COLETTE LOVINGER-RICHARD CRIMES DE SANG À MARAT-SUR-OISE À Compiègne sous la Te
COLETTE LOVINGER-RICHARD CRIMES DE SANG À MARAT-SUR-OISE À Compiègne sous la Terreur VIVIANE HAMY Le livre Crimes de sang à Marat-sur-Oise est vraiment la suite de Crimes et faux- semblants puisque vingt-cinq ans seulement séparent les deux romans. Nous retrouvons le docteur Louis Lajoy, son épouse Clémence et leur fille Annette âgée d’une vingtaine d’années, Prudence – veuve du grand-père, Charles Lajoy et son fils Jean, Guillaume etc… 1794, Robespierre fait régner la Terreur. Bertrand-Quinquet, l’homme fort de Compiègne – devenu Marat-sur-Oise – affûte son discours et s’apprête à recevoir dignement les représentants du Comité de Salut Public. La fête se déroule avec ses fastes et ses ridicules. Le lendemain, on découvre la vieille Céleste Vazille, la « faiseuse d’ange » qui s’était présentée à la mairie pour faire des révélations et dénoncer un « ci-devant », la gorge tranchée : posée à côté d’elle, en une sinistre mise en scène, une guillotine miniature, un de ces jouets que l’on offre aux enfants. Ce n’est que le début d’une série ; d’autres morts suivront sans que nul ne parvienne à expliquer ces meurtres exécutés toujours de la même façon : la tête, tranchée net, est posée à côté du corps ainsi qu’une petite guillotine. Ce sont les Lajoy, Louis, Clémence, Annette, Prudence et Jean qui vont résoudre cette affaire et démasquer le personnage qui manipule toute la population. Ce roman est une réussite à tous les niveaux : l’humour, l’histoire, la fiction se mêlent avec talent et bonheur. Les héros s’incarnent et s’inscrivent dans l’imaginaire du lecteur comblé, qui les accompagne dans leurs aventures en devenant lui-même un personnage de l’histoire. Du roman populaire au sens le plus noble du terme. L’auteur Colette Lovinger a exercé un certain nombre de métiers, avant de devenir professeur de lettres puis principale de lycée. Lorsqu’elle fut à la retraite, elle s’est lancée dans l’exploration d’une nouvelle activité : l’écriture. Ainsi, pendant dix ans, elle a fouillé l’histoire de sa ville et s’est mise à écrire des « histoires » ; c’est ainsi qu’est née l’idée de raconter Compiègne par le biais d’une famille de médecins, les Lajoy, installée là depuis le XIIIe siècle. Cette vieille cité, qui occupe une position stratégique, a joué un rôle important au fil du temps : au Moyen-Âge, sous Louis XV, pendant la Révolution, sous le second Empire… Certains faits, certains personnages de cette histoire sont imaginaires. D’autres sont réels. Pour autant, ce roman n’est aucunement l’œuvre d’une historienne. L’auteur doit beaucoup aux travaux effectués par M. BERNET, maître de conférences d’histoire moderne et contemporaine à l’université de Valenciennes, qui concernent plus particulièrement la période révolutionnaire dans la région de Compiègne. Ce roman est un tout en lui-même. Toutefois, on y retrouve, vingt-cinq ans après, des personnages dont on a fait la connaissance dans Crimes et faux- semblants. À Joseph PROLOGUE 1 Les mains liées derrière le dos et attachées aux ridelles de la charrette, le docteur Lajoy avait bien du mal à garder son équilibre. Les cordes lui entraient dans les chairs, mais ce n’était pas cette souffrance-là qui l’indisposait le plus. Ce qui le torturait, c’étaient les horribles crampes qui travaillaient les muscles de ses mollets et de ses cuisses, occupés à essayer d’absorber les cahots de la route. On le menait de Compiègne à Chantilly dont le château avait été transformé en prison. Trois heures s’étaient ainsi écoulées depuis le départ. Ils étaient une quinzaine, soucieux comme lui de ne pas tomber. Parfois, une ornière plus importante les jetait les uns contre les autres. Ils murmuraient de vagues excuses mais reprenaient vite leur quête de l’équilibre. Deux prisonniers avaient renoncé et s’étaient allongés sur le plancher de la charrette, recouvert de paille, où ils étaient ballottés comme des paquets de linge sale. Les mains attachées au-dessus de la tête, leur position n’était pas plus confortable que celle de leurs compagnons d’infortune restés debout. La carriole brinquebalante était entourée par un détachement de gendarmes. Une pauvre femme, traînant un gosse misérable, avait lancé, au passage des suspects : — Alors, les aristos, on crâne moins aujourd’hui ? Aristos ! Le docteur Lajoy regarda autour de lui. Pouvait-on vraiment les qualifier d’« aristos » ? Trois fermiers à qui on reprochait de ne pas s’être soumis avec assez de zèle aux réquisitions ; quatre boutiquiers accusés d’avoir spéculé sur la misère du peuple ; deux artisans qui ne savaient pas pourquoi ils étaient là ; deux hommes « à superflu » (selon l’expression de Saint-Just) dont le seul tort était de posséder quelque bien ; deux laboureurs et deux marchands forains soupçonnés de vol. Le seul véritable « aristo » de la fournée était le marquis Le Gouy d’Arsy. Le docteur Lajoy, pour sa part, était accusé de complot contre la République, accusation très grave et qui, selon la récente loi de Prairial, justifiait son transfert à Paris. Sa seule chance, c’était de rester suffisamment de temps à Chantilly pour retarder sa comparution devant le tribunal révolutionnaire de Fouquier-Tinville. « Retarder », en attendant quoi ? Il ne le savait pas. N’ayant aucun moyen d’infléchir son destin, il pouvait seulement essayer de survivre. Il s’abandonna aux cahots de la route en regardant la campagne qui, indifférente, se dorait sous le soleil de thermidor. 2 Depuis l’arrestation de son mari, le matin du 20 juillet 1794, Clémence errait dans la maison comme une âme en peine. Elle l’avait épousé en 1770 et ils ne s’étaient jamais quittés(1). Elle avait facilement renoncé à une vie d’aventure dont elle était quelque peu fatiguée. La paisible maison familiale de la rue des Domeliers, les Lajoy, grand-père et petit-fils, l’avaient séduite. La naissance de son premier enfant avait scellé un destin qu’elle n’avait jamais regretté. Elle était très inquiète. L’accusation de complot portée contre Louis était grave. Presque instinctivement, elle se retrouva dans son bureau. Il lui semblait que c’était là qu’elle serait le plus proche de lui. Ce bureau, le docteur Louis Lajoy le maintenait soigneusement dans le plus grand désordre : « Je ne peux pas travailler autrement », prétendait-il. Pourtant, il aurait certainement trouvé excessif le bouleversement que les gardes avaient laissé derrière eux après la perquisition. Elle allait essayer de mettre de l’ordre dans les affaires dispersées sans, pour une fois – et combien elle le regrettait ! –, encourir les reproches de son mari qui interdisait que l’on fît le ménage en dehors de sa présence. Elle se rappelait le jour où elle était venue fouiller cette pièce pour y découvrir un message hypothétique. Son cœur avait battu quand Louis était revenu inopinément et l’avait prise en flagrant délit. Il lui avait avoué, par la suite, qu’il n’avait nullement été dupe de son excuse : « J’avais mal à la tête, docteur… » C’était tout ce qu’elle avait trouvé à dire sur le moment. Avec un sourire attendri, elle regarda le bureau à cylindre sur lequel elle avait laissé les traces grasses de ses doigts quand elle l’avait exploré sans trouver la cachette secrète. Au fait, elle en connaissait maintenant le mécanisme. Elle le fit jouer machinalement. Des feuillets y étaient soigneusement rangés. Louis ne lui en avait jamais parlé. C’était une indiscrétion d’en prendre connaissance, mais les circonstances étaient exceptionnelles. Son mari lui avait été enlevé et elle ne savait quand elle le reverrait. Elle décida de lire ces pages où s’étalait sa belle écriture, un moyen en quelque sorte de renouer le fil rompu. « 5 février 1779 : Aujourd’hui, Grand-père est mort. Grand-père est mort… Écrirais-je cent fois cette phrase que mon esprit ne parviendrait quand même pas à en saisir vraiment le sens. Comment imaginer que je n’entendrai plus son rire, que je ne serai plus sujet à ses taquineries, que je n’aurai plus avec lui ces conversations, ces disputes vivifiantes ? Combien de fois, en rentrant le soir, ne vais-je pas commencer à monter l’escalier qui mène à sa chambre pour lui raconter ma journée, lui demander un conseil concernant un cas épineux, m’accrocher avec lui sur les mérites respectifs de Rousseau et de Montesquieu ? Après quelques marches, la réalité me rejoindra : “Inutile d’aller plus avant, personne là-haut ne t’attend plus !” Certains meurent après une longue maladie, dans d’atroces souffrances, des cris, des râles, des gémissements. On ne peut nier l’évidence de leur trépas, parfois attendu comme une délivrance. Tel ne fut pas le cas pour Grand-père. Comment croire qu’il est mort ? Ses vieux amis Carbon, Boitel et Valensart étaient venus le voir. Il ne se déplaçait plus guère et restait allongé dans sa chambre, sur sa méridienne, entouré des soins attentifs de Prudence. Un cercle d’amitié s’était formé autour de lui. Les chamailleries habituelles sur des points de détail, les discussions familières pour savoir si tel fait s’était passé telle année plutôt que telle autre allaient bon train. Charles Lajoy avait lancé la conversation sur le dernier séjour de la Cour au château. Boitel et Carbon se chicanaient sur des riens depuis un moment sans parvenir à uploads/Litterature/ crimes-de-sang-a-marat-sur-oise-a-compiegne-sous-la-terreur-by-lovinger-richard-colette-pdf.pdf
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- Publié le Oct 21, 2022
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