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27 27 Depuis des millénaires, le chien (Canis familiaris) a assisté l’«Homme» pour la chasse, la garde des troupeaux et du campement. Depuis peu, il partage son appartement, sa vie et ses loisirs. La domestication du chien a été un avantage déterminant pour la survie des chasseurs-cueilleurs puis des premiers agriculteurs et comme une évidence, peu à peu, pour l’équilibre de ces derniers et leur seul bien-être, dans le partage, le dialogue (non verbal) et la complicité. La diversité des talents de Canis familiaris, sa curiosité, son écoute, son besoin partagé de connexion émotionnelle avec l’«Homme» l’ont conduit à devenir notre meilleur ami. Près de 400 races de chiens ont été sélectionnées en 200 ans, des races au comportement bien typé et ce, avec une énorme hétérogénéité de taille et de tempérament…. Remerciements pour le partage bibliographique : - Merci à la canine génétique TEAM IGDR_ CNRS_ université Rennes 1. Dr Catherine André PhD. HDR et le Dr Christophe Hitte - DVM. - Merci au professeur André Sentenac, PhD de biologie moléculaire et membre du Collège de France. - Merci à Mirjan NEU, anthropozoologue. Msc. international Animal Welfare, ethics & law. - Merci à Jeanne Caron , Phd en neurosciences. OÙ ET COMMENT LE LOUP EST DEVENU CHIEN ? DU LOUP AU CHIEN … FAUNE SAUVAGE Véronique Luddeni Février - Mars 2020 Crédit : V. Luddeni Crédit : V. Luddeni Crédit : P. Bradier-Girardeau 28 interactions au sauvage, en les limitant au fi l du temps, restant auprès de sa nouvelle famille et de ses nouveaux congénères, toujours plus près de son « maître nourricier ». Son tube digestif change aussi en assimilant l’amidon et son comportement également. Sa manière d’interagir avec nous s’affi ne (relation interspécifi que) au fi l de son compagnonnage de loin, puis de près, du travail à la relation de confi ance … Et de plus en plus près, grâce aux neurones miroirs qu’il a développés avec nous. Le loup est devenu ainsi le meilleur ami de l’«Homme», en révé- lant notre empathie et notre part d’animalité. LES SECRETS DE L’ADN Les plus anciens fossiles de chiens domestiqués, enterrés par- fois avec leur maître, remontent à 14 000 ans, c’est-à-dire bien avant l’invention de l’agriculture. Mais depuis que la génomique s’en mêle, l’ancêtre du chien semble remonter bien plus loin dans le passé. Un crâne présumé de chien, daté de 33 500 ans, extrêmement bien conservé dans une grotte de l’Altaï, a livré un bout de séquence d’ADN mitochondrial distincte de l’ADN correspondant isolé de fossiles de loups, de la même période, et récupérés dans cette même grotte. Ce n’était plus un loup ! 1 Depuis, d’autres laboratoires (auquel participe le CNRS* de Rennes & l‘ENS* de Lyon, en collaboration internationale) ont séquencé l’ADN mitochondrial complet de dix-huit fossiles de présumés chiens, y compris du chien de l’Altaï, de chiens mo- dernes et de loups, anciens et modernes, pour établir l’arbre gé- néalogique (on dit généalogique et phylogénétique) des chiens et tant qu’à faire, des loups. Résultat décevant : le «chien» de l’Altaï n’a pas laissé de descen- dance. Peut-être représente-il une tentative avortée « d’invention du chien »… Le chien de l’Altaï aurait eu le même destin que OÙ ET QUAND SONT APPARUS LES PREMIERS CHIENS ? La question est encore débattue, même si l’évolution du chien pri- mitif à partir du loup gris (Canis lupus lupus) est admise par tous… Le chien se distingue du loup (de manière générale) par un stop bien marqué entre le front et le nez, une mâchoire moins puissante, des canines plus courtes d’un bon centimètre, un système digestif plus sensible, une capacité à digérer l’amidon depuis près de 7000 ans (mutation du gène AMY 2B) et surtout une aptitude à froncer les muscles orbiculaires (présence du muscle levator anguli oculi medialis*, muscle inexistant chez le loup) et donc, à entrer en résonnance mimétique (neurones miroirs) avec nous (cf. encadré 1)… * Toutes les races de chiens possèdent ce muscle, sauf les huskies sibériens, qui appartiennent aux races de chiens dites primitives et donc plus proches du loup que les autres races. Le «loup» (Canis lupus) primitif devenu chien a su faire évoluer son espace de vie en le restreignant. Il a diminué peu à peu ses Encadré 1 : Effets de l’évolution sur la musculature faciale du chien par rapport au loup Une étude parue le 17 juin 2019 dans Proceedings of the National Academy of Sciences * révèle que l’expression si particulière du chien a été favorisée au cours de l’Évolution. L’équipe de chercheurs de l’Université de Portsmouth à l’origine de cette étude a en effet comparé l’anatomie et le comportement des chiens et des loups. La musculature faciale des deux canidés diffère par la présence ou le développement plus important de deux muscles au-dessus des yeux: - le LAOM ou levator anguli oculi medialis, muscle qui permet de soulever les sourcils (élévation de la pointe interne des sourcils), est présent chez les chiens et quasiment introuvable chez les loups (quelques amas irréguliers de fi bres) ; - le RAOL ou retractor anguli oculi lateralis, muscle qui rétracte le coin extérieur de l’œil vers les oreilles (en élargissant ainsi le regard), est beaucoup plus épais chez les chiens que chez les loups (uniquement constitué de maigres faisceaux de fi bres musculaires). Ces mêmes chercheurs ont également montré que les «expressions faciales des chiens sont soumises à audience» (les chiens se montrant plus expressifs en présence d’un observateur). Ils ont ainsi émis l’hypothèse que «les sourcils expressifs des chiens sont le résultat d’une sélection basée sur les préférences humaines», les muscles responsables se seraient développés avec l’amélioration de la communication avec les humains. Et les chiens qui bougent plus les sourcils auraient eu un avantage sélectif par rapport aux autres, ce qui aurait renforcé ce trait de caractère au fi l des générations suivantes. Toutefois, l’échantillonnage de l’étude n’étant pas suffi sant pour conclure, les chercheurs envisagent de poursuivre leur étude pour confi rmer ces premières conclusions. Une des coauteurs a précisé lors de la présentation de l’étude que ces muscles faisant paraître l’œil plus grand (semblable au regard des bébés humains) déclencheraient une «réaction nourricière chez les humains». Cette réaction avait été l’objet d’une autre étude datée de 2015**, qui avait en effet mis en évidence que l’échange de regards entre les humains et leurs chiens provoquait un pic d’ocytocine, hor- mone également active lors des interactions entre une mère humaine et son bébé. * J. Kaminski et al., Evolution of facial muscle anatomy in dogs, PNAS, juin 2019, https://doi.org/10.1073/pnas.1820653116 ** Miho Nagasawa et al., Oxytocin-gaze positive loop and the coevolution of human-dog bonds, Science, avril 2015, Vol. 348, pp. 333-336 Regard expressif du chien lié à l’élévation de la partie interne des sourcils. Musculature faciale du chien (à gauche) et du loup (à droite). Tim D. Smith Crédit : V. Luddeni 29 les néandertaliens, même si désormais on sait qu’il reste envi- ron 3 % de ces chers ancêtres chez chacun de nous… Donc… L’ADN n’a pas encore livré tous ces secrets. Ce chien de l’Altaï, était-il apprivoisé, domestiqué ? Partageait-il la vie d’un clan de chasseurs-cueilleurs ? Les auteurs le croient puisqu’ils parlent de « domestication » dans le titre de leur ar- ticle, mais rien ne l’indique et rien ne le prouve… On aime à l’imaginer… * CNRS : Centre national de la recherche scientifi que ; ENS Lyon : École normale supérieure de Lyon EST-CE LA DOMESTICATION QUI A « CRÉÉ » LE CHIEN PRIMITIF, PUIS TOUTES LES RACES DE CHIENS MODERNES ? Ce chien de l’Altaï pourrait-il, a contrario, suggérer une appa- rition naturelle de proto-chiens, sans sélection humaine, qui auraient été plus aisément domestiqués par l’homme que les loups ? Cette hypothèse doit être retenue, pour enfi n, là aus- si (comme en écologie), sortir d’une seule vision anthropique. Des études continuent à ce propos, comme nous le confi rme le chercheur Olaf Thalmann (le premier auteur de l’article sur l’ADN mitochondrial). OÙ ET QUAND Les auteurs européens qui ont analysé l’ADN mitochondrial des dix-huit fossiles de chiens et de loups anciens ou modernes, au vu de la plus grande analogie de séquence avec les loups européens en ont conclu que la domestication du chien est in- tervenue en Europe. 2 Mais un article récent de 2016 dans un journal chinois conteste cette conclusion. Les auteurs, chinois pour la plupart, affi rment au contraire que l’histoire du chien domestique a débuté en Asie du Sud-Est. La démarche est intéressante et le travail impressionnant. Les auteurs ont séquencé le génome complet de chiens et de loups modernes provenant d’Europe, d’Asie, d’Afrique, d’Amérique ou d’Océanie. Leurs résultats montrent que les chiens d’Asie du Sud-Est présentent la plus grande diversité génétique entre eux. Les auteurs en concluent que cette communauté de chiens est la plus ancienne (car elle a eu plus de temps pour accumuler des mutations) et donc, que l’Asie du Sud-Est est le berceau de la domestication des chiens, il y uploads/Litterature/ du-loup-au-chien.pdf
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- Publié le Jui 15, 2021
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