Revue germanique internationale 8 (1997) Théorie de la littérature ............
Revue germanique internationale 8 (1997) Théorie de la littérature ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Chryssoula Kambas Esthétique et interprétation chez Walter Benjamin ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Chryssoula Kambas, « Esthétique et interprétation chez Walter Benjamin », Revue germanique internationale [En ligne], 8 | 1997, mis en ligne le 09 septembre 2011, consulté le 10 octobre 2012. URL : http://rgi.revues.org/641 ; DOI : 10.4000/rgi.641 Éditeur : CNRS Éditions http://rgi.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://rgi.revues.org/641 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés Esthétique et interprétation chez Walter Benjamin CHRYSSOULA KAMBAS Walter Benjamin a abordé d'une manière toute personnelle les ques- tions d'interprétation. Elles sont formulées en une théorie de l'œuvre d'art, à l'ambition d'exégèse immanente. C'est à première vue une contradiction. Mais il s'ensuit qu'explication théorique sur l'œuvre d'art et exégèse centrée sur la problématique d'une œuvre particulière sont juxtaposées, et ne se trouvent réunies que par leur référence commune à la « philosophie ». Benjamin a développé les principes essentiels de l'interprétation de manière successive et sur le mode d'une abstraction concise, et il les a en même temps modifiés. Changements et compléments constructifs traver- sent l'ensemble des écrits sur la littérature conçus dans le long terme de 1914-1916 à 1940 1. D'autres éléments, en partie des compléments concernant les questions d'interprétation, sont développés dans les essais sur la critique, rédigés vers 1930, et qui devaient servir d'introduction au livre Kritiken [Critiques], lequel n'a finalement pas abouti. Certains arti- cles écrits vers 1930 à propos de publications marquantes concernant les études littéraires donnent aussi des indications quant aux positions de Benjamin sur les questions d'interprétation. Dans ce qui suit, je m'appuierai sur ces écrits et sur les parties rele- vant d'une philosophie de l'art. Le point de départ en sera la philosophie de l'art - à prendre dans ses applications méthodologiques - et son her- 1. Ce sont, dans le détail : Sur deux poèmes de Friedrich Hölderlin, Le concept de critique d'art dans le romantisme allemand (cet écrit a un statut particulier) ; la critique « Les Affinités électives» de Goethe ; des aspects particuliers dans L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique (une œuvre à rapprocher, sur le plan de la méthode et de la philosophie artistique, du projet des « Passages parisiens », tout comme la série de fragments « Eléments sur la théorie de la connaissance, théo- rie du progrès» : Gesammelte Schriften [Œuvres complètes], V, p. 570-611 et suiv.) ; enfin, des pas- sages d'Eduard Fuchs, collectionneur et historien, ainsi que la suite de fragments Sur le concept d'histoire. métisme, devenu à sa manière formidablement fécond chez Benjamin lui- même. Il faut chercher sa signification dans le contexte thématique, dont le thème décisif et premier, génétiquement parlant, en est la démarcation répétée à l'égard de « l'histoire des idées » [Geistesgeschichte], la discipline montante de l'époque 1. Une remarque préalable sur l'utilisation que fait Benjamin du concept d'art, - et d'œuvre d'art, s'impose : pour pouvoir faire de ses textes et extraits de textes sur les questions épistémologiques liées à l'art, des textes abordant les questions d'interprétation, il faut c o m - prendre quelle place occupe la littérature à l'intérieur du domaine artistique. Le concept d'art benjaminien repose sur une conception anthropologique de l'indivision de l'esthétique, qui inclut le domaine de la poétique, à travers les constructions sonores des langues et les mondes irréels de l'imagination. En même temps, la littérature appar- tient au domaine de la connaissance linguistique. Quand il s'agit de son caractère esthétique, Benjamin choisit le concept de «philosophie de l'art » pour parler des textes littéraires, ou bien également « critique artistique » au lieu de « critique littéraire » 2 . La compréhension globalisante de l'art et le concept élargi de litté- rature ne sont donc pas, comme la recherche des années 1970 se plaît à le laisser entendre, un élargissement marxiste des œuvres « tardives » de Benjamin. Ils participent tous deux, dès les environs de 1920, de l'in- vention de concepts esthétiques et philosophiques. Cette dernière appa- raît clairement dans la notice suivante sur la couleur et la ligne. Benja- min y décrit le mimétisme de l'enfant par rapport à la ligne, quand il voit des représentations de livres pour enfants qui illustrent les histoires de façon didactique : « Seules les représentations à but d'illustration sont susceptibles d'être décrites, et non l'œuvre d'art, pas plus que les visions de l'imagination. A travers l'invitation muette à la description qu'elle recèle, cette sorte de représentations éveille le mot chez l'enfant. Mais, de même que l'enfant décrit ces images par des mots, de même il les décrit par des pensées - à savoir : de manière d'autant mieux per- ceptible pour le toucher et la vue. Cela se situe dans ces images. Leur surface n'est pas, comme celle des œuvres d'art, un noli me tangere (...), 1. Une source intéressante du point de vue de la biographie intellectuelle a été fourme par Holger Dainat (H. Dainat, Benjamin, Rothacker und die DVjs, in Marbacher Arbeitskreis für Geschichte der Germanistik, 1991, n° 2, p. 23-27. Le compte rendu détaillé de la manière dont Ben- jamin a critiqué - et adopté - les positions de la germanistique de son temps reste à faire, de même qu'une étude de sa vision et révision de l'histoire des sciences jusqu'alors. Les autres réflexions sur le problème de l'interprétation établissent simplement quelques relations à partir de la terminologie de Benjamin. O n y trouve les raisons pour lesquelles ses positions théoriques ne peuvent être rattachées à la germanistique universitaire, c o m m e cela a été souvent déploré par les contemporains. 2. En particulier dans Le concept de critique d'art dans le romantisme allemand, il utilise sans cesse, à moins d'exclusion imperative, l'homologie art/littérature, et l'impute à Friedrich Schlegel. elle ne peut au contraire qu'être en quelque sorte propice à une littéra- risation infinie : l'enfant compose en elle. »1 En tant que Cognition fondée sur la ligne, le jeu entre les facultés de toucher, de voir et d'inventer des mots a ainsi son évidence dans l'ample domaine esthétique. Dans ce large concept d'art, Benjamin inclut d'une manière générale les facultés, données anthropologiquement, de perce- voir, figurer et connaître. Une fois encore, il met à part la spécificité de l'œuvre d'art et la manière adéquate de la connaître. Au contraire, sépa- rer auparavant les arts en domaines aurait été, justement pour ce qui est de la littérature, exclure totalement l'intention intégrative de l'esthé- tique. Pourtant, c'est justement dans ce passage où il est question de la ligne et de son caractère d'illustration que la démarcation - à la fois com- paraison - par rapport à l'œuvre d'art est instructive. L'œuvre d'art étant un « noli me tatigere», il est impossible de la rendre comme l'illustra- tion, par un récit paraphrasant son contenu. Ainsi Benjamin laisse aussi entendre que même une œuvre d'art linguistique n'est pas transposable de son matériau en la langue de l'analyse. Elle relève donc aussi de la « philosophie artistique ». L'essai de Benjamin sur Hölderlin (1914) fournit les raisons histori- ques qui expliquent la préférence donnée au concept d'œuvre d'art pour les œuvres littéraires et leur interprétation. L'attitude de pensée et la ter- minologie de Benjamin trahissent ici clairement une orientation liée à la Geistesgeschichte, plus précisément du type de celle fondée par le cercle autour de Stefan George 2. Dans l'idée que se fait le cercle de George de ce qui est scientifique - ou digne de la science - , la fonction d'exemple que doit avoir l'écrivain particulier, et son œuvre, pour la crise de l'époque contemporaine est déterminante. En revanche, dans sa théorie esthétique, Benjamin s'efforce, comme on le verra, d'objectiver l'autorité de l'écrivain dans le texte lui-même. Par là, il se distingue de l'attitude de pensée propre à la Geistesgeschichte. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'effort pour fonder une terminologie solide. Voici, à grands traits, en quoi consiste cette position apparemment contradictoire. Dans ce « commentaire », il est question d'une compa- 1. Œuvres complètes [OC] V I , p. 113. Notice vers 1920. 2. Importants sont, dans notre contexte, Friedrich Gundolf et Norbert von Hellingrath. A propos de la version de la Geistesgeschichte [Histoire des idées] propre à Gundolf, uploads/Litterature/ esthe-tique-et-interpre-tation-chez-benjamin.pdf
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- Publié le Apv 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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