BREVET BLANC Épreuve de Français mars 2014 CORRIGÉ Lisez attentivement le texte

BREVET BLANC Épreuve de Français mars 2014 CORRIGÉ Lisez attentivement le texte suivant : Âgé de cinq ou six ans, je fus victime d'une agression. Je veux dire que je subis dans la gorge une opération qui consista à m'enlever des végétations ; l'intervention eut lieu d'une manière très brutale, sans que je fusse anesthésié. Mes parents avaient d'abord commis la faute de m'emmener chez le chirurgien sans me dire où ils me conduisaient. Si mes souvenirs sont justes, je m'imaginais que nous allions au cirque ; j'étais donc très loin de prévoir le tour sinistre que me réservaient le vieux médecin de la famille, qui assistait le chirurgien, et ce dernier lui-même. Cela se déroula, point pour point, ainsi qu'un coup monté et j'eus le sentiment qu'on m'avait attiré dans un abominable guet-apens. Voici comment les choses se passèrent : laissant mes parents dans le salon d'attente, le vieux médecin m'amena jusqu'au chirurgien, qui se tenait dans une autre pièce en grande barbe noire et blouse blanche (telle est, du moins, l'image d'ogre que j'en ai gardée) ; j'aperçus des instruments tranchants et, sans doute, eus-je l'air effrayé car, me prenant sur ses genoux, le vieux médecin dit pour me rassurer : « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine. » À partir de ce moment je ne me souviens de rien, sinon de l'attaque soudaine du chirurgien qui plongea un outil dans ma gorge, de la douleur que je ressentis et du cri de bête qu'on éventre que je poussai. Ma mère, qui m'entendit d'à côté, fut effarée. […] Ce souvenir est, je crois, le plus pénible de mes souvenirs d'enfance. Non seulement je ne comprenais pas que l'on m'eût fait si mal, mais j'avais la notion d'une duperie, d'un piège, d'une perfidie atroce de la part des adultes, qui ne m'avaient amadoué que pour se livrer sur ma personne à la plus sauvage agression. T oute ma représentation de la vie en est restée marquée : le monde, plein de chausse-trapes, n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie ; je ne suis sur terre que pour devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse de m'emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui peut m'arriver d'agréable en attendant n'est qu'un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me conduire plus sûrement à l'abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené. Michel Leiris, L'âge d'homme, 1939 5 10 15 20 25 30 QUESTIONS (15 points) 1. Quel est le statut du narrateur ? Quel est le point de vue adopté ? (2 points) Le narrateur est un narrateur interne : il écrit à la 1ère personne (« je »). (1 point) Il s'agit d'un adulte qui se remémore un souvenir d'enfance. Il adopte le point de vue de l'enfant qu'il a été (« j'ai été victime d'une agression », « je m'imaginais que nous allions au cirque »), avant de donner son point de vue d'adulte sur l'incident. (1 point) 2. À quel genre ce récit appartient-il ? Justifiez votre réponse. (3 points) Ce récit appartient au genre autobiographique (1 point): le narrateur écrit à la 1ère personne (1 point), et expose un souvenir de sa propre enfance (« si mes souvenirs sont justes », « ce souvenir est, je crois, le plus pénible de mes souvenirs d'enfance ») (1 point). 3. En combien de parties diviseriez-vous ce texte ? À quels moments de la vie du narrateur correspondent-elles ? Pour répondre, appuyez-vous sur les temps des verbes et sur leurs valeurs. (3 points) On peut diviser ce texte en deux parties (0,5 point), correspondant chacune à un paragraphe : • dans le premier, le narrateur fait le récit de son souvenir d'enfance (0,5 point), en utilisant principalement le passé simple (pour les actions brèves, ponctuelles et de premier plan : « je fus », « je subis ») et l'imparfait (pour les descriptions : « je m'imaginais », « j'étais ») (1 point pour les noms des temps + leurs valeurs) ; • dans le second, il commente ce souvenir en expliquant comment il a influencé sa perception du monde, principalement au présent d'énonciation (« est », « suis », « peut ») (1 point pour le nom du temps + sa valeur) : c'est alors le narrateur adulte (0,5 point) qui exprime ses sentiments. 4. Après avoir précisé quelle expérience médicale le narrateur rapporte, expliquez ce qu'il a éprouvé et relevez un champ lexical correspondant (4 mots). (2 points) Le narrateur rapporte le souvenir de son ablation des végétations (0,5 point). Au cours de cette expérience, il a éprouvé : • un sentiment de menace (« ogre », « instruments tranchants », « sans doute eus-je l'air effrayé », « l'attaque soudaine », « la plus sauvage agression »), • de la douleur (« douleur », « cri de bête que l'on éventre », « que l'on m'eût fait si mal »), • un sentiment de trahison (« coup monté », « abominable guet-apens », « duperie », « piège », « perfidie atroce », « promesse fallacieuse »). • un choc devant la brutalité des médecins (« agression », « d'une manière très brutale », « sans que je fusse anesthésié », « attaque soudaine »). Nom du sentiment / de l'émotion / de la sensation : 0,5 point ; champ lexical : 1 point. On attend davantage le champ lexical de la violence ou de la douleur ; si l'élève s'est limité à la trahison, on met 1 point seulement. 5. Que ressent le narrateur vis-à-vis de l'attitude de ses parents ? Citez deux expressions du texte et commentez-les. (2 points) Le narrateur porte un jugement sur ses parents (« Mes parents avaient d'abord commis la faute de... » : il est bien en train de leur reprocher leur attitude). (1 point) Il estime qu'ils l'ont trahi, ont voulu le tromper (« j'avais la notion d'une duperie, d'un piège, d'une perfidie atroce de la part des adultes, qui ne m'avaient amadoué que pour se livrer sur ma personne à la plus sauvage agression » : pour lui, ils ont agi sciemment dans le but de le leurrer et de le faire souffrir). (1 point) 6. En quoi cette expérience a-t-elle influencé la vision du monde de Michel Leiris ? Appuyez-vous sur le champ lexical dominant et sur deux métaphores que vous expliquerez. (3 points) Cette expérience l'a influencé dans le sens où il se méfie désormais de « tout ce qui peut [lui] arriver d'agréable », considérant ces instants de bonheur comme un « leurre » ou « une façon de [lui] dorer la pilule ». Il est devenu pessimiste et considère à présent qu'il ne se trouve sur terre que pour devenir « chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil »), et que tout événement connaîtra forcément une conclusion pessimiste. 1 point pour la vision du monde, 1 point pour le champ lexical, 1 point (0,5 + 0,5) pour les deux métaphores. On peut s'appuyer sur le champ lexical de la chirurgie et de la mort (« n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie », « devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil » ; « me conduire plus sûrement à l'abattoir ») ou de la tromperie (« plein de chausse-trapes », « promesse fallacieuse », « leurre », « une façon de me dorer la pilule »). Les métaphores abondent : « le monde […] n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie » ; « chair à médecin, chair à canons, chair à cercueil » ; « une façon de me dorer la pilule » ; « pour me mener plus sûrement à l'abattoir »... RÉÉCRITURE (3 points) Réécrivez le passage suivant en remplaçant le présent par le futur, et en considérant que le narrateur est une jeune fille. « Le monde, plein de chausse-trapes, n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie ; je ne suis sur terre que pour devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse de m'emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui peut m'arriver d'agréable en attendant n'est qu'un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me conduire plus sûrement à l'abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené. » « Le monde, plein de chausse-trapes, ne sera qu'une vaste prison ou salle de chirurgie ; je ne serai sur terre que pour devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse de m'emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui pourra m'arriver d'agréable en attendant ne sera qu'un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me conduire plus sûrement à l'abattoir où, tôt ou tard, je devrai être menée. » - 0,5 par changement faux, -0,25 pour trois fautes uploads/Litterature/ brevet-blanc-mars-2014-corrige.pdf

  • 44
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager