Chapitre I 23 C H A P I T R E I I Prédétermination de la crue de projet Jacques
Chapitre I 23 C H A P I T R E I I Prédétermination de la crue de projet Jacques LAVABRE, Cemagref A priori, les méthodes de calcul des crues de projet ne diffèrent ni selon la taille des ouvrages, ni même selon celle des bassins versants, du moins en dessous de quelques centaines de km2. Mais en pratique, il y a deux spécificités importantes pour les petits et moyens barrages : la première concerne la fréquence de l’épisode de crue contre lequel on veut se prémunir ; on pourra, en effet, admettre des fréquences modérées pour les très petits ouvrages, dont la rupture aurait des conséquences à peu près imper- ceptibles à l’aval ; on devra, par contre, retenir des fréquences faibles pour les barrages présentant des risques pour les populations aval ; la deuxième différence provient du fait que les petits et moyens barrages barrent très généralement des bassins versants de faible superficie. Ceux-ci sont rarement équipés de stations de mesure. La qualité de l’information hydroclimatologique est alors moins bonne. L’imprécision plus grande des résul- tats de l’étude hydrologique doit être prise en compte lors du choix du type d'évacuateur et de son dimen-sionnement. Sommaire P rédétermination de la crue de projet 24 1. Définition en pp. 26-29. 2. PMP - PMF : Probable Maximum Precipitation - Probable Maximum Flood. CONSIDÉRATIONS PRÉALABLES Il est maintenant clairement admis que l’étude de la crue, qui sert au dimensionnement des ouvrages évacuateurs de crue des barrages, ne peut reposer sur la seule observation des débits. Les méthodes sont de type hydrométéorologique et associent la connaissance des pluies à celle des débits. Ces méthodes peuvent reposer simplement sur des concepts statistiques (méthode du GRADEX, modèle AGREGEE1) ou proposer une approche déter- ministe de la transformation de la pluie en débit. Dans plusieurs pays (en particulier dans les pays anglo-saxons), la méthode Pluie Maxi- mum Probable - Débit Maximum Probable (PMP - PMF2), développée par l’école Nord- américaine, est d’usage courant. Cette méthode définit un débit maximum probable pour le bassin versant considéré, qui est le plus fort débit raisonnablement imaginable. Le risque d’occurrence d’un tel débit est en principe infiniment faible, en tout cas non chiffrable. Dans d’autres pays, dont la France, on calcule un débit de projet assorti d’un risque d’apparition. En fonction de la vulnérabilité à l’aval : pertes en vies humaines, considéra- tions économiques, submersibilité ou non de l’ouvrage... la fréquence retenue est de l’or- dre de 10-2 à 10-4. En terme fréquentiel, cela signifie par exemple, qu’un ouvrage conçu pour évacuer la crue de fréquence 10-3 a un risque de 1 - (0,999)100 = 9,5 %, d’être soumis à la crue de projet, sur une durée d’exploitation de 100 ans. Le risque est de l’ordre de 1 % si l’ouvrage est susceptible d’évacuer la crue de fréquence décamillénale (durée d’exploitation de 100 ans). Il faut donc être conscient que l’ouvrage a un risque non négligeable d’être confronté à la crue de projet ainsi déterminée, tout en considérant que l’ouvrage est susceptible de résister à une crue supérieure grâce à la revanche. Bien qu’a priori toutes les méthodes ne soient applicables que sur des sites pour lesquels des chroniques d’observation sont disponibles, des considérations pratiques conduisent parfois à des applications en mode dégradé. C’est souvent le cas pour les petits bassins versants, qui disposent rarement de chroniques de débits. La fiabilité de l’étude hydrologi- que reste toutefois extrêmement tributaire de la qualité de l’information hydroclima-tologique disponible. CRUE DE PROJET ET CRUE DE SURETÉ La crue de projet est la crue de plus faible fréquence entrant dans la retenue. Elle est prise en compte pour déterminer les Plus Hautes Eaux (PHE) et dimensionner l’évacuateur de crues, en intégrant les possibilités de laminage. Souvent la crue de projet considérée est la crue de débit de pointe maximale. Il n’est pas toujours certain que cette crue soit la plus Chapitre II 25 défavorable pour le calcul de l’évacuateur de crue. Une crue moins pointue, mais plus étalée, pourrait être plus défavorable. La période de retour minimale préconisée pour cette crue est comprise entre 100 ans et 10 000 ans (fréquence 10-2 à 10-4). Le choix de la période de retour dépend du risque induit par la rupture du barrage. L'aléa intrinsèque au barrage peut être quantifié par le paramètre H² V . Vis-à-vis de ce critère, on propose dans le tableau 1 des recommandations pour le choix de la crue de projet. Cependant le risque global est lié aussi à la vulnérabilité de la vallée en aval (occupation de la zone susceptible d’être noyée en cas de rupture). Les recommandations du tableau 1 seront à renforcer en cas de forte vulnérabilité (passer par exemple de la crue cinqcentennale à la crue millennale). Lorsque le barrage intéresse la sécurité publique, la période de retour ne devra en aucun cas être inférieure à 1 000 ans, quelle que soit la valeur de H² V . Le calcul des PHE étant effectué, on adopte pour la crête du barrage une cote supérieure. La différence entre ces deux cotes est baptisée revanche. Cette revanche est essentiellement destinée à éviter la submersion par les vagues, mais joue en outre un rôle essentiel dans la sécurité vis-à-vis des crues. Un mode de calcul en est donné en page 73 (chap. IV). La revanche permet au barrage de résister à une crue "dite crue de sûreté", supérieure à la crue de projet baptisée crue de sûreté. C’est par définition la crue la plus pénalisante que pourra subir l’ouvrage sans mettre en cause sa pérennité. Dans le cas d’un évacuateur à seuil libre d’un barrage en remblai, la crue de sûreté sera la crue qui provoque la surverse, sous réserve qu’elle ne provoque pas aussi un débordement en un point du coursier dans une zone dangereuse pour le remblai. Pour un barrage poids, la crue de sûreté correspond aussi à la crête de la partie non déversante. Pour un barrage à noyau, la crue de sûreté sera obtenue lorsque la retenue atteint non pas la crête du barrage, mais la crête du noyau. H2 V < 5 5 à 30 30 à 100 100 à 700 > 700 Période de retour 100 500 1 000 5 000 10 000 en années (crue) (centennale) (cinqcentennale) (millennale) (cinqmillennale) (décamillennale) Tableau 1 - Période de retour minimale pour la crue de projet d’un barrage en terre, compte non tenu de la vulnérabilité à l’aval ; (H : hauteur du barrage en m ; V : volume de la retenue en hm3) LA MÉTHODE DU GRADEX1 Cette méthode statistique, développée par EDF , est d’emploi courant en France. Son suc- cès est en particulier lié à sa (relative) facilité de mise en œuvre, qui résulte de la simplifi- cation extrême du processus de transformation de la pluie en débit. 1. Voir Bibliographie, p. 36, notes 5, 7 et 11. P rédétermination de la crue de projet 26 HYPOTHÈSES DE LA MÉTHODE DU GRADEX La pluie est considérée globalement sur une certaine durée, égale à la durée moyenne des hydrogrammes. Les lois de probabilité des précipitations de différentes durées sont à décroissance expo- nentielle simple. Le paramètre descripteur privilégié découle de la connaissance de l’écart type de la série des valeurs maximales des précipitations. Il est appelé Gradient Exponen- tiel, GRADEX. La loi de GUMBEL est souvent retenue. Sa fonction de répartition s’écrit : F(P) = EXP (-EXP (-(P-Po)/a) Le GRADEX (a) peut être obtenu par la méthode des moments. Il est dans ce cas égal à 0,78 fois l’écart-type. a est bien sûr fonction de la durée de précipitation considérée. Remarques : Lorsque P ➔ ∞, F (P) ➔ 1 - EXP (-(P-Po)/a) et le logarithme néperien de la période de retour T = (1/(1 - F (P)) est égal à (P - Po) /a. Les hauteurs de précipi- tations varient linéairement avec le logarithme de la période de retour, la pente (a) de cette droite étant égale au GRADEX. Si P1 000 et P100 désignent respectivement les hauteurs de précipitations de périodes de retour 1 000 et 100 ans, alors : P1 000 - P100 = a (ln1 000 - ln 100) = 2,3 a (ln désignant le logarithme néperien). À partir d’un certain état de saturation du bassin versant, tout accroissement de pluie génère un accroissement égal du volume écoulé dans le même laps de temps. En première approximation, cet état est atteint pour des périodes de retour de l’ordre de 10 ans (bassins imperméables, à faible rétention), à 50 ans (bassins perméables, à forte rétention). La loi des volumes écoulés est simplement obtenue par la loi des hauteurs de précipitation translatée au point de période de retour 10 ou 50 ans. Une interprétation physique de ce processus peut découler de l’observation du graphique de variation des volumes écoulés en fonction des hauteurs de précipitations (voir fig. 1, p. 35). La rétention du bassin versant est schématisée par le décalage entre la bissectrice (pluie = volume écoulé) et uploads/Litterature/ determination-crue-projet.pdf
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- Publié le Aoû 24, 2022
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