Jean-Claude Carrière, La Controverse de valladolid (Objets d’étude : le théâtre
Jean-Claude Carrière, La Controverse de valladolid (Objets d’étude : le théâtre et sa représentation + argumenter, délibérer) Le texte de Jean-Claude Carrière : Il écrit d’abord un récit en 1992 → puis une pièce de théâtre (adaptée pour la TV en 1992, puis sur une scène en 1999) Contexte historique : L’auteur s’inspire un fait historique qui s’est déroulé en 1550 : Les Espagnols avaient depuis plusieurs années colonisé l’Amérique pour en tirer profit. Indiens massacrés ou réduits en esclavage. 1550 : les pertes indiennes sont très lourdes (millions de morts) : véritable génocide (comme celui des Juifs au 20è siècle) → Aussi l’empereur Charles Quint suspend la guerre et le pape Paul III décide en 1550 de débattre dans un couvent de Valladolid (Espagne) de la question : les Indiens sont-ils une espèce inférieure de la race humaine ? Sont-ils des hommes véritables ? (« une controverse » = discussion animée autour d’une question où chacun essaie d’imposer son point de vue) → défenseur des Indiens : Bartholomé de Las Casas (dominicain qui a vécu environ 40 ans au milieu des Indiens) # détracteur des Indiens : Sepulveda (chanoine grand intellectuel) Du récit à la pièce de théâtre : → Lieu : un seul endroit : le couvent de Valladolid (plusieurs dans le récit) → Temps : l’action se déroule en 2 jours ½ (contre 5 jours ½ dans le récit) → Action : c’est la même question qui est posée tout au long : les Indiens sont-ils des êtres humains ? Auteur et comédiens : Jean-Claude Carrière = auteur de la pièce de théâtre Jean Carmet = le représentant du Pape Jean-Pierre Marielle = Las Casas, défenseur des Indiens Jean-Louis Trintignant = Sepulveda, le détracteur des Indiens Jean-Daniel Verhaeghe : réalisateur du téléfilm C’est ce qu’on a appelé la « bande des Jean » → le téléfilm a été récompensé par un « Sept d’Or » Difficultés pour le metteur en scène : exercice oratoire, donc très statique. Comment donc ne pas lasser le spectateur ? Actualité du texte : ce débat est encore d’actualité : pays riches # pays pauvres ; opposition Nord # Sud ; l’esclavage aujourd’hui. Jean-Claude Carrière, La Controverse de Valladolid Objets d’étude : le théâtre et sa représentation / argumenter, délibérer Explication n° 1 : p. 34-37 (« oui, tout ce que j’ai vu […] en mangeaient ») Situation : Début de la pièce. Histoire = 16è siècle : Le Nouveau Monde vient d’être conquis par les Espagnols. Mais le massacre de la population indienne a ému le Pape. Son représentant réunit dans un couvent de Valladolid (ville d’Espagne) des religieux pour débattre de la question suivante : les Indiens sont-ils des êtres humains à part entière ou non ? Ici, c’est le dominicain Las Casas, défenseur des Indiens, qui prend la parole. On peut s’interroger sur l’efficacité de son discours. 1er axe de lecture : un discours véhément (un discours passionné) → Dès le début, Las Casas se pose en témoin : « j’ai vu », « je l’ai vu » (nombreuses anaphores) → parle à la 1ère personne : ceci donne du poids à ses propos. (Las Casas a vécu de nombreuses années parmi les Indiens) → Il donne à voir la scène à son auditoire : - Champ lexical de la mutilation (« nez, oreilles, langue, les mains, les seins, ses entrailles qui s’échappaient ») [figure de style appelée hypotypose : le spectateur a l’impression de voir la scène se dérouler devant lui ]→ suggère une vision d’horreur. On se croirait dans l’enfer peint par Jérôme Bosch (voir un tableau de Bosch) - Des passages au discours direct : lignes 247-248 → fait parler les personnages comme s’ils étaient devant nous : « tiens et si on essayait le tranchant de nos armes » - Il cherche à émouvoir : Registre pathétique : didascalie ligne 274 (« Il reprend sur un autre ton, très ému ») → Il dénonce les sauvages Espagnols et prend la défense des Indiens : antithèse entre : - le sadisme des Espagnols (« pour s’amuser ! pour se distraire ! » 241-242) - leur cruauté (Gradation : ligne 248-252 ) # - douceur et naïveté des Indiens (« Ils ne comprenaient pas qui nous étions […] ils regardaient avec étonnement » 300-301 / « un jeu mystérieux et magique » 304-305 - vulnérabilité : ils sont pacifistes et n’ont pas d’armes (« ces hommes n’avaient pas d’armes comme les nôtres » 288-89) → Cette barbarie se fait paradoxalement au nom de la religion : Ligne 266 (« il lui parla un peu de notre foi… s’il voulait aller au ciel »), ligne 287 (« au cri de saint-Jacques ») 2ème axe de lecture : les faiblesses de ce discours : Mais ce discours est trop emporté : - accumulation d’exemples descriptifs - Ponctuation expressive ( !) → traduit l’emportement, l’indignation de l’orateur - Hyperboles (ligne 236-37, 252, 320) → manque de maîtrise - Abondance des chiffres (« des millions » ligne 285, « 30.000 morts » ligne 292) → idem - Glissement du « je » → « on » (ligne317 « on voyait », ligne 321 « on a même raconté ») → passe de l’expérience personnelle à la rumeur → l’orateur se discrédite - Didascalie : « son ton monte de plus en plus » (ligne 311) → emportement de l’orateur Conclusion : Ce 1er exposé de Las Casas le montre comme un ardent défenseur de la cause des Indiens Mais le registre est souvent polémique et pathétique. Il comporte des faiblesses que son adversaire va exploiter. Jean-Claude Carrière, La Controverse de valladolid Explication n° 2 : l’exposé de Sepulveda (p. 53 « Tous les peuples … p. 56 « de vous taire ») Situation : Après le 1er exposé de Las Casas prenant la défense des Indiens, c’est à son adversaire Sepulveda de prendre la parole et de défendre sa propre thèse. 1er axe : la rigueur du raisonnement de Sepulveda Sepulveda développe un syllogisme (raisonnement logique en 3 propositions : majeure, mineure, conclusion : ( ex. Tous les hommes sont mortels. Or je suis un homme. Donc je suis mortel). Il part du postulat suivant : « Tous les peuples de la terre sont […] destinés à être chrétiens (678-79) → « Or voici […] une population inconnue qui n’a jamais entendu parler de Notre-Seigneur » = argument de la non-connaissance de la religion chrétienne 694 : « ce qui signifie qu’il ne s’agit pas de créatures reconnues par Dieu » = conclusion apparemment logique Série d’arguments : « Et je vais le prouver » « d’abord » (695) : facilité de la victoire des Espagnols « Même la maladie était de notre côté » (701) : argument de la maladie favorable aux Espagnols → tout démontre dans la réalité que Dieu est du côté des Espagnols Sepulveda est rejoint dans sa démonstration par le Supérieur : « on a dit aussi que dans les mines ils meurent victimes de leur libertinage » → monstruosité des Indiens Sepulveda sait aussi utiliser les questions oratoires : 698 « et on n’y verrait pas la main de Dieu ? », « comment ne pas y voir une punition divine ? (707-708) 2è axe : la montée de la tension L’élément déclencheur est l’évocation de la monstruosité des Indiens → glissement vers le registre polémique (polemos = guerre, combat → combat de paroles) ⇒ Las Casas dénonce l’absurdité de l’argument de la monstruosité : « Mais qu’est-ce que j’entends ? » (720). Il appelle cela des « fables » (726) → dévalorise son adversaire. De plus, il s’emporte dans sa tirade : - hyperboles : tout son discours est exagéré, voire choquant - parallélismes : « vous descendez vivant, vous remontez cadavre » (735) - ponctuation forte ( !) - antithèse : «est-ce que je dois rire ou pleurer (736) ⇒ réplique de Sépulveda : registre polémique aussi = mise en accusation de son adversaire. Importance du geste accusateur : « réagit sur le même ton, très vigoureusement, un doigt tendu vers Las Casas » (didascalie 741) Lexique dévalorisant : « mentir (749), « falsifier » (750), « fausses croix » (751) Rythme saccadé : phrases plus brèves et davantage de [ !] Importance des didascalies qui montrent que les deux personnages s’emportent. Conclusion : Las Casas continue à être dans la passion, la véhémence. Au début, Sepulveda se montre plus rigoureux dans son raisonnement, mais à la fin de cet extrait, le ton monte et nous avons une véritable joute verbale entre les deux hommes : nous sommes dans le registre polémique. Jean-Claude Carrière, La Controverse de valladolid Explication n° 3 : la statue indienne (p.66 → p.68 : « Pour que cependant […] avant de nous séparer ») Situation : Sepulveda sort une carte de son jeu et veut surprendre son auditoire en présentant une statue indienne. Episode plus visuel, spectaculaire ou poursuite de l’argumentation ? S’agit-il d’une animation gratuite ? Ier uploads/Litterature/ cours-controverse.pdf
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- Publié le Fev 02, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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