Exemple de dissertation sur Gargantua : le roman Gargantua est-il une pure œuvr
Exemple de dissertation sur Gargantua : le roman Gargantua est-il une pure œuvre de fantaisie ? Le genre du roman, qui se développe à l’époque médiévale, s’est d’abord caractérisé par la fantaisie de son univers imaginaire. Gargantua de Rabelais se situe dans le prolongement de cette tradition des romans de chevalerie, tout en y insérant des personnages de géants, issus du folklore populaire. On peut donc se demander : le roman Gargantua est-il une pure œuvre de fantaisie ? On peut définir la fantaisie par la liberté de l’imagination et le décollement de la réalité. La fantaisie renvoie à une forme de création qui ne s’impose aucune limite ni règle. Elle est également liée au goût du jeu, à un exercice ludique de l’écriture. Même si ces composantes sont présentes dans Gargantua, il n’empêche que cet ouvrage est écrit par un grand représentant du mouvement intellectuel de l’humanisme. L’ouvre revendique donc une visée sérieuse et s’inscrit dans une réflexion sur l’Homme. Comment le roman de Rabelais concilie-t-il goût de la fantaisie et enjeux philosophiques ? Nous verrons d’abord en quoi Gargantua est indéniablement une œuvre de fantaisie, mais nous montrerons ensuite que cela n’exclut pas le traitement de sujets sérieux. Enfin, nous étudierons, dans une troisième partie, comment le sérieux et la fantaisie peuvent s’imbriquer. L’œuvre se caractérise d’abord par sa fantaisie narrative. Le roman Gargantua relève du merveilleux, en mettant en scène et en faisant coexister des personnages de nature différentes, hommes ordinaires et géants. Gargantua constitue bien une œuvre de divertissement, racontant les aventures d’un héros. L’ouvrage reprend ainsi le schéma d’un roman de chevalerie, en racontant l’enfance extraordinaire et les exploits d’un personnage hors normes. La naissance de Gargantua se place d’emblée sous le signe de l’extraordinaire, puisque le nourrisson est immédiatement doté de la parole. La liberté de l’imagination se déploie d’emblée dans le traitement des personnages. Rabelais met, en effet, l’accent sur le gigantisme, dont il tire toute sorte d’effet. Il peut ainsi jouer sur les échelles de grandeur et créer des disproportions cocasses : l’urine de Gargantua devient un torrent dévastateur qui noie les Parisiens, les boulets dans les cheveux du héros sont pris pour des grains de raisin. Les procédés de grandissement et d’accumulation font enfin partie de la fantaisie narrative. Rabelais procède à un grossissement de toutes les dimensions et donne à ses géants un appétit démesuré. Il donne dès le début tous les chiffres, par exemple des vaches que l’on fait venir, montrant l’ampleur des ressources nécessaires pour nourrir le gigantesque nourrisson. Rabelais laisse libre cours au règne de la fantaisie comique. L’auteur développe tout un imaginaire grotesque centré sur le bas corporel. Lors de la naissance de Gargantua, la débauche alimentaire et les détails scatologiques se mêlent joyeusement. La fantaisie comique repose alors sur un traitement ludique de l’obscénité, qui est mise sous les yeux du lecteur. L’entourage incompétent confond le bébé avec tout ce qui sort par « le fondement ». Rabelais invente toute une épopée burlesque et fantaisiste où Gargantua parcourt l’intérieur du corps avant de sortir par l’oreille. L’épisode du torche-cul est également emblématique de cette tonalité. Rabelais y déploie toutes les ressources de la fantaisie verbale par le biais de l’accumulation à l’infini et du recours à des mots savants. Le ludisme de Rabelais repose enfin sur tous les jeux parodiques et l’usage du burlesque : l’auteur crée un décalage complet entre l’image d’un exploit héroïque et la réalité triviale dont il est question. Le comique laisse cependant de plus en plus place dans l’œuvre à de grands thèmes de la pensée humaniste. Rabelais s’attache d’abord à présenter dans son ouvrage un programme d’éducation humaniste. L’idéal encyclopédique que prône ce mouvement est présent à travers la multitude des disciplines enseignées et la lecture d’auteurs variés. Le chapitre consacré à l’éducation de notre héros illustre ainsi le développement au XVIè siècle de la philologie, c’est-à-dire de l’étude des textes antiques. A cette érudition se joint un goût pour l’observation concrète. La formation se fait toujours au contact du monde extérieur et prend place de manière harmonieuse au cœur des activités quotidiennes. Gargantua s’instruit par exemple à partir de tous les aliments présents sur sa table. Un autre point important de cet idéal péda gogique est l’autonomie du jugement individuel. Le travail de la mémoire est toujours présent, mais il ne s’agit pas d’un apprentissage purement mécanique, il doit s’accompagner de l’exercice d’un esprit critique et doit être réinvesti dans la conversation. Nous retrouvons dans la journée-type de Gargantua le désir de former un homme complet, fondé sur le développement harmonieux et parallèle du corps et de l’esprit. La fantaisie comique fondée sur le bas corporel est alors en net recul. L’obscénité scatologique disparaît au profit d’un euphémisme élégant : « les lieux d’aisance ». Enfin cet idéal de formation est parachevé par l’observation du ciel et la ferveur religieuse. Une harmonie parfaite se crée ainsi, selon les principes humanistes, entre le microcosme ( l’être humain ) et le macrocosme ( l’univers ). Le roman développe toute une réflexion sur la pratique de la guerre et l’exercice du pouvoir. Rabelais oppose ainsi deux personnages de monarque. Le personnage de Picrochole incarne ainsi la figure du tyran, du mauvais roi dominé par ses caprices et ses passions. Son nom renvoie également à toute une théorie médicale de la diskrasie, du déséquilibre des humeurs, qui explique son caractère. Contre les ambitions impérialistes de Picrochole, Rabelais valorise une éthique humaniste de la mesure. Par contraste avec Picrochole, Grandgousier incarne la figure du bon roi, du souverain éclairé soucieux du bonheur de ses sujets et respectueux des commandements divans. Le père de Gargantua correspond donc à l’idéal du roi-philosophe développé par Platon dans l’Antiquité. A travers ces deux figures opposées, Rabelais prône une théorie de la guerre juste, uniquement défensive Aussi bien Grandgousier que Gargantua pratiquent la vertu royale de la clémence et le principe évangélique de pardon des offenses. Malgré cette visée argumentative, la fantaisie reste une des composantes majeures de l’œuvre et peut servir ses ambitions humanistes. La fantaisie peut être dotée d’une valeur argumentative. Ainsi l’obsession du bas corporel, finit par prendre une dimension satirique. Elle permet de ridiculiser l’éducation scolastique que reçoit Gargantua et qui le maintient, pour ainsi dire, au stade anal. L’existence de Gargantua est alors entièrement tournée vers des activités prosaïques et des besoins primaires, ce qui témoigne de l’effet abrutissant de cette éducation médiévale. La fantaisie verbale qui caractérise l’univers rabelaisien peut aussi être mise au service de la satire. Le discours de Maître Janotus pour récupérer les cloches en est un exemple emblématique. Rabelais nous montre alors une perversion du raisonnement logique dans une rhétorique qui tourne à l’absurde. Il peut, de ce fait, tourner en ridicule le milieu de la Sorbonne. Le comique de la démesure et de la disproportion, lié au gigantisme, peut également avoir une visée critique. L’épisode des pèlerins mangés en salade par Gargantua permet ainsi de tourner en dérision les religieux. Enfin, la fantaisie de la fiction peut aussi être au service de l’éloge et de l’idéal. L’imaginaire utopique qui se déploie dans les chapitres sur l’abbaye de Thélème, permet de donner à voir un modèle d’accomplissement humain. La fantaisie rabelaisienne témoigne d’un nouveau rapport au monde et d’une vision renouvelée de l’être humain. La nouvelle vision de l’Homme que propose Rabelais suppose une réhabilitation du rire et du corps. L’auteur fait ainsi du rire le trait définitoire de la condition humaine, dans une formule célèbre : « Rire est le propre de l’Homme ». Le protocole de lecture que met en place Rabelais dans le prologue montre parfaitement l’imbrication du ludique et du sérieux. Les apparences de la fantaisie bouffonne permettent d’atteindre une forme de vérité pour les lecteurs avertis. Ce rire indique également un nouveau rapport au monde, car il est doté d’une valeur carnavalesque. Il permet ainsi de transgresser les interdits de manière jubilatoire. Rabelais introduit donc une nouvelle relation au corps et aux fonctions organiques. Le mouvement humaniste prend, en effet, en compte l’intégralité de l’être humain, à la fois âme et corps. Cette réhabilitation du corps dans toutes ses dimensions s’oppose à l’ascétisme chrétien et à son refus de tous les plaisirs corporels. Rabelais revendique, au contraire, un certain hédonisme, en créant avec ses lecteurs une communauté de bons buveurs. L’humanisme rabelaisien est donc présent sur un mode joyeux et entremêle rire et savoir. L’épisode du torche-cul est ainsi marqué par une liste de mots érudits ( = savants) qui témoigne du désir de savoir universel des humanistes. La bouffonnerie scatologique devient ici l’occasion de faire un inventaire du monde qui rappelle l’idéal encyclopédique. Rabelais unit ainsi la liberté fantaisiste du créateur et le savoir humaniste. La fiction dans Gargantua se déploie sur le mode de la fantaisie et de la démesure, grâce à des personnages de géants qui permettent toute sorte d’effets comiques. L’écriture de Rabelais nous transporte dans un monde éloigné de la réalité et relevant du registre merveilleux. Gargantua fait uploads/Litterature/ dissert-gargantua.pdf
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- Publié le Mar 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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