25 L Le es s s se ec cr re et ts s d de e l la a B Ba as sm ma al la a A. A. I

25 L Le es s s se ec cr re et ts s d de e l la a B Ba as sm ma al la a A. A. I In nt tr ro od du uc ct ti io on n Le texte dont la traduction figure ci-dessous est tiré d’un ouvrage du grand saint soufi `Abd al-Qâdir al-Jîlânî (1077-1166), originaire du Jîlân (au nord de l’actuel Iran), enterré à Bagdad, et dont l’influence spirituelle a été et est encore très vivace au sein de nombreuses branches du Taçawwuf (soufisme). Il s’agit d’un commentaire de la formule Bismillâh al- Rahmân al-Rahîm (« Au nom de Dieu, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux ») qui se trouve en tête du Coran, et en particulier de la première sourate, la Fâtiha (« Celle qui ouvre » le Livre sacré). Cette formule, appelée la Basmala, qui se retrouve d’ailleurs en tête de toutes les sourates (à l’exception de la neuvième) peut donc être considérée comme un symbole du Coran lui-même.21 21 Afin d’écarter dès l’abord une objection possible, signalons que certaines écoles de droit musulman considèrent que ce verset ne fait pas explicitement partie de la Fâtiha, et donc ne doit pas être récité lors de la prière. Néanmoins, la question est clairement tranchée par Ibn ‘Arabî lui-même qui affirme au début du chapitre 5 des Futûhât que la Basmala est « le premier verset (de la Fâtiha), et en fait nécessairement partie comme en étant le plus éminent, contrairement à ce qui est communément admis parmi les oulémas ». Nous considérerons donc dans tout ce qui suit que la Basmala est bien partie intégrante de la première sourate, ce qui est d’ailleurs logiquement en conformité avec le hadith dont il est question au paragraphe suivant. 26 Selon un célèbre hadith22, en effet, le Coran tout entier est contenu dans la Fâtiha et la Fâtiha est elle-même contenue dans la formule Bismillâh al-Rahmân al-Rahîm. Une autre tradition remontant à `Alî affirme encore que la Basmala est elle-même contenue dans sa première lettre qui est le bâ’, lequel est à son tour contenu dans son point diacritique souscrit. La lettre bâ’, qui est donc la lettre par laquelle s’ouvre le Coran, est un symbole de l’Esprit universel (al-Rûh). C’est pourquoi elle est la première lettre du Livre, comme l’Esprit qu’elle représente est à l’origine de la création. Selon un symbolisme bien connu, le monde est en effet : « le Grand Livre (al-muçhaf al-kabîr) que Dieu (al-Haqq) récite sur nous d’une récitation extérieure, de même que le Coran est pour nous la récitation d’une parole. Le monde est composé de lettres écrites et alignées sur le parchemin déployé de l’existence, sur lequel l’écriture perpétuelle ne cesse ni ne s’arrête jamais »23. Dans un texte consacré au symbolisme du tissage, René Guénon nous livre le même enseignement : « ...l’Univers lui-même, dans certaines traditions, est parfois symbolisé par un livre : nous rappellerons seulement à ce propos, le Liber Mundi des Rose-Croix, et aussi le symbole bien connu du Liber Vitae apocalyptique. A ce point de vue encore, les fils de la chaîne, par lesquels sont reliés les points correspondants dans tous les états, constituent le livre sacré par excellence, qui est le prototype (ou plutôt l’archétype) de toutes les écritures traditionnelles, et dont celles-ci ne sont que des expressions en langage humain ; les fils de la trame, 22 Voir par exemple Titus Burckhardt, Introduction aux Doctrines ésotériques de l’Islam, Dervy-Livres, 1969, pp. 64 sq. 23 Ibn `Arabî, Futûhât, ch.5. Allusion à Cor. 52, 2-3. 27 dont chacun est le déroulement des événements dans un certain état, en constituent le commentaire, en ce sens qu’ils donnent les applications relatives aux différents états ; tous les événements, envisagés dans la simultanéité de l’“intemporel”, sont ainsi inscrits dans ce Livre, dont chacun est pour ainsi dire un caractère, s’identifiant d’autre part à un point du tissu. Sur ce symbolisme du livre, nous citerons aussi un résumé de l’enseignement de Mohyiddin ibn Arabi : “L’Univers est un immense livre ; les caractères de ce livre sont tous écrits, en principe, de la même encre et transcrits à la Table éternelle par la plume divine ; tous sont transcrits simultanément et indivisibles ; c’est pourquoi les phénomènes essentiels divins cachés dans le ‘secret des secrets’ prirent le nom de ‘lettres transcendantes’. Et ces mêmes lettres transcendantes, c’est-à-dire toutes les créatures, après avoir été condensées virtuellement dans l’omniscience divine, sont, par le souffle divin, descendues aux lignes inférieures, et ont composé et formé l’Univers manifesté” »24. Cette correspondance entre l’univers manifesté et le livre concerne naturellement au premier chef le Livre révélé, c’est-à- dire le Coran ; et c’est l’Homme universel, à la fois « symbole de l’Existence universelle » (ramz al-wujûd) et « frère du Coran » qui est seul susceptible de lire à la fois l’un et l’autre. Par ailleurs, c’est dans cette correspondance que se trouve le fondement de la « Science des Lettres » : « ...le “message divin” est le “Livre du Monde”, archétype de tous les Livres sacrés, et les “lettres transcendantes” qui composent ce Livre sont toutes les créatures, ainsi qu’il a été expliqué plus haut. Il résulte aussi de là que la “science des 24 René Guénon, Le Symbolisme de la Croix, ch. XIV. 28 lettres” (ilmul-hurûf), entendue dans son sens supérieur, est la connaissance de toutes choses dans le principe même, en tant qu’essences éternelles ; dans un sens que l’on peut dire moyen, c’est la cosmogonie ; enfin, dans le sens inférieur, c’est la connaissance des vertus des noms et des nombres, en tant qu’ils expriment la nature de chaque être, connaissance permettant d’exercer par leur moyen, en raison de cette correspondance, une action d’ordre “magique” sur les êtres eux-mêmes. »25 Du fait de l’analogie entre Livre révélé et Liber Mundi, la sourate qui ouvre le Livre, la Fâtiha, et plus particulièrement la Basmala, qui est « la Fâtiha de la Fâtiha », doit correspondre au principe de la manifestation. Ce principe n’est pas envisagé ici sous le rapport de l’Essence en elle-même, à laquelle correspond la lettre alif (dont la valeur numérale est 1)26, mais en tant qu’il est l’Esprit (al-Rûh) ou encore l’Intellect premier (al-`aql al-awwal) qui est le principe immédiat de la création ; c’est pourquoi il lui correspond la lettre bâ’ (dont la valeur est 2). Cet Esprit lui-même est à la fois incréé et créé : c’est cet aspect que symbolise le point diacritique, et auquel Ibn `Arabî fait allusion en disant : « C’est par le bâ’ que l’existence s’est manifestée, et c’est par le point (diacritique sous le bâ’) que l’adorateur se distingue de l’adoré. On dit à Shiblî – qu’Allâh soit satisfait de lui ! – : “Tu es Shiblî”. Il répondit : “Je suis le point qui est sous le bâ’ ”. Ce qui est ce que nous disions, à savoir que le point se rapporte à la distinction. C’est l’existence du serviteur par laquelle est manifestée pour lui la réalité essentielle de la servitude. C’est pourquoi le shaykh Abû Madyan – qu’Allâh 25 René Guénon, Le Symbolisme de la Croix, ch. XVII, en note. 26 Selon Ibn `Arabî, d’ailleurs, « l’alif n’est pas une lettre pour qui a humé le parfum des Réalités essentielles (haqâ’iq) » (Futûhât, ch. 2). 29 lui fasse miséricorde – disait : “Je n’ai jamais vu une chose sans voir la lettre bâ’ écrite sur elle” »27. La « distinction » dont il s’agit est aussi bien entendu sous un autre rapport une union ; mais qui dit union pose par là même deux termes distincts entre lesquels cette union puisse avoir lieu. Nous sommes ici, s’il est permis de s’exprimer ainsi, à l’origine même de la dualité. Al-Rûh est « la “limite” même posée entre El-Haqq et el-khalq, “limite” par laquelle la création est séparée de son Principe divin et lui est unie tout à la fois, suivant le point de vue sous lequel on l’envisage ; c’est donc, en d’autres termes, le barzakh par excellence »28. On peut également rapprocher al-Rûh du Calame divin, ce qui est encore une allusion à la science des lettres. Selon un hadith prophétique, en effet : « La première chose que Dieu créa est le Calame », tandis que selon un autre hadith : « La première chose que Dieu créa est l’Esprit ». Il en résulte que le Calame symbolise l’Esprit universel : c’est la Plume divine, qui écrit la Science divine englobée par l’Esprit. Le point qui est sous le bâ’ représente la pointe de ce Calame ; on dit aussi qu’il est la première goutte d’encre qui s’échappa du Calame, et que toutes les lettres sont virtuellement contenues dans ce point : il est donc bien in principio, au commencement du Livre, de même que l’Esprit qui « procède du commandement de mon Seigneur » (Cor. 17, 84) est le principe immédiat de la création : « C’est donc le bâ’ qui est proprement à uploads/Litterature/ des-secrets-sur-basmala-1.pdf

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