DISSERTATION « Le roman doit-il accorder la priorité à la représentation du rée
DISSERTATION « Le roman doit-il accorder la priorité à la représentation du réel ou tout au contraire privilégier l'invention imaginaire ? » Dans un développement structuré et solidement argumenté, vous tenterez de répondre à cette question en vous appuyant sur les œuvres étudiées en classe et sur vos lectures personnelles. Reformulation du sujet : le roman doit-il décrire fidèlement la réalité ou privilégier l'imagination ? I. LE ROMAN RELEVE DU CONCRET - Le roman, un genre bâtard, sans autres limites, sans autres frontières que son infinie liberté - Bâtardise liée à ses origines et sa généalogie incertaines, à une identité floue : Aristote [- 384-322 avant notre ère] distingue l'épique, le lyrique et le dramatique (fiction narrative ou épopée opposée à la poésie et au théâtre (diégésis vs mimésis : mode de représentation indirect pour le roman, opposé à l'imitation directe au théâtre) - Les premiers romans (XII° siècle) sont des fictions amoureuses écrites en prose pour le divertissement du lecteur mais aussi pour son instruction - Le roman peut tout s'approprier, tout annexer (critères formels, critères thématiques pour caractériser le genre romanesque) - Roman par lettres ou roman épistolaire, roman-journal, roman biographique, roman historique roman fleuve, roman d'aventure, roman de formation, d'apprentissage, roman poétique, roman-dialogue ; roman passif ou actif, roman d'adolescence, roman de jeunesse, roman de caserne : le roman peut s'approprier tous les domaines du savoir et de la connaissance - Narration et digressions à vocation didactique : Les Misérables de Victor Hugo [1802-1885] dans le domaine de l'architecture, de l'histoire religieuse ; dans Carmen de Prosper Mérimée [1803-1870] sur la vie des tziganes ; récits enchâssés dans Don Quichotte de Cervantes [1547- 1616], les digressions philosophiques de Proust [1871-1922] sur l'amitié, - Le romancier, historien des mœurs : la société moderne, selon Balzac [1799-1850], a nivelé les conditions sociales ; il englobe aussi toutes les langues (argot, provincialismes, vernaculaire chez Hugo, chez Louis Ferdinand Auguste Destouches [1894-1961], dit Céline, notamment dans son « Voyage au bout de la nuit » publié en 1932 - Le roman historique comme « Les Dieux ont soif » (1912) de l'Académicien et prix Nobel Anatole France [1844-1924], œuvre de fiction et en même temps vision historique du régime de la T erreur, le titre est d'ailleurs emprunté à un discours de Camille Desmoulins... - Le dialogisme caractérise le roman : le langage romanesque est discours, parole ; le roman est plurivocal (voix du narrateur, des personnages : voir Rabelais (mort en 1553), Manhattan T ransfer roman polyphonique écrit en 1925 par Dos Passos [1896-1970], le roman Berlin Alexander Platz écrit en 1929 par Alfred Döblin [1878-1957] - enterré avec sa femme et son fils à Housseras dans les Vosges - ; le discours scientifique chez Jules Verne [1828-1905] - Au XIX° siècle, le roman tend à s'identifier au réalisme : étude littéraire et enquête sociale sur le monde (frères Goncourt), fin du XIX° siècle ; l'écrivain rival de l'historien chez Balzac ; l'ambition de connaissance passe par une description complète de la société ; expérimentation et observation scientifique des faits sociaux dans les Rougon-Macquart ; la science chez Zola [1840-1902] est un imaginaire fondamental de la représentation romanesque ; le roman a pour souci une compréhension complète du réel, de la réalité concrète ... II. LE ROMAN : LE GENRE DE LA SIGNIFICATION OBLIQUE - L'imagination est la représentation mentale d'objets non présents, qui ne sont pas réels, concrets ; elle correspond à une activité mentale qui fabrique des images (la fonction imageante) ; capacité de l'entendement humain qui consiste à se représenter mentalement des objets absents par opposition à la réalité matérielle qui a une existence concrète (on parle des illusions, des apparences ou des fictions de l'imagination) - Sans l'imagination, le roman se réduirait à un simple mémoire, à un compte rendu, à un écrit historique : l'imagination ne s'oppose pas au réel, elle permet de se représenter la réalité d'une autre manière ; elle n'est pas incompatible avec la fidélité au réel ; il n'existe pas, de ce point de vue, une opposition ou une contradiction entre le moyen (l'imagination) et le but fixé (se représenter le réel) - Le genre romanesque prend sa source d'ailleurs dans un exercice de l'imagination : pas de fiction romanesque sans débordement de la représentation (Madame Bovary, 1857, de Gustave Flaubert né en 1821 et mort en 1880) ; - Les romans d'aventures merveilleuses, les romans psychologiques ou d'analyse, les romans picaresques, les romans utopiques font partie de la littérature d'imagination. Le roman bucolique ou exotique, à l'image de celui de Bernardin de Saint-Pierre [1737-1814] : Paul et Virginie met en œuvre une esthétisation des lieux (évocation des lataniers, des tamarins, des dattiers, papayers et lilas de Perse) qui imprègne l'imagination du lecteur. Il suffit de s'attacher à la frénésie toponymique de l'auteur qui évoque le monde édénique de l'île de La Réunion. Le roman de cape et d'épée se nourrit souvent de la représentation imaginaire dans la mesure où il donne accès à une dimension héroïque, presque sublimée de l'existence : Alexandre Dumas, dans « Les Trois Mousquetaires » (roman publié en 1844 dans le journal Le Siècle, roman des aventures de Porthos, Athos, Aramis et d'Artagnan), dans « Le Comte de Monte Cristo » (publié dans le Journal des débats en août 1844), dans « La Reine Margot » (publié dans La Presse à partir de 1844 également) ; son documentaliste (Auguste Maquet) lui fournissait une douzaine de feuillets qui lui permettaient d'écrire un roman entier (cf publication récente « Dumas et les Mousquetaires, histoire d'un chef d'œuvre » , de Simone Bertière, aux éditions de Fallois , 302 pages). - Le roman policier, au croisement du roman feuilleton ; du roman noir ou de la gueuserie, du thriller et du récit judiciaire fait appel bien souvent à l'imagination : Arsène Lupin, de Paul Féval (1816-1887), « Rouletabille » - personnage de roman policier créé par l'écrivain Gaston Leroux [1868-1927] dans son œuvre « Le Mystère de la chambre jaune » publié en 1907- , « L'affaire Lerouge » en 1866 d'Emile Gaboriau [1832-1873], et bien sûr Ponson du T errail (1829-1871), l'auteur des célèbres « Mystères de Paris » - Les énigmes policières d'Edgar Poe [1809-1849], d'Arthur Conan Doyle [1859-1930], auteur du roman « The Hound of the Baskerville » (Le Chien des Baskerville, publié en 1902), les personnages de Hercule Poirot (Agatha Christie, romancière née en 1890 et morte en 1976), « Le commissaire Maigret » de Georges Simenon [1903-1989], les nombreux récits des aventures de François Vidocq [1775-1857], ancien bagnard devenu chef de la Sûreté ou de l'assassin Pierre François Lacenaire [1800-1836] : lire « La naissance du roman policier français du Second Empire à la première guerre mondiale » de Elsa de Lavergne – classiques Garnier – 414 pages - Le genre fantastique permet très souvent des échappées fantasmatiques hors des lois du réel : il intègre des éléments surnaturels dans les descriptions les plus réalistes, les plus ordinaires ; la leçon philosophique à tirer de ce genre littéraire ne résulte pas forcément d'une représentation du réel ; les romans de Jules Verne [1828-1905] qui savent si bien mêler l'aventure, la science-fiction, le fantastique, notamment « Cinq semaines en ballon » (1863), « Voyage au Centre de la T erre » (1864), « De la T erre à la Lune » (1865), « Vingt mille lieues sous les mers » (1870), « Michel Strogoff » (1876), « Les Indes Noires » (1877) • l'imaginaire fait sa place au rêve, au désir, au fantasme, pour mieux ouvrir à la réflexion philosophique : les œuvres de Donatien Alphonse François, marquis de Sade (1740-1814), auteur de « Justine ou les Malheurs de la vertu » (1791), de « La Philosophie dans le boudoir »(1795), « Les Cent Vingt Journées de Sodome »... • bien des romanciers ont inspiré le cinéma : citons par exemple Roald Dahl [1916-1990], qui écrivit « The Gremlins » en 1942 (film américain de Joe Dante en 1984) « My Uncle Oswald » en 1979 ; dans « L'invité » (« The great switcheroo » , 1974), par exemple, l'auteur mêle l'horreur, l'insolite, l'humour noir, le fantastique, la bizarrerie, pour mieux ensorceler le lecteur... CONCLUSION La question des frontières entre la vie réelle et la pure fiction n'est pas si anodine qu'on pourrait le croire : il suffit de se reporter aux polémiques littéraires de l'été 2007, qui ont ébranlé le monde des éditeurs. Camille Laurens, auteur d'un roman autobiographique qui raconte la mort de son enfant (« Philippe », aux éditions POL) a accusé un auteur à succès, Marie Darrieussecq, de plagiat. La romancière Marie Darrieussecq avait écrit une autofiction, un récit totalement fictif sur la mort d'un bébé (roman intitulé « T om est mort »). Peut-on écrire ce que l'on n'a pas vécu, ou éprouvé ? Ou en reformulant les choses : peut-on parler des chevaux sans être un cheval ? Le genre romanesque dépend en fait du choix esthétique de uploads/Litterature/ dissertation-le-roman-doit-il-accorder-la-priorite-a-la-representation-du-reel-ou-tout-au-contraire-privilegier-l-x27-invention-imaginaire 1 .pdf
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- Publié le Jul 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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