7 Mars - Avril 2012 L’Envoi de Saint-Hyacinthe Depuis toujours, les opinions su

7 Mars - Avril 2012 L’Envoi de Saint-Hyacinthe Depuis toujours, les opinions sur Jésus varient. Pour certains de ses contemporains, il est un guérisseur, un prophète, pour d'autres, un être possédé d'un esprit mauvais ou, encore, Jean Baptiste ressuscité. La personne de Jésus provoque le questionnement. Même chez les premières générations qui ont cru en lui! À preuve, les évangélistes. Ceux-ci ont beau reconnaître Jésus comme le Christ, ils présentent différents points de vue. Cette diversité témoigne de la recherche de sens des premiers croyants. Aujourd'hui, la personne de Jésus continue de poser question. Qui est-il pour nos contemporains? Quels sont les visages de Jésus susceptibles de rejoindre ceux qui s'y intéressent? Qui est-il pour nos frères juifs et musulmans? Qui est-il pour ceux qui l'ont trouvé? Surtout, qui est-il pour vous? Qui est Jésus? Les quatre visages d’un personnage unique Par Sylvie Paquette Lessard, bibliste* Pourquoi quatre « Bonnes Nouvelles »? Pourquoi quatre évangiles? Pourquoi pas un seul qui nous ren- seignerait clairement sur cet homme de Nazareth, en qui on a reconnu le Fils de Dieu et qui a marqué notre histoire? Pour com- prendre, il faut remonter en amont des textes qui nous sont par- venus, jusqu’à l’expérience qui leur a donné naissance. Cette expérience, c’est la résurrection! Après avoir assisté à la mort de celui en qui ils et elles avaient mis leur espoir, les disciples se dispersent : les Onze retour- nent vraisemblablement en Galilée; les femmes demeurent à Jérusalem et ten- tent de retrouver le corps de Jésus afin de lui rendre les derniers hommages. Aux uns comme aux autres, le Ressuscité se manifestera. Les témoins du ministère de Jésus réaliseront alors qu’il est véritablement le Messie annoncé par les prophètes. Mais pas un Messie politique, tem- porel et triomphant qui chasserait les Romains et rétablirait la Royauté de David; plutôt, un Messie venu inaugurer un Royaume spirituel, pas encore arrivé, mais qui peut déjà poindre, à travers la parole des disciples, la vie communautaire et l’atten- tion aux plus petits. C’est ainsi que débute la prédication primi- tive : « Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures. Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. » (1 Co 15, 3b-5) Les nouveaux adhérents voudront alors mieux connaître ce Jésus qui comble les attentes. Des traditions orales s’élaboreront donc graduellement afin de « raconter Jésus » et de guider les croyants dans ce nouveau mode de vie « en Christ » qui leur est proposé. Afin d’outiller les missionnaires qui sillonnent l’Empire romain pour annoncer l’Évangile, on croit qu’il s’est constitué graduellement de petits recueils destinés à rappeler, pour certains les miracles de Jésus, pour d’autres ses enseignements, pour d’autres encore, les événements entourant sa mort et sa résurrection. C’est ainsi que l’Évangile se répandra au sein de l’Empire, à tra- vers les Pierre, Paul, Barnabas, Philippe et autres apôtres du Christ. Mais, le temps passant, les premiers témoins disparais- sent graduellement. Surgit alors la préoccupation de conserver l’enseignement, les gestes, les choix de Jésus de manière plus permanente, afin que les communautés aient des ressources fiables pour répondre à la question : « Que ferons-nous, frères? » (Ac 2, 37). Et en chaque lieu, les réponses varient légère- ment, car les problèmes qui se posent ne sont pas les mêmes. Comment être chrétien à Rome, au cœur de l’Empire? En Syrie, alors qu’on est d’origine jérusalémite et palestinienne? En Macédoine et au cœur de la culture grecque? Et à Éphèse, la grande ville de cette région, Cité de la déesse Artémis? C’est pour répondre aux questions particulières de ces milieux que plusieurs évangiles ont été rédigés et que quatre d’entre eux ont été reconnus comme particulièrement inspirés et pouvant guider la foi des croyants. C’est ce témoignage, parvenu jusqu’à nous, qui nous offre aujourd’hui quatre lectures de l’événement Jésus, quatre vi- sages, à la fois semblables et différents, de l’homme de Nazareth. Quatre portraits complémentaires qui témoignent tout autant de la personne de Jésus, que de l’expérience qu’en ont fait les chrétiennes et les chrétiens du 1er siècle. Ce sont ces différents portraits qui sont sommairement présentés ici. Sylvie Paquette-Lessard (Mc 8, 29) 8 Mars - Avril 2012 L Envoi de Saint-Hyacinthe Dossier : Et vous, qui dites-vous que je suis? Le Jésus de Marc : « Chut ! C’est un secret! » Celui-ci est le plus ancien de nos quatre évangiles, dont on peut dater la rédaction entre les années 65 et 70. Dès le début de son ouvrage, Marc en livre la clé d’interprétation : « Commencement de l’Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu » (1,1). Mais tout au long du livre, cette identité devra demeurer secrète, afin qu’on ne se méprenne pas sur le type de messianisme de Jésus, car celle-ci n’est compréhensible qu’à travers le regard de foi. C’est ainsi que les déclarations des démons (1,24; 5,7), les révélations du baptême (1,9- 11) et de la transfiguration (9,9-10), la confession de Pierre (8,29-30), doivent rester secrètes car elles ne prendront leur sens que dans la mort et la résur- rection de Jésus. Ce n’est que lors de la comparution devant le Sanhédrin (14,61-62) et, lors de la mort, par la bouche du Centurion, que la reconnaissance de ce Messie humilié devient possible : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (15,39). Marc nous présente un Jésus très humain : il aime (10,21); il a pitié des foules affamées (6,34; 8,2) ; il s’émeut et s’irrite aussitôt (1,41- 43) ; il se met en colère (3,5; 10,14). Il passe beaucoup de temps avec ses disciples, les appelant à le suivre dès le début de son ministère (1,16ss). Il demeure toujours avec eux, sauf lorsqu’il les envoie en mission (6,7-30) et lors de sa Passion. Il s’ex- aspère de leur inintelligence (4,10-13; 6,45-52; 8,14-21) ; mais en même temps il prend soin de tout leur expliquer pour que, le temps de la foi venu, ils comprennent (4,33-34). Ce Jésus selon Marc n’est pas celui des grands discours : peu sont rapportés. Il enseigne plutôt par ses actes, en faisant de nombreux miracles. L’évangéliste reste inconnu, bien que la tradition l’ait associé à Jean-Marc (Ac 12, 12.25), associé à Pierre et Paul. Il écrit à une communauté qui se situe vraisemblablement à Rome et qui est majoritairement constituée de chrétiens issus du paganisme. C’est pourquoi il expliquera certains usages juifs dans son évangile (7,1-4). C’est aussi pourquoi son Jésus fait de multiples incursions en terre païenne : l’auteur désire le présenter comme se souciant de l’annonce de l’Évangile aux non-Juifs. Écrivant après la persécution de Néron, dont bien des chrétiens ont été victimes et à laquelle la foi de certains autres n’a pas résisté, Marc insistera sur la nécessité de « prendre sa croix » afin de suivre Jésus (8,34-38). À des chrétiens qui vivent la per- sécution, on ne peut pas seulement prêcher la gloire du Ressuscité. Il faut plutôt mener sa vie, à la suite de celle de Jésus, à travers les tribulations et les souffrances. On a donc ici un Jésus bien humain, un homme concret en qui le salut de Dieu s’est manifesté : pas de récit d’enfance (comme en Matthieu et Luc), pas de préexistence (comme en Jean), mais une vie à décrypter à travers ses guérisons et ses exorcismes, témoignant d’une lutte à finir avec le mal. Le Jésus de Matthieu : Un Juif qui parle aux Juifs On ignore qui se cache derrière ce « Matthieu » à qui on attribue le premier évangile de nos bibles. Bien que de nombreux Pères l’aient identifié à Matthieu-Lévi, collecteur d’impôts et apôtre de Jésus, rien ne permet de le certifier. Tout au plus peut- on affirmer que l’auteur semble être un homme de langue grecque, un lettré juif – en témoignent les nombreuses citations de l’Ancien Testament – converti au christianisme. Le Jésus que ce « Matthieu » nous présente est très différent de celui de Marc. Son évangile, écrit dans les années 80-90, s’adresse à des judéo- chrétiens exilés de Palestine, peut-être à Antioche de Syrie. Ils ont vécu dans leur chair l’exclusion des synagogues à la suite de l’édit de Jamnia vers l’an 80. Ils vivent en monde païen et sont donc confrontés à être un « véritable Israël » avec d’autres, issus du paganisme. Le Jésus de Matthieu est d’abord un enseignant, un maître à penser. En témoignent les cinq grands discours qui scandent l’évangile et qui couvrent huit des vingt-huit chapitres de l’ou- vrage (ch. 5 – 7; 10; 13; 18; 24 – 25). L’évangéliste a choisi de rassembler plusieurs paroles, dis- cours, instructions ou paraboles de Jésus en cinq grandes unités thématiques pour bien démontrer qu’il est le Maître par excel- lence, l’interprète définitif de la volonté de Dieu. On peut établir un parallèle entre ces cinq discours et les cinq livres du Pentateuque, comme une loi nouvelle donnée par un nouveau Moïse. Matthieu uploads/Litterature/ dossier-jesus-mars-avril-2012.pdf

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