africain. Ils f ignoraient. C'est un f,ait ! Au cours de ces séjours en France,

africain. Ils f ignoraient. C'est un f,ait ! Au cours de ces séjours en France, rnon pêre ne prit jamais le chenein de la rue des Ecoles oü la revue Présence africaine sortait du cerveau d'Alioune Diop. Comme ma màre, iI étart convaincu que seule la culture occidentale vaut la peine d'exister et il se montrait reconnaissant envers la France qui leur avait perrnis de l'obte- nir. En mêrne ternps, ni l'un ni L'autre n'éprou- vaient le moindre sentiment d'infériorité à cause de leur couleur. Ils se croyaient les plus bril- lants, les plus intelligents, la preuve pat neuf de 1'avancement de leur Race de Grands-Nàgres. Est-ce cela être << alién é >> ? a I T ! I a a a I I t t rndifférent cornrne à son habitude, mon pêret fi'avait pas de préférence. Ma màre, elle, déúraitl une fille. La famitle comprait déjà trois filles ero quatre garçons. Cela égaliserait les camps. passéa Ia honte d'avoir été prise, à son âge respectable,f en flagrant délit d'Guvre de chair, ma rnêre ,.r-I sentit Lrne grande joie de son état. De l,orsu*ill rnême. L'arbre de son corps n'était pes fr'etri.I desséché. rl pouvait en"orê porter d.s fi:uits-l Devant sa glace, elle regardait avec ravisserfientf s'arrondir son ventre, rêbondir ses seins. cioux) comme rrne paire de pigeons ramiers. Tout te) monde lui faisait compliment de sa beauté. C,est) qu'Llne nouvelie jeunesse activait son sang, iilu-of minait sa peau et ses yeux. Ses rides s,ãstorn-of paient magiquernent. Ses cheveux poErssaient, ) porlssaient, touffus corrlrne une forêt et eile fai- e)r sait sori chignon en fredonnanÊ, chose tare, une ) vieille chanson créole çlu'elle avait entendu ] s ) ,^ ) ,, ) * E ,* .-; il; É..: Ma naissance 'r I 'ti :ii chanter à sa màre rnorte cinq ans plus tôt : -i F{ d á A L. ? á lA là lA lA E â 3 ?, l- H : â ara rÉ.\i :rlt{ r,a aA á J'â {A -â I -..4 s ,:'!ái YJ .:":Í t*l '..ji t ?.. Sura an blan, Ka sanmb on Píion blan Sura an gri, Ka sanmb ort toutewel*. Pourtant, Son état tourna vite à la mauvaise groSSeSSe. Quand les nausées cessàrent, les vomissements prirent" 7a relêve. Puis, les insom- nies. Puis, les -crampes. Des mordants à crabe tenaillaient ses mollets à les couper. A parti-r du La ctangnaienÊ, n'en profitaiene pas pour-faire du désordre. Têtes baissées, elles s'appliquaient 2ü cornrrfe si de rien n'était Sur leurs pages d'écri- ture. I{eureusement pour le repos, plus que le dimanche avec Sa grand-messe devenue une corvée, il y avant le jeudi. Ce jour-Là, mes ainés étatenit sornmés de se fanre oublier. Ma mêre gardant le lit, montagne de chair sous les draps de toile brodée, dans la pénombre de sa chambre, car toutes les persiennes restaient fermées. Le ventilateur ronronnait. Vers dix nouveatr deriàre son potager* tandis que inon pàre irnpatienté, jugeant que sa fernrne s'écou- quatriême mois, elle fut épuisée' en nage . au heures, Gitane, chargée du ménage, avait fini moindre mouvement. Tenant §oÍr parasot g "l de promener son plumeau sur les meubles, de poignet sans force, elle poussait son 99T g*t batie les tapis et de boire sa éniêrne tasse de ia õhaleur torride du carême jusqu'à Drrbou- kiololo. E',ê montait alors des brocs d'eau ;3á?!,t ;#E':3üâ?i"1 iH'.ii1ii::t = :*::f:Hi.JTüà1#:fJirl?"YT;"';Hf: con!és de maternité; quatre semaines _avant en obus coiffé d,un-nombril barbare pointant I'acóouchement, six semaines apràs; ou vice versa. Les femmes travaillaient jusqu'à r.*t"lr]ã devant elle' tandis que la bonne lui récurait le de leur délivrance. Quand, vannée, eue arriváit ; $os d'un bouchon de feúllage' Ensuite' Gitane l'école, elle se laissait tomber de tout ";';;id; l'épongeait aveÇ un drap de bain' la farinait de sur un fauteuil dans le bureau a. ra air.c'úlã, poudre de talc'- blanc comrne poisson qui va Marie céianie. Dans son for intérieur, ;li;:;i frire' et l'aidait à enfiler une chemise de nút en estimait qu,à quarante ans passés, avec ;;; coton brodé avec des jours' Aprês quoi' ma iléjà vieux-corps, on ne fait plus l'amour. C'est màre se recouchait et somnolait jusqu'au retour bon pour les jeunesses. poúant, elle ne mani- de mon pàre- La cuisiniàre avait beau prépater festait rien de .". páíreãr p"" óí*it"Ules. Elle de pgtit9 n!1ts; blanc de poulet, vol-au-vent de ãpã"g.ãit r, ,rr"rrr'd., froni de son arnie et lui lambi, feuilleté de chatrou, ouassous à la nage, aãrr.rãit à boire de t'àicoot de menthe dilué dans rna mêre, qú avait des envies, repoussait les áã lru" glacée- Sous la brülure du mélange, -ma plateaux, chagri_née : mêre retrouvait sa respiration, et prenait 1ê che- - Je veux des acras pisqrrettes ! r,,i,, A" sa classe. En 1''attendant, ões élêves, qui Pas découragée, la cuisiniêre se précipitait à :::: .:4ài 21 t?it- trop, r.j. se- gardant de trahir son humeur, s'absorbait dans lá tecture du À/o uvelliste. c,est avec un sentiment de libération que vers deux heures de l- aprês-midi, aprês un baiser posé en vitesse sur le front moit",il quittait la chambre à coucher qui sentait la fleur^ d, orang"i et l, asc foetida er qu'il rerrouvait le grand sõteil. euelie chance d'être à l'abri de t".í** il-áãg"arasse- ries ! Rêgles, grossesses, accouchemerrtu, méno- pauses ! Dans sa satisfaction d,être un homme, iI bornbait le torse en traversant la place ãe la vic_ toire. Les gens le reconnaissaient "t r" p.*.r.ient pour ce qu'il était: un vaniteux. ce fui une pé_ riode oü, sans conrmettre rien de bien coupable, m-ol pêre se rappro ckna des amis qu,il avait négligés parce qüiils déplaisaienr à ma mêre. Il reprit goüt à des tournoú de beiote ou de dorni_ nos qu'elle trouvait comrlluns et fuma énormé_ rnent de cigares Montecristo. vers son septiàfile mois, res jambes ce me mêre commencêrent à enfrer. un *rtirr, elre se réveilla avec deux poteaux striés d,un lacis de veines gonflées qu'ãtte pouvait à peinà bouger. c'étart le signe_grave qi'eile faisait de l,arbu_ rnine- Du c9up, le docteür Méras rui prescrir.,it re repos absolu, finie x'école, et un iegi** três strict, plus _un grain de ser. Désormais, ffra rnàre se ncurrit de fruits. Des sapotilles. Des bananes. Du raisin- Des porilrnes Flance surÊo*É. i-ondes ei ::ouges cornme res joues du bébé cadum. Mon pàre les corrrinandaii par cageoÉs enÉiers à un arni, corrrrnerçant sur rês quaiã. r-a cuisiniêre res préparaii en ccmpote, au fcur a\rec ia cannerle et 22 t la cassonade, en beignets. L,odeur de ces fruits, qui môrissaient trop vite s,infil trart, têtue, du, tez-de-chausrég jusqu'aux chambr"r' à coucherr du deuxiême étage et tournait re c@ur de files r frêres et srcurs. chaque aprês-midi, vers cinq heures, r., ] bonnes amies oe ma mêre s,asseyaient autour de son lit- comme morÀ pêre, eres jugeai-ãr;;;iil. s'écoutait tr9p" AusJi faisaient-e1res ra sourde. oreille quand rna rnêre .o*ençait de geindre ü et elles rui contaient res faits de La pointe : Ies ü baptêmes, les mariagês, res décês. Éú;r"_roi, le r magasin de matériaux ,ce construcdoã pravel a u bralé coffrme une a[umette ! Des oeu.ir, or! avait retiré res co{ps carcinés de "i"q ", M' Pravel, un uiàã.-pays, un sans-cJI:'n* iJ t sont tous, s,en moqúii pas mal. O" ;;;# á;ú grêve- IVrarnêre, q,ri "" tááps norrrr"r ,. **;;:ú ciait pas de probiêmes sociaux, s, y intéressait u moins gue jamais. ErIe oevãrrait à e1le-rnêrne : g j'avais bougé dans son ventre. Je lui avais déco_*. ché mon premier cclp de pied. Fameux t si, à u Dieu ne plaise , j,étlis *" !*rç*rr, je serais un ia footballeur de prãnriêre. r:t1'i'ffi ãL-;:ffi,:1t31#;ffi*:'1"#fi; ou sa berceuse. EIre avait rempli ,."ir- pãT..r'r, cararbes avec mes effets et Íes faisait acÍnrirer à ü ses amies- rlans I'uE, res casaques en batiste, en ü soie ou en denteEe qnsi q"á--Lu chaussons cro_ Ü chetés au fil Dhfc, re b,rào**, res uorrrrài:. iI ; bavoirs, Ie tout en rose. Dans I,auÊre, ies girc:ts ..r ry -.i ü 3 ".i9: lã ,t3 .:: -:I - Í: .ri .:{ ,;áif, H H { à â â A ) â A A â â â á t ? f, t ? F, â l. ? ? ? â l. á u ? ? V u. B les couches de deux qualités : en tissu-éponge ou simples pointes en coton. Dans le troisiême, les draps UróOOs, les courtepointes, les serviettes de toilêtte... I1 y avait aussi des bijoux dans une jolie boite en papier mâché : une gon'rrmette salls norn gravé, bien sür, une chaine de cou avec Sa g..ppã de médailles pieuses, un amour de Uroõt e. Ensuite, sur la pointe des pieds, les visi- teuses pénétraient dani le saint des saints : la piàce q.ri m'était destinée, un ancien débamas iransfo?mé au flanc de la charnbre de mes parents. Ma mêre était tràs fiêre d'une reproduc- tion de Ia Visitation, l'ange Gabriel, sa fleur de lys au poing, que j'ai considétée toute nlon enfance Sur uná des cloisoÍIS, et, posée Sur la uploads/Litterature/ maryse-conde-le-coeur-a-rire-et-a-pleurer.pdf

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