LES APPRENANTS DE FRANÇAIS FACE AUX NORMES DE PRONONCIATION : QUELLE(S) ENTRÉE(

LES APPRENANTS DE FRANÇAIS FACE AUX NORMES DE PRONONCIATION : QUELLE(S) ENTRÉE(S) POUR QUELLE(S) SORTIE(S) ? Sylvain Detey et Isabelle Racine Pub. linguistiques | Revue française de linguistique appliquée 2012/1 - Vol. XVII pages 81 à 96 ISSN 1386-1204 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2012-1-page-81.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Detey Sylvain et Racine Isabelle, « Les apprenants de français face aux normes de prononciation : quelle(s) entrée(s) pour quelle(s) sortie(s) ? », Revue française de linguistique appliquée, 2012/1 Vol. XVII, p. 81-96. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Pub. linguistiques. © Pub. linguistiques. 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Nous reprenons ensuite la problématique des ‘erreurs’ et des ‘accents’ chez les non-natifs afin de souligner la nécessité d’études à grande échelle semblables à celles entreprises auprès de natifs. Nous introduisons ainsi le projet InterPhonologie du français contemporain, qui interroge la notion de norme non native, tant dans une perspective théorique qu’applicative. Abstract: In the field of French language education, the developments of corpus linguistics have spurred a reassessment of the importance of pedagogical norms and linguistic variation in teaching curricula. In this article, we focus on the phonetic-phonological dimension of the teaching/learning process and, after a short glance at pronunciation models in French, we examine the impact of sociolinguistic descriptions of varieties of French on pronunciation education. Referring to the notions of ‘errors’ and ‘accents’ among non-native speakers, we point out the need for broad and systematic corpus-based studies, comparable with native databases. Finally, we introduce the InterPhonologie du français contemporain project and look at the notion of non-native norms, both from theoretical and applied perspectives. Mots clés : apprentissage des langues étrangères, prononciation, corpus oraux, variétés linguistiques Keywords: foreign language learning, pronunciation, oral corpora, language varieties 1. Introduction1 Au cours des dernières années, l’accroissement des capacités de stockage et de traitement des données numériques a ouvert la voie à la normalisation de la constitution de larges bases de données orales transcrites, alignées et annotées, lesquelles permettent de revisiter, sur une base empirique étendue, certains modèles et analyses linguistiques hérités de la tradition (Durand 2009). Dans le cadre de la didactique du français langue étrangère (ci-après FLE), ces développements ont contribué au renouvellement de la réflexion sur les normes pédagogiques (Detey 2010) et sur la place à accorder à la variation dans les programmes d’enseignement (Detey & al. 2011). Les réponses aux questions « Quel français – natif – 1 Les travaux présentés dans cet article ont bénéficié du soutien de la Société Japonaise pour la Promotion de la Science (JSPS) (Grant-in-Aid for Scientific Research B n°23320121 – S. Detey) et du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) (n°100012_132144/1 – I. Racine). Nous tenons en outre à remercier Jacques Durand, Takeki Kamiyama, Yuji Kawaguchi, Chantal Lyche, Françoise Zay ainsi que tous les collègues des projets PFC et IPFC. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Rouen - - 190.206.149.121 - 12/01/2014 17h29. © Pub. linguistiques Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Rouen - - 190.206.149.121 - 12/01/2014 17h29. © Pub. linguistiques 82 Sylvain Detey & Isabelle Racine enseigner ? » et « Quel français – non natif – accepter ? » semblent aujourd’hui davantage plurielles qu’elles ne l’étaient auparavant. Dans cet article, nous explorons cette problématique en deux temps, en nous focalisant sur la dimension phonético-phonologique de l’enseignement/apprentissage du FLE. Dans un premier temps, après un bref regard historique sur les modèles de prononciation en français, nous nous penchons sur l’impact du développement des descriptions sociolinguistiques sur la valorisation des variétés en didactique. Dans un second temps, nous puisons dans la problématique ancienne des « erreurs » et des « accents » chez les locuteurs non-natifs, à l’aune des travaux récents en dialectologie perceptive, afin de souligner la nécessité d’études empiriques à grande échelle semblables à celles entreprises ces dernières années auprès de natifs, comme, par exemple, dans le projet Phonologie du Français Contemporain (ci-après PFC, Durand & al. 2009). Nous introduisons ainsi le projet InterPhonologie du français contemporain (IPFC) (Detey & Kawaguchi 2008 ; Racine & al. 2012), dont le protocole d’enquête nous conduit à aborder des questions méthodologiques sensibles aux normes d’usage. Nous présentons ensuite certains des premiers résultats issus du projet (voyelles nasales, /y-u/) qui nous conduisent à interroger la notion de norme non-native, tant dans une perspective théorique qu’applicative. En conclusion, nous soulignons à quel point les développements en phonologie de corpus et en sociophonétique qui ont eu lieu auprès de populations dites natives conduisent à réinterroger, sinon le statut, du moins les frontières entre natifs et non-natifs, encourageant des développements similaires auprès des locuteurs non-natifs. 2. Quelle(s) norme(s) pour l’enseignement de la prononciation du français langue étrangère : variation, contextualisation et input pédagogique A l’heure où, en didactique du FLE, les curricula s’efforcent de prendre appui sur le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (Conseil de l’Europe 2001 ; ci-après CECR), et où, dans le même temps, des arguments en faveur d’une « dénativisation » de l’enseignement sont mis en avant par certains didacticiens (Coste 2004 ; Dervin & Badrinathan 2011), on peut s’interroger sur la manière dont ce double mouvement, l’un d’harmonisation, l’autre de diversification, peut, ou doit, affecter l’enseignement d’une composante, parfois négligée par certains, des habiletés communicatives, à savoir la composante phonético-phonologique. La perspective variationniste dans laquelle nous engage toute démarche de contextualisation des contenus d’enseignement sélectionnés conduit en effet à revisiter la notion de « norme » dans l’enseignement/apprentissage de la prononciation. Nous examinons cette question en rappelant brièvement certains des développements qui ont eu lieu au cours du siècle dernier dans les descriptions phonético-phonologiques du français parlé, lesquelles doivent être prises comme socles de conception des modèles pédagogiques. Il convient enfin de garder à l’esprit que l’enseignement de la prononciation comporte deux facettes, interdépendantes mais non symétriques, celle de la perception et celle de la production. 2.1. Bref regard rétrospectif : quel modèle de prononciation en français ? Si l’on décide de laisser de côté les différents ouvrages historiques, traités de versification et de diction française des siècles passés, on peut saisir comme premier modèle in vivo de prononciation française les enregistrements effectués par Ferdinand Brunot, fondateur des Archives de la Parole (Cordereix 2005). Suivant les traces de Thomas Edison (Figuier 1891), Brunot tenait à conserver, comme modèle pour les générations futures, « la parole au timbre Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Rouen - - 190.206.149.121 - 12/01/2014 17h29. © Pub. linguistiques Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Rouen - - 190.206.149.121 - 12/01/2014 17h29. © Pub. linguistiques Les apprenants de français face aux normes de prononciation 83 juste, au rythme impeccable, à l’accent pur2 » de personnages illustres. Or, depuis 1910, on sait bien que les qualificatifs employés à l’époque par Brunot ne relèvent que d’une évaluation esthétique (a minima) plus ou moins arbitraire et plus ou moins partagée par ses pairs, et qu’ils ne suffiraient plus aujourd’hui à définir ce que devrait être un « modèle » de prononciation pour les apprenants de FLE. Par-delà les ouvrages d’orthoépie et les dictionnaires de prononciation de référence, on doit reconnaître que ce sont bien souvent les « manuels » employés en classe qui, de facto, imposent leur norme comme modèle à suivre, parallèlement au modèle incarné par l’enseignant. Il en est d’ailleurs de même de l’enseignement de la prononciation dans son ensemble, qui est généralement tributaire des options méthodologiques suivies par la « méthode », en termes d’activités proposées dans les supports. Borrell et Billières (1989), passant en revue différentes méthodes de FLE, catégorisent ainsi les contenus employés dans une distinction tripartite établie chronologiquement entre « français parisien cultivé », « français uploads/Litterature/ detey-et-racine-2012.pdf

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