République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de l’Enseignement Sup

République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique Université A. MIRA-BEJAIA Faculté des Lettres et des Langues Département de langue et littérature françaises Filière : Français Polycopié pédagogique Cours d’ethnocritique Polycopié conçu par : BELHOCINE Mounya Maître de conférences (Classe B) Année Universitaire : 2017/2018 2 Sommaire Introduction 1- Les fondements de la théorie de l’ethnocritique 2- La méthode de l’analyse ethnocritique 3- L’ethnocritique et son voisinage théorique avec d’autres disciplines a- « Ethnologie et littérature / ethnologie de la littérature » b- L’ethnocritique et sa relation avec certaines critiques littéraires 4- De quelques études ethnocritiques : a- Le charivari : de la pratique culturelle à la pratique textuelle : Madame Bovary de Flaubert b- Etude ethnocritique d’un « détail » trop voyant : Les poissons rouges du Ventre de Paris de Zola c- Des objets culturels aux objets textuels : Les Misérables de Hugo d- Rite de passage et personnage liminaire : Le Rêve de Zola 5- Lectures ethnocritiques de quelques textes maghrébins a- Etude ethnocritique d’un rite de passage dans Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun b- Le personnage liminaire dans Le Sommeil du juste de Mouloud Mammeri c- Etude ethnocritique d’un objet culturel : La photographie de guerre dans Le Démantèlement de Boudjedra Conclusion Bibliographie 3 Présentation de la matière : Le module « Ethnocritique » est inscrit dans la première unité fondamentale du troisième semestre d’enseignement du master intitulé « Littérature et approches interdisciplinaires » (Crédits : 06. Coefficient : 03) Contenu de la matière : -A travers l’enseignement de cette matière, il s’agit de doter l’étudiant des outils et des méthodes qui lui permettront de reconstituer l’archive anthropologique qui participe de la structuration du texte littéraire et lui confère sa valeur anthropologique. - Permettre l’acquisition des étapes clés de la méthode ethnocritique - Permettre la mise en application de la méthode ethnocritique à travers l’examen des travaux des théoriciens en ethnocritique (Travaux de Marie Scarpa, Jean-Marie Privat, Guillaume Drouet, etc.) -Permettre la maitrise des concepts mis en place par cette théorie : personnage liminaire, homologie rite/récit, conflit oralité/Littératie, etc.) - Permettre d’examiner l’apport de la théorie de l’ethnocritique dans l’analyse des textes maghrébins. Objectifs de l’enseignement - Initier l’étudiant à l’une des théories critiques de la littérature. -Initier l’étudiant à la lecture de la littérature en tant que document anthropologique. - Développer la compétence de l’analyse textuelle, en dépassant le simple repérage des traits culturels en s’intéressant davantage à leur investissement esthétique. Connaissances préalables recommandées Les connaissances requises pour pouvoir suivre cet enseignement ce sont des connaissances sommaires en anthropologie, particulièrement dans le domaine de l’organisation socioculturelle à travers l’histoire de différentes sociétés (occidentales et maghrébines) 4 Introduction L’objectif visé derrière l’enseignement de cette matière est d’approfondir les connaissances des étudiants quant à l’étude des textes littéraires. Il s’agit de leur inculquer les outils nécessaires qui peuvent les amener à réaliser leur projet de recherche de fin d’études.  Qu’est-ce que l’ethnocritique ? L’ethnocritique est une approche récente de la littérature. Le terme est fondé en 1988 par Jean-Marie Privat, sur le modèle de « psychocritique », « mythocritique », « sociocritique ». Cependant la démarche ne se concrétise qu’en 1994, lors de la publication du livre de ce dernier intitulé Bovary Charivari1, où il précise : On essaiera ici de rendre compte du miroitement culturel du texte en excluant à la fois la description micro-folklorisante (qui se réduirait à la collecte de détails réputés vestiges d'une culture passée et dépassée) et la structuration macro- ethnologisante (qui consisterait simplement à repérer dans le roman les grands thèmes de prédilection de la discipline ethnologique de référence : système de parentés, classes d'âge, rituels sociaux, techniques du corps, conduites superstitieuses, etc.). Ni folk-critique donc (passéiste et populiste) ni mytho- critique (spéculative et trans-historique), l'ethno-critique vise à dépasser le légitimisme latent des lectures les plus spontanées et à initier à une sorte de relativisme textuel. Cette approche ethnologique restitue aux œuvres les plus savantes une saveur souvent inattendue et permet de mettre à vif les enjeux culturels de la littérature.2 De cette précision de Jean-Marie Privat, nous constatons que l’approche ethnocritique se démarque des approches ethnographiques qui réduisent l’étude des faits culturels à un simple travail d’inventaire de ces faits. L’objectif de cette nouvelle approche peut être résumé dans les propos suivants de Marie Scarpa, qui précise qu’: Il ne s’agit pas de procéder à un simple repérage de faits ethnographiques, d’éléments, de formes de cultures minorées (populaires, folkloriques, etc.) – ce qu’on pourrait peut-être nommer des « folklorèmes » – présents dans l’œuvre, 1 PRIVAT J.-M., Bovary Charivari, CNRS Editions, Paris, 1994. 2 Ibid., p. 16. 5 mais d’étudier comment cette dernière se les réapproprie, dans sa logique spécifique, comment elle en est « travaillée » dans son écriture même.3 La définition de l’ethnocritique a évolué depuis la création du terme en 1988. En effet, dans les premières définitions proposées nous remarquons que, dans les travaux des ethnocriticiens, l’accent est mis sur le rapport et les tensions qui se dégagent entre par exemple les cultures savantes et les cultures populaires. Cette tendance est de moins en moins explorée par les ethnocriticiens : pour s’ouvrir à des configurations culturelles plus diverses : « Étude de la pluralité culturelle constitutive des œuvres littéraires qui se caractérise par la dialogisation d’univers symboliques plus ou moins hétérogènes (culture orale / culture écrite, folklorique / officielle, profane / religieuse, scientifique / empirique, féminine / masculine, légitime / illégitime, endogène / exogène, etc.). »4 Cette définition met en évidence la démarche de l’ethnocritique qui ne se réduit pas au folklorique et au populaire, mais permet surtout de faire le lien entre l’univers référentiel extratextuel et culturel avec l’univers textuel, tout en examinant la manière par laquelle différents faits culturels constituent des unités signifiantes dans le texte littéraire. Ces données culturelles ont été appelées initialement par les fondateurs de l’ethnocritique des folklorèmes (en référence au folklore, préoccupation des premiers travaux des ethnocriticiens), puis cette appellation a été supplantée par celle d’embrayeur culturel, qui permet de mieux rendre compte de tous les aspects de la recherche pris en charge par cette discipline. L’objectif de l’ethnocritique est également de mettre en exergue des structures de relations, entre « celle des animaux et des humains, celle des hommes et des femmes, celle des grands hommes et des hommes communs, celle des vivants et des morts, celle des autochtones et des étrangers. »5. De ces relations se dégage un système de structures fonctionnant par homologie : « homologie entre rite et récit, entre 3 SCARPA M., « Pour une lecture ethnocritique de la littérature », Littérature et Sciences humaines, Actes du colloque de Cergy-Pontoise, 17-19 novembre 1999, CRTH/Université de Cergy-Pontoise, Paris : Les Belles Lettres, p. 285-297, disponible sur le site : http://www.ethnocritique.com/wa_files/pour_une_lecture_ethnocritique.pdf 4 C’est une définition de Jean-Marie Privat reprise par Drouet G., « Les voi(e)x de l'ethnocritique », Romantisme, 2009/3 (n° 145), p. 11-23. DOI 10.3917/rom.145.0011. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2009-3- page-11.htm 5 FABRE D., « Limites non frontières du Sauvage », L’Homme [En ligne], 175-176 | juillet-septembre 2005, mis en ligne le 01 janvier 2007. URL : http://journals.openedition.org/lhomme/29593 6 chronotopie littéraire et représentations symboliques des temps et des espaces vécus. »6 L’objectif de l’ethnocritique est d’étudier « la culture à l’œuvre »7, en reprenant cette expression de Marie Scarpa et de Jean-Marie Privat, c’est-à-dire elle s’intéresse à la mise en texte des données culturelles, à leur investissement esthétique. 1- Les fondements de la théorie de l’ethnocritique L’ethnocritique a émergé dans le prolongement des travaux de Mikhaïl Bakhtine, d’Yvonne Verdier et de Daniel Fabre. Les fondateurs de cette discipline expriment clairement la parenté qui existe entre les travaux de ces théoriciens et les principes de leur approche : Littérature, ethnologie... : peut-être pourrait-on dire, au fond, que l’ethnocritique est née de la rencontre, dans nos lectures, des travaux de M. Bakhtine, sur la polyphonie notamment (concept qui, comme celui d’ « intertextualité », pourrait être « élargi aux niveaux de culture et aux contenus symboliques ») et des analyses de l’ethnologue Y. Verdier, dégageant, dans les œuvres du romancier anglais Thomas Hardy, le passage du rite au roman, de la coutume au destin. 8 Selon Jean-Marie Privat et Marie Scarpa « [L’] objectif premier [de l’ethnocritique] est de lire la littérature dans sa réappropriation polyphonique des données du culturel. L’ethnocritique se propose donc de mettre en évidence, à des fins interprétatives, le dialogisme culturel qui structure les fictions littéraires. »9 Les notions de « polyphonie » et de « dialogisme », utilisées dans cette citation, signifient que l’ethnocritique se situe essentiellement (mais pas exclusivement puisqu’elle revendique son croisement avec d’autres sciences) dans le prolongement de l’ethnopoétique de Mikhaïl Bakhtine dont elle s’approprie les principes, notamment celui de l’action déterminante de la culture sur la littérature. Les notions 6DROUET G., « Les voi(e)x de l'ethnocritique », Romantisme, 2009/3 (n° 145), p. 11-23. DOI 10.3917/rom.145.0011. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2009-3-page-11.htm 7 PRIVAT J. M., SCARPA M., « Présentation. La culture à l'œuvre », Romantisme, 2009/3 uploads/Litterature/ cours-belhocine-mounya-cours-d-x27-ethnocritique.pdf

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