Les Presses de l’Université de Montréal Écrire l’écrivain Formes contemporaines

Les Presses de l’Université de Montréal Écrire l’écrivain Formes contemporaines de la vie d’auteur Robert Dion • Frances Fortier écrire l’écrivain écrire l’écrivain Formes contemporaines de la vie d’auteur › Robert Dion Frances Fortier Les Presses de l’Université de Montréal Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Dion, Robert, 1962- Écrire l’écrivain : formes contemporaines de la vie d’auteur (Espace littéraire) Comprend des réf. bibliogr. isbn 978-2-7606-2237-1 1. Écrivains dans la littérature. 2. Écrivains – Biographies – Histoire et critique. 3. Roman biographique – Histoire et critique. I. Fortier, Frances, 1949- . II. Titre. III. Collection : Espace littéraire. pn3426.a84d56 2010 809.3’9357 c2010-942066-7 isbn (version imprimée) 978-2-7606-2237-1 isbn (version numérique pdf) 978-2-7606-2669-0 Dépôt légal : 4e trimestre 2010 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2010 Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaines, de concert avec le Programme d’aide à l’édition savante, dont les fonds pro­ viennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. imprimé au canada en novembre 2010 remerciements Nous tenons en premier lieu à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Fonds québécois de recher­ che sur la société et la culture (FQRSC) qui ont soutenu notre travail depuis le début. Grâce à ces organismes, nous avons pu engager les assistants sans lesquels cette recherche n’aurait pu prendre l’ampleur que nous lui avons donnée : Manon Auger, Anne-Marie Clément, Catherine Dalpé, Caroline Dupont, Marina Girardin, Élisabeth Haghebaert, Audrey Lemieux, Mahigan Lepage et Robin Servant. Qu’ils trouvent ici le témoignage de notre gratitude. Nos remerciements vont aussi à tous ceux et celles qui, au cours des ans, nous ont donné l’occasion, lors de colloques ou de séminaires, de tester nos hypothèses et nos résultats. Nous songeons en particulier à René Audet, Yves Baudelle, Anne Caumartin, Jean-François Chassay, Bertrand Gervais, Barbara Havercroft, Marie-Pascale Huglo, Hans- Jürgen Lüsebrink, Daniel Madelénat, Andrée Mercier, Pascal Miche­ lucci, Élisabeth Nardout-Lafarge, Jean-Benoît Puech, Frédéric Regard, Pascal Riendeau, Richard Saint-Gelais et Maïté Snauwaert. Introduction Écrire l’artiste, écrire l’écrivain : depuis au moins la fin de l’âge classi­ que et la révolution romantique, c’est-à-dire depuis que le sculpteur, le peintre, le poète ou le romancier ont quitté leur position subalterne pour gagner en autonomie et en respectabilité (Viala, 1985), il est devenu courant et légitime, en vertu d’une démarche plus ou moins autoréflexive, de prendre les agents de l’art pour les sujets de l’art. Les écrivains ont ainsi essayé de se comprendre — et de comprendre ce qu’ils font lorsqu’ils créent — à partir de figures inventées d’écrivains, mais aussi d’artistes : cela a donné le Künstlerroman, sous-genre du Bildungsroman dans lequel se sont illustrés aussi bien Émile Zola et Romain Rolland que Thomas Mann, Hermann Hesse, Virginia Woolf, Henry James, Vladimir Nabokov et bien d’autres. Or il semble qu’aujourd’hui les grands romans de l’artiste aient cédé la place à des tentatives souvent plus limitées, moins globales en tout cas, et consacrées à des figures d’artistes et d’écrivains réels, comme s’il s’agissait dorénavant de dire l’aventure d’un prédécesseur pourvu d’une œuvre avec laquelle il fallait obligatoirement compter. Cette « contrainte du réel » n’a pas signifié un assujettissement aux plates conventions du réalisme, bien au contraire. Jouant sur la frontière entre roman biographique et biographie proprement dite, le corpus que nous avons rassemblé, qui n’est pas exhaustif et qui se borne aux seuls textes consacrés aux écrivains par des écrivains (aux biographies littéraires comme les dénomme Frédéric Regard – 1999), couvre tout l’empan qui va de la biographie traditionnelle à peine infléchie par la subjectivité à 10 • écrire l’écrivain la fantaisie biographique qui, par exemple, imagine le retour de Goethe dans notre monde (Schmidt, [1958] 2006 ; Koch, [1998] 1999). De cette diversité des « approches » biographiques contemporaines de l’écrivain témoigne notre propre hésitation terminologique. Au départ, en effet, nous parlions de « biographies imaginaires d’écrivains réels », avant de nous rendre compte que la qualification d’« imagi­ naire », ou d’« imaginatif », pour reprendre l’expression d’Ina Schabert (1990), qui distingue « imaginative biography » et « fictional biography », était peut-être chargée d’un sens trop particulier. Si l’on suit Schabert, la biographie imaginative serait celle qui tire de la masse documentaire un portrait de la vie intérieure, qui puise à tous les procédés littéraires possibles, réimagine « du dedans » des moments clefs de l’existence du modèle, tandis que la biographie fictionnelle irait plus loin, extrapolant à partir d’indices encore plus ténus — non pas par exemple les lettres écrites par le biographé, mais une lettre reçue par lui — et se dispensant des modalisations d’usage — « peut-être que… », « probablement », « j’imagine que… », « je serais tenté de croire que… », etc. — pour pré­ senter la totalité du texte « as a conditional statement » (1990 : 58s.). Entre biographie imaginative et biographie fictionnelle, il n’y aurait donc pas, selon Schabert, différence de nature, mais uniquement de degré. Ralf Sudau, pour sa part, dans un ouvrage de 1985 portant en partie sur la biographie d’écrivain en tant que mode de réappropriation de la tradition littéraire, propose le terme de « fiction biographique » (biographische Fiktion), dénomination toutefois ambiguë, en contexte, dans la mesure où elle pourrait aussi bien s’appliquer à une pure fiction qui prendrait la forme d’une biographie — Sir Andrew Marbot de Wolfgang Hildesheimer ([1981] 1984), pour se borner à un exemple aujourd’hui classique de ce que Herrero-Olaizola désigne par « apocry­ phal biographies » (2002) — qu’à des textes « biographoïdes » (le mot est de Daniel Madelénat) faisant la part belle à l’invention. Quant à l’ex­ pression « biographie fictionnelle », si elle n’avait pas été utilisée par Schabert, comme on vient de le voir, afin de circonscrire un ensemble de textes poussant à la limite les libertés avec les faits, elle aurait peut- être été la plus appropriée, quoique le premier mot du syntagme, « biographie », n’aille pas sans soulever aussi son lot de difficultés. Ce mot, en effet, semble impliquer une narration continue qui embrasse tout le « module existentiel fondamental » (Madelénat, 1984 : 9) que cons­ introduction • 11 tituent la naissance, la vie et la mort d’un écrivain ; or notre corpus est composé en grande partie d’œuvres qui se bornent à quelques épisodes significatifs de la vie des biographés — une année de la vie de Virginia Woolf (Duhon, 1990) ou un été de Lord Byron (West, [1989] 1991), les derniers jours de Charles Baudelaire (Lévy, 1988) ou d’Emmanuel Kant (De Quincey, [1827] 1890), quelques strates temporelles de l’existence de Gottfried Benn (Mertens, 1987), et ainsi de suite —, épisodes à partir desquels, souvent, elles irradient dans toutes les directions. Du coup, il apparaît que c’est bien davantage le « biographique » que la biographie qui nous concerne au premier chef. Celui-ci se caractérise, pour reprendre l’expression d’Alain Buisine, par le retour de « l’écrivain en personne » sous ses divers avatars, tant dans des fictions, des essais et des pièces de théâtre que dans des biographies proprement dites. « Ce qui m’apparaît désormais décisif, c’est que le biographique n’est plus l’autre de la fiction », poursuit Buisine, qui ajoute : « La biographie est elle-même devenue productrice de fictions, bien plus elle commence à comprendre que la fictionnalité fait nécessairement partie du geste biographique » (1991a : 10). Pour conclure cette longue parenthèse terminologique, il convient de retenir une dernière distinction proposée par Jean-Benoît Puech, qui réserve « aux variations romanesques sur les biographies d’auteurs réels le terme désormais consacré de “fictions biographiques”, par exemple Pour saluer Melville, de Giono, et [le renverse] en “biographies fiction­ nelles” pour désigner les pastiches de biographies (pastiches tant for­ mels que thématiques) créant des auteurs imaginaires, par exemple Marbot, d’Hildesheimer ». De toute évidence, ce sont les œuvres que Puech désigne par « fictions biographiques » qui feront l’objet du pré­ sent ouvrage ; et c’est peut-être, dans l’acception particulière que donne à ce terme l’auteur de Présence de Jordane, le nom de genre le plus satisfaisant pour fédérer les textes qui nous intéressent. Un corpus considérable Composé à ce jour de plus de trois cent cinquante titres provenant d’une vingtaine de littératures, notre corpus de fictions biographiques est en constante expansion. En effet, il n’est pas d’anniversaire, de commémoration de la naissance ou de la mort d’un grand écrivain qui 12 • écrire l’écrivain ne produise, en plus de son lot de biographies classiques, des évocations biographiques de toutes sortes. Des collections telles que « l’Un et l’Autre » chez Gallimard ou uploads/Litterature/ e-crire-l-x27-e-crivain-formes-contemporaines-de-la-vie-d-x27-auteur.pdf

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