Du même auteur Le Contrat (avec Fabrice Lhomme) Karachi, l’affaire que Sarkozy

Du même auteur Le Contrat (avec Fabrice Lhomme) Karachi, l’affaire que Sarkozy voudrait oublier Stock, 2010 L’Affaire Bettencourt (avec Fabrice Lhomme) Un scandale d’État Don Quichotte éditions, 2010 L’Affaire Cahuzac En bloc et en détail (en collaboration avec l’équipe de Mediapart) Don Quichotte éditions, 2013 et « Points », n o P3190 Le Sens des affaires Calmann-Lévy, 2014 Informer n’est pas un délit livre collectif sous la direction de Fabrice Arfi et Paul Moreira Calmann-Lévy, 2015 La République sur écoute Chronique d’une France sous surveillance (en collaboration avec l’équipe de Mediapart) Don Quichotte éditions, 2015 Avec les compliments du guide Sarkozy-Kadhafi, l’histoire secrète (avec Karl Laske) Fayard, 2017 ISBN 978-2-02-135445-4 © ÉDITIONS DU SEUIL, SEPTEMBRE 2018 www.seuil.com Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Par l’argent, il avait toujours voulu, en même temps que la satisfaction de ses appétits, la magnificence d’une vie princière ; et jamais il ne l’avait eue, assez haute. Il s’enrageait, à mesure que chacune de ses chutes emportait un espoir. L’Argent, Émile Zola Le catéchisme des vertus et des valeurs de l’homme civilisé occidental contient historiquement, et comme un point déterminant, ou presque, son aptitude à amasser un capital. Le Joueur, Dostoïevski Tu comprends, sur cette Terre, il y a quelque chose d’effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons. La Règle du jeu, Jean Renoir TABLE DES MATIÈRES Titre Du même auteur Copyright Avertissement Une enveloppe Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Sources documentaires Avertissement L’histoire relatée dans cet ouvrage n’est pas inspirée de faits réels ; elle est réelle. Ceux en relation avec l’escroquerie dont il sera ici beaucoup question – l’argent – ont fait l’objet d’instructions judiciaires dans différents tribunaux de France, de procès et de condamnations en première instance, parfois en appel. En revanche, les faits liés aux assassinats ou tentatives dont ont été victimes plusieurs acteurs ou témoins de ladite escroquerie – le sang – en sont toujours au stade de la seule instruction judiciaire, à Paris ou à Nanterre, sans la moindre mise en examen prononcée à l’heure où j’écris ces lignes. Cela rend d’autant plus vive la douleur des familles des victimes, dont le deuil n’a toujours pas connu de sacrements judiciaires, dans certains cas six, sept ou huit ans après les faits. Mais cela signifie aussi que toutes les personnes citées, à commencer par l’escroc Arnaud Mimran, qui, sollicité, dément toute forme d’implication criminelle, sont présumées innocentes. Toutes les sources documentaires qui ont été nécessaires à l’écriture de ce livre, en dehors des dizaines d’entretiens menés, ont été rassemblées à la fin de l’ouvrage (p. 239 à 250). F. A. Une enveloppe Une enveloppe kraft à laquelle le cachet de la préfecture de police de Paris qui la surmontait donnait des allures officielles fut déposée à la fin du mois d’août au journal. Le pli était accompagné d’une mention « personnel » écrite à la main. « Préfecture de police ». « Personnel ». Cela laissait présager quelque chose d’inhabituel et d’intéressant en cette rentrée 2015. Il y avait à l’intérieur quatre pages dactylographiées recto verso. Une sordide histoire d’homme assassiné dont je n’avais jamais entendu parler y était évoquée et, inscrit quelque part à la main, un numéro de téléphone renvoyant vers Israël. Mais contrairement aux apparences, le courrier – déception – n’émanait pas d’un service de police ; il avait été apporté à la rédaction par un policier syndiqué voisin du journal qui disait agir par amitié pour la famille de la victime. C’était un appel à l’aide. Il y a des années de cela, un homme avait été froidement abattu en pleine rue, non loin des Champs-Élysées, et, côté justice, il ne se passait rien, c’est une honte, racontait en substance l’auteur du courrier. Le principal suspect, continuait-il, aurait – ceci expliquant peut-être cela – des amitiés coupables dans la police, des liens opaques avec le Premier ministre israélien, mais aussi avec des hommes politiques français. Il serait également au cœur d’une monumentale escroquerie dite « du CO2 », dont je ne savais alors rien. Le courrier était encombré de points de suspension et de phrases écrites en capitales grasses, ponctuées de rafales de « !!! ». Une lettre de paranoïaque comme on en reçoit plusieurs par mois, je me suis dit. CHAPITRE 1 Avec ma femme et nos enfants, nous habitons entre Belleville et Ménilmontant, dans une vaste résidence composée de lourds immeubles qui ont le charme rétro de leur fausse mocheté. Ces grands ensembles de béton ont été construits au début des années 1960 afin de remplacer les îlots insalubres de Paris. La résidence où nous vivons pourrait à elle seule illustrer la gentryfication que connaît depuis quelques années le XXe arrondissement. Il s’y trouve même un coin dédié au compost collectif. C’est là, à quelques mètres de chez nous, qu’a grandi Samy Souied il y a plus de cinquante ans. Son Belleville n’était pas le nôtre. Le sien sentait la débrouille, les beignets au miel et les tripots. C’était, après Gambetta et avant les Chinois, un Belleville dont les traces s’effacent peu à peu : le Belleville des Juifs tunisiens. Ce que Samy Souied était, juif et tunisien par ses parents. Son père, Camus, Khamous en arabe, était originaire de La Goulette, ville portuaire et cosmopolite située dans les environs de Tunis. Les Souied ont le sens des affaires. Dans le Belleville des années 1960 et 1970, où les baklavas des séfarades d’Afrique du Nord ont remplacé le gefilte fish des ashkénazes d’Europe de l’Est – comme ceux de Madame Rosa dans La Vie devant soi de Romain Gary –, le commerçant représentait la forme de notabilité précaire la plus répandue du quartier. Bien plus qu’aujourd’hui, Belleville grouillait alors de bouchers, de pâtissiers, de gargotiers, d’épiciers, de coiffeurs… Camus Souied tenait une bijouterie installée rue Ramponeau, qui sera déménagée par la suite boulevard de Belleville, à la place de l’actuel restaurant de spécialités tunisiennes Chez René et Gabin, mondialement connu à Belleville et sur la façade duquel on peut encore lire une déclinaison du fameux mantra des supporters du Paris Saint-Germain : « Ici, c’est Gabin ! Gabin est magique ! » Dans la famille, on a la réputation d’être de très gros joueurs. Camus avait sombré dans le poker. « Dans tout, en fait », me confie l’un de ses fils, Erik, déjà fatigué de devoir citer tous les jeux dont le père Souied était l’otage consentant. Il jouait partout et tout le temps. Sur le comptoir de sa bijouterie, dans le premier bar venu, au PMU ou au premier étage du 112, boulevard de Belleville dans un cercle un peu miteux désormais loué par son propriétaire aux Chinois. « Voilà, toute notre vie était là », me raconte Erik Souied en balayant d’un geste ample du bras le boulevard de Belleville, entre deux saluts à de vieilles connaissances du quartier. « Quand un Juif tunisien débarquait à Paris à l’époque, il savait, tout le monde savait, qu’il fallait venir à Belleville. Parce qu’il y avait toujours quelqu’un pour l’aider », se souvient-il. Samy est né le 30 décembre 1964. Il était le benjamin d’une fratrie de huit frères et sœurs. Il y avait Mireille, née en 1951, Vivi, né en 1952, Claude, de 1954, Sylvain, de 1955, Patrick, de 1957, Erik, de 1959, Kathy, de 1962 et Joël, de 1963. Cinq des neuf enfants Souied ne sont plus de ce monde aujourd’hui. Trois d’entre eux (Claude, Sylvain et Patrick) sont morts du sida – une tragédie des quartiers populaires largement occultée –, camés pour certains à l’héroïne. Samy était l’éternel petit. Celui qui a toujours moins le droit que les autres, qui sait moins et fait moins. Celui qui est là, coincé là, prisonnier de son âge, quand les grands s’en vont en premier. Il n’a pas 25 ans quand son père décède. Il n’en a pas 30 quand Claude et Sylvain sont emportés par le VIH la même année, en 1993. Il est là quand sa mère Jeannette, déjà veuve depuis 1987, est condamnée à assister, éplorée et dévorée de douleur, à la lente perte de ses propres fils ; ses frères à lui. Samy a, paraît-il, toujours aimé les histoires de voyous et assez peu celles qu’on raconte à l’école. Il a arrêté les cours avant même d’avoir fini de muer, en classe de 4e. Il tient les murs du quartier, entre le boulevard de Belleville, ses cafés environnants et son cinéma Bellevue. À la place de celui-ci, il y a maintenant une synagogue dont les barrières métalliques qui la protègent en permanence et les militaires surarmés qui l’encerclent parfois me rappellent, sur le chemin du métro, qu’on meurt aujourd’hui d’être juif en France. Mais il y a trente ou quarante ans, c’était pour Samy et ses copains le carrefour de l’insouciance adolescente. Ils uploads/Litterature/ ebook-fabrice-arfi-dargent-et-de-sang 1 .pdf

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