L'Homme C. Metz, Essais sur la signification au cinéma Marc Buffat Citer ce doc
L'Homme C. Metz, Essais sur la signification au cinéma Marc Buffat Citer ce document / Cite this document : Buffat Marc. C. Metz, Essais sur la signification au cinéma. In: L'Homme, 1969, tome 9 n°3. pp. 124-125; https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1969_num_9_3_367069 Fichier pdf généré le 10/05/2018 124 COMPTES RENDUS Christian Metz, Essais sur la signification au cinéma. Paris, Klincksieck, 1968, 246 p. (Collection d'Esthétique, 3). Ce livre regroupe une série d'articles qui constituent une première tentative pour élucider le fonctionnement sémiologique du film. Nous en retiendrons deux motifs qui nous semblent prépondérants : un constat et un problème. Le constat est celui d'une inhérence du narratif au filmique. Tout se passe comme si le spectateur placé en face d'une suite d'images — aussi arbitraire soit-elle — ne pouvait s'empêcher de lui donner sens, c'est-à-dire d'y percevoir un récit. Après Balazs et Mitry, Metz réinterprète à cet égard les célèbres expériences de Koulechov : non plus comme preuve d'une toute puissance du montage, mais comme indice du fait que le film ne peut pas ne pas être un langage : « [Ces] expériences n'autorisent nullement les théories du montage-roi [...] mais prouvent simplement la réalité d'une logique d'implication par quoi l'image devient langage, et qui ne fait qu'un avec la narrativité du film » (« Le cinéma : langue ou langage ? », p. 54). C'est à partir de ce constat de narrativité que peut être déterminée la notion de « modernité cinématographique ». Après en avoir écarté un certain nombre de « définitions » : « mort du spectacle », « mort du théâtre », « cinéma d'improvisation », « réalisme fondamental », « dépérissement du récit », etc. « Le cinéma moderne et la narrativité» (pp. 187-204), Metz conclut que, loin d'avoir « abandonné le récit », le cinéma moderne travaille au contraire sans cesse à l'extension de ses possibilités narratives, extension qui constitue précisément sa « modernité » : «... ce à quoi beaucoup de cinéastes de la nouvelle génération [...] œuvrent avec une patience et un talent qui a déjà porté des fruits, c'est l'effritement ou l'assouplissement progressif du Vraisemblable cinématographique, avec son corollaire, l'enrichissement progressif du dicible filmique... » (« Le dire et le dit au cinéma : vers le déclin d'un Vraisemblable ? », pp. 243-244). Quant au problème, il réside dans la difficulté qu'il y a à penser la spécificité du « langage cinématographique » : «... le cinéma est un langage ; le cinéma est infiniment différent du langage verbal. Va-et-vient que l'on n'esquive pas facilement ni peut-être impunément » (« Le cinéma : langue ou langage ? », p. 51). Cette spécificité, Metz tente de la déterminer de deux manières : — négativement d'abord. Après avoir dénoncé toute assimilation de la « grammaire cinématographique » à la grammaire des langues naturelles (de l'image au mot par exemple, ou de la séquence à la phrase), et montré que, si l'on peut, à propos du cinéma, parler de langage, il est par contre illégitime de parler de langue, il indique un certain nombre de différences entre le filmique et le verbal : le cinéma ne possède pas de double articulation, la connotation y est homogène à la dénotation, la signification y est toujours plus ou moins motivée, la grammaire y est inséparable de la rhétorique, etc. ; — positivement ensuite. Car si le film est intelligible, aussi différent soit-il du langage verbal, il faut bien lui supposer une codification. Ce code est, pour Metz, d'ordre syntaxique. Composé de grandes unités signifiantes il constitue une « syntagmatique de la bande-images ». Une classification en « types syntag- matiques » nous est proposée qu'il serait trop long de détailler ici. Signalons simplement qu'elle reprend, pour le compléter, le systématiser, et lui conférer une pertinence sémiologique, un ensemble de notions couramment utilisées par les COMPTES RENDUS 125 théoriciens et techniciens du cinéma, telles que plan, scène, séquence, montage parallèle, etc. [Cf. : « Problème de dénotation dans le film de fiction », dont la conclusion nous présente un tableau général des « types syntagmatiques », ainsi que « l'analyse syntagmatique de la bande-images », qui nous en propose une application au film de Jacques Rozier, Adieu Philippine.) Nous voudrions, pour conclure, non pas critiquer tel ou tel point de détail, mais soulever une question de principe, portant sur le projet même de l'auteur, sur la globalité à laquelle il prétend. Si le « langage cinématographique » constitue une totalité pour lui-même, autonome, comment éviter que les analyses, même les plus fines, n'aboutissent en fin de compte à une tautologie : le cinéma, c'est le cinéma ? Pour sortir de cette impasse, il faudrait sans doute subvertir le projet sémio- logique : analyser, non plus les codes, mais leurs interférences, les considérer non plus comme des choses dont il suffirait d'exprimer la plénitude, mais les envisager différentiellement, afin de spécifier leurs différences, d'évaluer la différence de leurs différences. Marc Buffat Clifford Geertz, Islam Observed. Religious Development in Morocco and Indonesia. New Haven and London, 1968, Yale University Press, xn + 136 p., bibl., index. En 1967, Clifford Geertz fut invité par la Terry Foundation à donner des conférences sur le « développement religieux » comparé du Maroc et de l'Indonésie. L'objectif de la Fondation, dit une note liminaire, n'est pas de promouvoir la recherche, mais de faire profiter un christianisme « élargi et purifié » des découvertes de la science. L'ouvrage de Geertz ne s'adresse donc pas à des spécialistes, pas même à des anthropologues. Il dessine à grands traits l'histoire religieuse des deux pays où se retrouve constamment l'opposition entre le syncrétisme indonésien et le rigorisme marocain. L'élégance de la conception et de l'écriture ne parvient cependant pas à masquer le défaut de point de vue : la crainte de paraître naïf, la volonté perpétuelle de montrer à son auditoire de croyants ou à ses collègues qu'il n'est pas un enfant de chœur, l'empêchent de s'engager vraiment dans l'entreprise qu'il annonce dans sa préface. En un sens, depuis The Religion of Java, il semble que Geertz ait entrepris d'écrire l'histoire comparée de l'Islam que Weber projetait au moment de sa mort. Il manque pourtant à Geertz cette naïveté conquérante, cette inélégance qui permettait à Weber de se croire autorisé à parler de l'Orient sans être orientaliste, et de religion comparée sans avoir déjoué tous les pièges théoriques du comparatisme. Jeanne Favret uploads/Litterature/ essais-sur-la-signification-au-cinema.pdf
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- Publié le Mar 09, 2022
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