Description et récit «  Et les descriptions ! Rien n’est comparable au néant d

Description et récit «  Et les descriptions ! Rien n’est comparable au néant de celles-ci. » (André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924) 1 Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme 1 Lisez ces deux textes et répondez aux questions. Ces deux extraits, tirés du même roman, sont situés au tout début du livre. Le premier décrit la pension de Madame Vauquer, où va se dérouler l’intrigue ; le second, Mme Vauquer elle-même. Découvrir Texte 1  Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd’hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré1 métallique, des piles d’assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à cases numéro- tées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses de chaque pensionnaire. 1. Sous-verres faits d’un tissu présentant un effet d’ondulation en surface. 5 10 Texte 2  Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation, et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide1, sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’ex- pression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer ren- frognement de l’escompteur2, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique la personne. Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835. 1. Répugnant, sentant mauvais. 2. Personne qui rachète les commerces et les affaires en faisant un bénéfice. 5 10 a. Soulignez dans le texte 1 les termes qui évoquent l’aspect misérable et sale du lieu. b. Soulignez dans le texte 2 les expressions qui caractérisent le personnage de façon négative. c. Quels éléments du lieu s’expliquent par le personnage qui y habite ? la saleté, la laideur, la décrépitude, qui viennent de l’avarice de Mme Vauquer. La description et le portrait dans le roman ou la nouvelle permettent : n de présenter les personnages, de façon positive ou négative Madame Vauquer n de présenter l’univers social du roman Malheur, déchéance, souci d’argent n d’annoncer des éléments de l’intrigue Avarice, laideur, saleté n de créer une ambiance Décrépitude, univers répugnant n de créer un effet de réel (« détail qui fait vrai ») Assiettes fabriquées à Tournai Retenir a. Soulignez les éléments qui renvoient à des lieux réels à Paris. b. Encadrez les mots révélant un juge­ ment sur le passage du Pont-Neuf : quel sera l’univers social et moral des personnages ? un univers de laideur, sans lumière, lié à la mort. c. Quelle est donc la double fonction de cette description ? Ancrer dans le réel et annoncer l’atmosphère du roman. Décrire pour annoncer l’intrigue Analyser et interpréter 2 Au bout de la rue Guénégaud, lorsqu’on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large ; il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre ; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse. Par les beaux jours d’été, quand un lourd soleil brûle les rues, une clarté blanchâtre tombe des vitres sales et traîne misérablement dans le passage. Par les vilains jours d’hiver, par les matinées de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes, de la nuit salie et ignoble. À gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids de caveau. Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867. 5 10 © Nathan 2015 – Photocopie non autorisée. Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme VERS LE BAC ➔ Initiation à la dissertation À l’aide des exemples étudiés ou de vos lectures, répondez à la phrase d’André Breton, citée en ouverture de cette fiche. Décrire pour représenter le réel Décrire pour représenter un personnage Décrire pour juger a. Soulignez les termes techniques qui évoquent les différentes parties de la machine. b. Soulignez en vert les mots qui renvoient à l’accident. (ici, en pointillés) c. Encadrez les termes qui personnifient la Lison. À quoi est-elle identifiée ? À une géante, à un monstre blessé. d. À quel registre renvoie la description ? ➔ voir fiche 28 Au registre épique e. Que dit cette description des machines dans le monde moderne, selon Zola ? Elles sont vivantes, effrayantes et mons- trueuses. a. Soulignez les expressions qui rapprochent Désirée du monde animal. b. Permettent-elles au lecteur de se la repré­ senter précisément ? Non, les détails physiques sont absents. c. Quel rapport Désirée entretient-elle avec la nature ? Une relation simple, directe, sans réflexion, sans morale. a. Encadrez les connecteurs spatiaux et temporels qui indiquent les trois parties du gâteau. b. Soulignez ce que contient chaque étage. c. Quelle impression garde le lecteur de ce gâteau ? Une impression de mauvais goût, de surcharge, de ridicule. d. Cependant, comment est accueilli ce gâteau par les invités de ce mariage petit-bourgeois ? Quel jugement Flaubert porte-t-il sur ceux qui l’ont commandé ? Le gâteau est très bien accueilli. Flaubert ridiculise les personnages. 4 Désirée avait alors vingt-deux ans. Grandie à la campagne, chez sa nourrice, une paysanne de Saint-Eutrope, elle avait poussé en plein fumier. Le cerveau vide, sans pensées graves d’aucune sorte, elle profitait du sol gras, du plein air de la campagne, se développant toute en chair, devenant une belle bête, fraîche, blanche, au sang rose, à la peau ferme. C’était comme une ânesse de race qui aurait eu le don du rire. […] Elle était une créature à part, ni demoiselle, ni paysanne, une fille nourrie de la terre, avec une ampleur d’épaules et un front borné de jeune déesse. Émile Zola, La Faute de l’abbé Mouret, 1875. 5 5 Pour le mariage de Charles et Emma Bovary, un gâteau a été com- mandé. Le pâtissier s’est surpassé… On avait été chercher un pâtissier à Yvetot […]. Il apporta, lui- même, au dessert, une pièce montée qui fit pousser des cris. À la base, d’abord, c’était un carré de carton bleu figurant un temple avec portiques, colonnades et statuettes de stuc tout autour, dans des niches constellées d’étoiles en papier doré ; puis se tenait au second étage un donjon en gâteau de Savoie, entouré de menues fortifica- tions en angélique, amandes, raisins secs, quartiers d’oranges ; et enfin, sur la plate-forme supérieure, qui était une prairie verte où il y avait des rochers avec des lacs de confitures et des bateaux en écales de noisettes, on voyait un petit Amour, se balançant à une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux étaient terminés par deux boutons de rose naturelle, en guise de boules, au sommet. Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857. 5 10 3 Après un accident provoqué par une femme jalouse du conducteur, une locomotive à vapeur, « La Lison », est couchée sur les rails. La Lison, renversée sur les reins, le ventre ouvert, perdait sa vapeur ; par les robinets arrachés, les tuyaux crevés, en des souffles qui gron- daient, pareils à des râles furieux de géante. Une haleine blanche en sortait, inépuisable, roulant d’épais tourbillons au ras du sol ; pendant que, du foyer, les braises tombées, rouges comme le sang même de ses entrailles, ajoutaient leurs fumées noires. La chemi- née, dans la violence du choc, était entrée en terre ; à l’endroit où il avait porté, le châssis s’était rompu, faussant les deux longerons1 et, les roues en l’air, semblable à une cavale monstrueuse décousue par quelque formidable coup de corne, la Lison montrait ses bielles2 tordues, ses cylindres cassés, ses tiroirs et leurs excentriques3 écrasés, toute une affreuse plaie bâillant au plein air, par où l’âme continuait de sortir, avec un fracas d’enragé désespoir. Émile Zola, La Bête humaine, 1890. 1. Pièces maîtresses d’un châssis. 2. Tiges rigides d’un mécanisme. 3. Pièces d’un moteur. 5 10 © Nathan 2015 – Photocopie non autorisée. Roman et nouvelle : le temps « Le récit est le gardien du temps. » (Paul Ricœur, Temps et récit, 1985) 2 Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme a. Comparez les éléments surlignés en jaune et ceux en rose : lesquels racontent un événement long ? Lesquels racontent un événement bref ? Les éléments en rose racontent des événements qui durent des années, sont marquants. Ceux en jaune ra- content un événement bien plus court : la visite de Mme Arnoux. b. Lequel de ces événements est le plus important aux yeux du personnage ? C’est la visite de Mme Arnoux, uploads/Litterature/ corrige-complet.pdf

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