La poésie fait partie de la classification des sept arts établie par le philoso
La poésie fait partie de la classification des sept arts établie par le philosophe Etienne Souriau en 1969. Reconnue, elle est souvent qualifiée de moderne ou de traditionnelle. Parmi ses fameux auteurs, Guillaume Apollinaire se démarque pour sa vision nouvelle de cette dernière. Il veut, en effet, “machiner la poésie, comme on a machiné le monde”, c’est-à-dire qu’il souhaite moderniser sa poésie. Son recueil Alcools, publié en 1913, réunit 71 poèmes lyriques s’inscrivant dans la modernité poétique. Apollinaire se passe de certaines règles dites traditionnelles. Seulement, une poésie pour être moderne doit-elle toujours s’opposer au passé et à la tradition ? Le passé ne joue-t-il aucun rôle dans l’innovation ? L’analyse portera, successivement, sur la rupture entre modernité et tradition, puis, sur le rôle de l’héritage poétique. L’expression de la modernité s’exprime via des innovations formelles, des surprises esthétiques ou l’apparition de nouvelles thématiques. En effet, les innovations poétiques sont des caractéristiques majeures de la modernité poétique. Le renouveau de la forme versifiée comme le vers libre ou l’hétérométrie fait son apparition. Émile Verhaeren va notamment utiliser l'hétérométrie dans son poème Les Villes tentaculaires écrit en 1893. Ce procédé va lui permettre de mettre en exergue certains vers et d'insister sur ses dissyllabes “Debout”. Il va, par la forme, donner une verticalité à son texte tant par les mots que par la forme. Ensuite, à l'instar d’Aloysius Bertrand, Charles Baudelaire sort totalement de la versification pour se diriger vers la prose. Son recueil, Le Spleen de Paris, est composé de 50 petits poèmes en prose. Il se libère ainsi de toute règle poétique. Enfin, certains auteurs comme Blaise Cendrars au Guillaume Apollinaire décident de supprimer totalement la ponctuation de certains de leurs poèmes. Apollinaire, dans son texte Marie, laisse le lecteur cocréer le poème. Même si des points d'interrogation sont sous-entendus, ils ne sont pas explicites. Le lecteur peut donc faire sa propre interprétation et être actif tout au long de sa lecture. Cependant, l’aponctuation peut brouiller le lecteur. En effet, les premiers vers du poème Le pont de Mirabeau sont : “Sous le pont de Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne”. L'absence de ponctuation donne la possibilité de lire le vers un avec le vers deux ou le vers deux avec le vers trois. Outre la confusion dans l'esprit du lecteur, l'absence de ponctuation permet l'éclatement des formes. Elle fut notamment utilisée lors de l'apogée des peintures cubistes, la poésie retranscrivant la peinture. Tous ces éléments formels rompent avec la tradition mais les poètes optent aussi pour une langue nouvelle. Effectivement, la modernité se traduit également par des surprises esthétiques. Les poètes vont ainsi chercher à dérouter le lecteur en mélangeant, par exemple, des niveaux de langue. Guillaume Apollinaire est friand de ce procédé. Il l’utilise notamment dans La réponse des Cosaques Zaporogues au sultan de Constantinople à travers cette phrase : “Ta mère fit un pet foireux et tu naquis de sa colique”. Il crée une surprise pouvant interpeller et amuser le lecteur. Combiné à l’utilisation de termes apoétiques comme “foireux”, Apollinaire casse les codes traditionnels en coupant le chant lyrique de sa poésie. Le poète ne se laisse plus nenfermer dans le carcan des mots dits poétiques mais s’en libère pour imposer ses propres règles. De surcroît, l’auteur peut attirer l’attention du lecteur grâce à des images étonnantes. Amoureux des surprises esthétiques, Apollinaire en joue. Son poème, intitulé Merlin et la vieille femme, présente une comparaison: “Les nuages coulaient comme un flux menstruel”. Cette représentation peut choquer certains lecteurs attachés au caractère intimiste des règles. Outre la surprise, cette image incongrue s’implante dans le cerveau des lecteurs de par sa nouveauté et son originalité. L’esthétisme poétique peut donc effacer les règles traditionnelles grâce à la liberté que prennent certains auteurs. Finalement, la rupture peut aussi se transcrire via de nouvelles thématiques. En effet, l’évocation de la ville et en particulier de son industrialisation est un sujet phare de la poésie moderne. Chaque époque apporte son lot de modernité comme des avancées techniques. Par conséquent, l’industrialisation est résolument moderne pour les poètes car inédit dans l’histoire. Ce fut le cas de Blaise Cendrars qui fit l'éloge de la ville de Paris dans son poème de la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France. Mêlé à l’hétérométrie, ce poème rompt avec les codes traditionnels. Blaise Cendrars va, pour le thème de la ville, jusqu’à personnifier Paris. Ce thème est donc au cœur du poème. Outre la ville, la précarité sociale fait son apparition dans la poésie moderne. Les poètes vont, pour certains, mettre en lumière les fractures sociales du monde contemporain. Charles Baudelaire écrivit beaucoup autour de cette thématique. Le poème en prose Le Joujou du pauvre en est un parfait exemple. En effet, deux enfants, dont la classe sociale sépare, s’amusent à torturer un rat. Égaux dans la cruauté mais différents d’un point de vue sociologique, ces enfants symbolisent l’unité malgré la précarité sociale de l’un d’entre eux. Baudelaire se fait donc poète moraliste grâce à des thèmes nouveaux qui disloquent les conventions. Ainsi, les innovations formelles et les surprises esthétiques mélangées à de nouveaux thèmes confirment que la modernité marque une rupture avec la poésie traditionnelle. Toutefois, le passé joue un rôle dans l’écriture contemporaine. Le passé constitue un héritage poétique pour les nouveaux poètes. Les topoï ou les figures mystiques sont repris par ces auteurs et réécrits de façon inédite. D'une part, le topos de la femme, être sensible et sublime, est renversé. Les poètes modernes vont mettre en lumière les parts d’ombre qui s’y cachent. L’un d’entre eux est Charles Baudelaire qui exposa, dans son poème Les yeux des pauvres, une image dégradée de la femme. En effet, il qualifie la femme aimée du “plus bel exemple d’imperméabilité féminine”. L’insensibilité s’exprime également lorsqu’elle fait part de son mépris et dédain pour des pauvres qui regardaient le café avec des étoiles dans les yeux. Baudelaire va donc mettre en doute ses sentiments amoureux envers cette femme. Il met en garde le lecteur sur la dangerosité féminine. De même, parmi le topos de la femme se trouve celui de le femme-fleur. Les femmes étaient traditionnellement associées à la rose, anagramme d'éros, dieu de l'amour dans la mythologie grecque. Guillaume Apollinaire n’associe guère la femme à une rose mais à un colchique, une plante vénéneuse. Un poème du recueil Alcools porte ce nom : Les colchiques. Dedans, la femme aimée, Annie Playden, possède un côté monstrueux, mortifère. Apollinaire renverse indéniablement ce topos en apportant sa vision presque inédite de la femme-fleur. La femme n’est plus seulement porteuse d’amour mais également véhicule une mélancolie qui empoisonne peu à peu le poète. D'autre part, les topoï de la fuite du temps et de sa souffrance inhérente sont revisités par de nombreuses personnes dont Raymond Queneau ou Guillaume Apollinaire. Ce dernier possède une vision bien opposée à celle de Pierre de Ronsard. En effet, Ronsard considérait que le temps effaçait la souffrance, notamment amoureuse. A contrario, Apollinaire, dans son poème Le Pont de Mirabeau, compare le temps qui passe à l'eau de la Seine. Ainsi, la souffrance est pérenne, le débit (de la peine) varie en fonction des aléas de la vie. Cependant, l'eau, représentante de la souffrance, ne part jamais car la Seine n'est jamais à sec quelque soit le temps écoulé. Apollinaire porte donc un regard différent sur ces topoï et les modernise en laissant parler son cœur en peine. En outre, le temps qui passe se traduit aussi par la vieillesse. Charles Baudelaire dans le Spleen de Paris et en particulier dans le poème Le désespoir de la vieille bouleverse le lecteur. En effet, il prend le point de vue d’une personne âgée pour exprimer la dureté du rejet par l’être le plus pur : un bébé. La métamorphose physique due au temps écoulé étant universelle, la souffrance liée à ce poème résonne chez le lecteur tel un ultimatum inévitable. Charles Baudelaire retranscrit ce topos en décrivant simplement une scène de la vie courante, un moyen tout à fait moderne. Enfin, la poésie moderne tire également son inspiration dans des figures mystiques. Certaines de ces figures sont devenues des antonomases avec un sens d’abord propre puis figuré. Par exemple, le poème de Baudelaire Chacun sa Chimère joue sur la polysémie du mot chimère. D’abord un être hybride, chimère signifie aussi de nos jours un désir illusoire. Baudelaire prend racine dans la dimension mythologique pour décrire et animaliser le rêve qui est un monstre invisible sur les épaules des individus. Ainsi, il apporte une vision originale mais qui découle de l’héritage culturel. Toutefois, Baudelaire ne fut pas le seul à s‘inspirer de figures légendaires. Le poète du début du XXème siècle, Guillaume Apollinaire, s’empare de nombreux mythes pour en faire des poèmes modernes. En effet, le poème Salomé est basé sur une histoire biblique : celle de la mort de Jean-Baptiste. Cependant, Apollinaire ajoute à cet événement une image étonnante : Salomé dansant dans le fenouil. Ainsi, il se revisite une uploads/Litterature/ dissertation-modernite-poetique.pdf
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- Publié le Fev 19, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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