1 COURS D’HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE Semestre 5 Parcours « Economie et Ge

1 COURS D’HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE Semestre 5 Parcours « Economie et Gestion » 2019-2020 INTRODUCTION GENERALE D'où viennent les théories économiques ? Qui les a édifiées, pour quelles raisons et dans quel contexte ? Adam Smith et son fameux concept de "main invisible" est souvent décrit comme "le père du capitalisme libéral", mais une relecture de l'auteur amène de nouvelles interprétations susceptibles de produire de nouveaux apports scientifiques. À quelles révisions de notre réflexion peuvent alors nous conduire les relectures des grands auteurs comme Ricardo, Say, Walras, Marx, Schumpeter, Polanyi, Keynes, Friedman, Hayek et tant d'autres ? Comment ont-ils influencé les économistes contemporains ? Au début de son Histoire de l'analyse économique, Joseph A. Schumpeter s'interroge sur les raisons d'étudier l'histoire de la pensée économique. A l'encontre de ceux qui ne voient aucun intérêt dans l'étude des auteurs anciens et des idées économiques périmées, il fait valoir en premier lieu trois arguments (trad. fr., Gallimard, 1983, tome 1, pp. 27-28) : - Les «avantages pédagogiques» dans les études d'économie. En effet, les manuels les plus récents ne permettent pas de saisir l'importance des problèmes et la validité des méthodes utilisées par les économistes. - L'étude de l'histoire de la pensée économique permet de faire surgir des idées nouvelles et il est toujours possible de glaner des «leçons utiles» pour le présent à partir des différentes explorations tentées par les auteurs du passé : «Nous nous instruisons à la fois de la futilité et de la fécondité des controverses ; des déviations, des efforts gaspillés, des impasses ; des intervalles où le progrès s'interrompt, de notre soumission au hasard, des procédés à éviter, des retards à rattraper. Nous apprenons à comprendre pourquoi nous sommes aussi avancés que nous le sommes, et aussi pourquoi nous n'avons pas progressé au-delà. Et nous apprenons ce qui arrive, comment et pourquoi». - Enfin, l'histoire de toute science «nous dévoile les démarches de l'esprit humain» ; elle nous offre le spectacle de «la logique incarnée dans le concret, de la logique liée à la vision et au projet». Quel point de départ pour l'histoire de la pensée économique ? Au sens strict, une histoire de la théorie économique (ou de la science économique) qui entend privilégier l'élaboration des concepts, des instruments d'analyse (le circuit économique, par exemple) débute par des auteurs du début du XVIIIe siècle, souvent qualifiés de «pré- 2 classiques», tels que Boisguilbert ou Cantillon, ou bien avec des auteurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle, tels que François Quesnay ou Adam Smith. Mais une approche plus globale de l'histoire de la pensée économique doit aussi prendre en compte les premières réflexions sur la vie économique développées de l'Antiquité jusqu'à la scolastique médiévale, avant d'aborder la naissance de l'économie politique dans la période dite «mercantiliste». Quelles méthodes utiliser en histoire de la pensée économique ? Nous distinguerons schématiquement trois approches : - L'approche « continuiste » Cette première approche, représentée par exemple par Georges J. Stigler et Mark Blaug, consiste à mettre en évidence une continuité, une succession de progrès analytiques au cours du temps. Cette approche «continuiste» offre une interprétation cumulative de la science économique, qui présuppose une séparation entre le travail analytique et les jugements de valeur, les «visions» (pré-analytiques) des auteurs. Le discours économique est déconnecté de l'évolution globale des sociétés. La progression de la science peut être envisagée de manière plus ou moins régulière selon les historiens, admettant en général la possibilité de «retards» et d'incidents de parcours. Elle aboutit à la théorie économique moderne, qui constitue une sorte de «terre promise». Cette démarche était déjà revendiquée par l'économiste classique Jean- Baptiste Say. Celui-ci explique en effet que l'histoire d'une science «ne peut être que l'exposé des tentatives, plus ou moins heureuses [...] pour recueillir et solidement établir les vérités dont elle se compose. Que pourrions-nous gagner à recueillir des opinions absurdes, des doctrines décriées et qui méritent de l'être ? Il serait à la fois inutile et fastidieux de les exhumer. Aussi l'histoire d'une science devient-elle de plus en plus courte à mesure que la science se perfectionne» (Cours complet d'Economie Politique Pratique, 1ère édition, 1828-29). Ce point de vue jette un doute sur l'utilité de l'histoire de la pensée économique, ou du moins celle qui remonte avant Adam Smith. On qualifie aujourd'hui cette démarche de rétrospective (Mark Blaug, Economic Theory in Retrospect, 1ère édition 1968). - Une deuxième approche peut être qualifiée de « discontinuiste » Elle refuse d'envisager un progrès cumulatif du savoir économique. On cherche plutôt à identifier les moments de rupture dans l'histoire des idées économiques, la pluralité des voies explorées et les bifurcations possibles. Des théories détrônées survivent et réapparaissent. Plusieurs démarches sont possibles dans cette perspective. Une première manière de travailler consiste à se servir du concept de paradigme, à la suite de Thomas Kuhn (La structure des révolutions scientifiques, 1962). Kuhn explique que l'activité multiforme des chercheurs à une époque déterminée aboutit à la constitution d'un «paradigme», qui va recevoir l'adhésion de la communauté scientifique. Celui-ci est formé d'hypothèses théoriques, de lois et techniques qui sont adoptées par une communauté scientifique pendant un 3 laps de temps plus ou moins long (par exemple, le paradigme d'Aristote, le paradigme de Newton). Dans un état de «science normale», les chercheurs développent le paradigme. Mais devant les difficultés qui surgissent, un état de crise va peu à peu s'installer. Les chercheurs s'accrochent alors à leurs théories en dépit des difficultés rencontrées. La crise du paradigme se résoudra par l'émergence d'un nouveau paradigme qui va gagner l'adhésion progressive de la communauté. On a là le moment de la «révolution scientifique». On a tenté d'appliquer la théorie des paradigmes à l'histoire de la pensée économique. On distingue, par exemple, le paradigme classique, le paradigme néo-classique, le paradigme keynésien. Ce type de démarche pose cependant quelques problèmes pour la période de trois siècles qui précède l'arrivée des Physiocrates et des classiques. Ainsi, un paradigme «mercantiliste» est-il identifiable, compte tenu de l'absence d'une communauté homogène de chercheurs ? En outre, en économie, la domination d'un paradigme n'a pas un caractère aussi net que dans les sciences de la nature et l'on remarque une coexistence durable de plusieurs paradigmes qui s'affrontent. Première partie: L’ère préindustrielle Cette ère s’intéresse aux idées économiques développées en Europe occidentale sur la période historique qui s'étend du XVIe au milieu du XVIIIe siècle environ (à la veille de la Physiocratie). Trois catégories de faits marquent cette période. Tout d'abord, nous assistons à la décomposition de l'ordre féodal et à la naissance du capitalisme sous la forme commerciale. L'activité économique en général, l'enrichissement des marchands acquièrent une légitimité et s'émancipent des considérations éthiques et religieuses. Ensuite, à partir du XVIe siècle, se constituent les grands Etats modernes, centralisés, qui aspirent à l'indépendance économique et on prend conscience des intérêts économiques nationaux. Enfin, la découverte de l'Amérique en 1492 conduit à un afflux sans précédent de métal précieux à Cadix et à Séville, tout d'abord l'or à partir du début du XVIe siècle, puis l'argent à partir du milieu du XVIe siècle, qui vont se répandre dans toute l'Europe. En outre, il faut mentionner au plan intellectuel le mouvement d'émancipation qui se produit par rapport à l'Eglise et aux conceptions médiévales, la rupture avec la pensée aristotélicienne et scolastique. Avec la Renaissance, on va redécouvrir la nature et la vie. On assiste à un processus de laïcisation des activités de l'esprit, et en même temps, à un net développement scientifique et technique. L'invention de l'imprimerie favorise la diffusion des connaissances et l'Eglise perd le monopole de transmission du savoir. 4 Max Weber a insisté sur l'importance de la Réforme, en particulier le courant calviniste, pour comprendre la genèse du capitalisme, la formation de l' « esprit capitaliste », le succès dans les affaires étant un signe de l'élection divine. Les auteurs français • Jean Bodin (1530-1596), auteur d'une Réponse aux Paradoxes de Mr de Malestroit (1568) et des Six livres de la République (1576). • Antoine de Montchrestien (1576-1621), auteur du Traicté de l'oeconomie politique (1615), destiné à Marie de Médicis et au jeune Roi Louis XIII, afin de les éclairer sur la politique économique à suivre. L'économie politique selon Montchrestien « [_] qu'en l'Estat aussi bien qu'en la famille c'est un heur meslé de grandissime profit de mesnager bien les hommes selon leur particulière et propre inclination. Et sur la considération de ce rapport qu'ils ont ensemble, en ce qui concerne le poinct de l'utilité, joint avec plusieurs autres raisons qui seroient longues à deduire, on peut fort à propos maintenir, contre l'opinion d'Aristote et de Xenophon, que l'on ne sçauroit diviser l'oeconomie de la police sans demembrer la partie principale de son Tout, et que la science d'acquerir des biens, qu'ils nomment ainsi, est commune aux républiques aussi bien qu'aux familles. De ma part, je ne puis que je ne m'estonne comme en leurs traitez politiques, d'ailleurs si diligemment escrits, ils ont oublié cette mesnagerie publique, à quoy les necessités et charges uploads/Litterature/ cours-histoire-de-la-pensee-economique.pdf

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