de préciser dans quelles parties le discours didactique du manuel se donne à voir. Certaines sont fort rentables, comme les préfaces, avantpropos, avertissement ou discours introducteur du livre du maître. Dans ces textes, souvent signés, le discours didactique se fait explicite et souvent, le dialogue avec les documents officiels s’y trouve engagé. Les tables des matières sont également un indicateur précieux en fonction de la présence/absence d’une rubrique consacrée à l’oral, de la place qu’occupe cette matière par rapport aux autres composantes du cours de français et des liens éventuels (thématiques, linguistiques ou textuels) faits avec elles. Mais l’étude perdrait à s’arrêter à ces discours déclarés. Dire ce qu’on fait (ou ce qu’on prétend faire) est un type de discours, aisément repérable; mais les activités concrètes proposées aux élèves tissent aussi sûrement un discours didactique, à reconstruire. C’est pourquoi nous intégrerons un examen des leçons et des exercices.  Les différentes définitions de l’oral  Une des caractéristiques de la didactique de l’oral est d’être un objet aux dimensions multiples. Pour éviter de rompre la linéarité de la démonstration par des détours terminologiques, nous en rappellerons ici quelques-unes, dont il est évident qu’elles ne concourent pas à l’exercice des mêmes compétences : o la récitation : activité de production orale à partir d’un texte écrit mémorisé; ses objectifs sont le travail de la mémoire mais aussi l’amélioration de la maîtrise de la langue par intégration de modèles textuels venus de l’écrit; o la lecture oralisée : exercice oral de contrôle d’une activité reposant sur un texte écrit; o la lecture expressive : variante de l’activité précédente, accentuant le caractère oral par un travail sur les rythmes et les intonations témoignant de la compréhension fine; o l’exposé, le débat et autres genres oraux : ce qui est visé, c’est la maîtrise de compétences de communication dont fait partie la connaissance des caractéristiques formelles de genres discursifs oraux; travailler le débat, l’exposé, le récit oral, la description, le dialogue, c’est aller dans le sens de la construction de compétences relevant d’une textualité de l’oral; o les activités d’écoute : rarement prévues dans le cadre d’un manuel, où la compréhension écrite prime sur la compréhension orale, l’écoute est une des dimensions importantes de la didactique de l’oral. 1. PARLER COMME UN LIVRE : L’ORAL DE LA LEÇON D’ÉLOCUTION 1.1. L’élocution dans les textes officiels La didactique de l’oral a longtemps été le règne d’un ensemble d’activités regroupées sous le terme d’élocution. Il est présent dans tous les textes officiels du XXe siècle jusqu’en 1972, même si quelques années avant cette date, des frémissements annonciateurs de changements d’orientation se faisaient sentir. Le terme n’a pas été inventé par la didactique du français. L’élocution, sous la forme latine elocutio, est l’une des composantes de la rhétorique aux côtés d’inventio et dispositio. Après la recherche des arguments et la façon de les ordonner, l’elocutio correspond à l’ornement de la parole à l’aide des figures de rhétorique. On ne se défait pas facilement de ses héritages : l’élocution garde de ses origines une orientation vers le modèle écrit et l’idée qu’il n’est d’oral que monologal. En cela, elle rejoint l’autre grande activité, la récitation, toujours liée au texte poétique. Pour comprendre ce qu’a été le discours sur uploads/Litterature/ contribution-a-une-histoire-de-l-x27-enseignement-de-l-x27-oral.pdf

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