N. J. Yameogo Akofenaçn°001 647 ESTHETIQUE ET DRAMATISATION DE LA VIOLENCE DANS

N. J. Yameogo Akofenaçn°001 647 ESTHETIQUE ET DRAMATISATION DE LA VIOLENCE DANS AMORO DE JACQUES PROSPER BAZIE : EXPRESSION ET TYPOLOGIE Nongzanga Joséline YAMEOGO Université de Ouaga Pr Joseph Ki- Zerbo - Burkina Faso Université Franche Comté de Besançon - France yameogojoceline@yahoo.fr Résumé : La pièce de théâtre, Amoro, de Jacques Prosper Bazié porte les stigmates d’une communauté dévastée par une confrontation brutale et sanglante, d’une société atrocement affectée dans sa dynamique communautaire, d’un peuple traumatisé et violenté. Aussi, le présent article se propose d’examiner les stratégies discursives, langagières, verbales, mobilisées pour dire la violence. Quels procédés littéraires sont mis en place pour entraîner le lecteur dans un univers violent ? Quelles caractéristiques définissent l’imaginaire « bazién » de la violence ? Cet article questionne l’espace et les enjeux de la violence communautaire, sous l’angle de la théorie et de la création littéraires. Mots clés : Esthétique, dramatisation, violence, Pragmatique, Amoro Abstract : The theater piece, Amoro, by Jacques Prosper Bazié carries the stigma of a community devasted by a brutal and bloody confrontation of a society excruciatingly affected in its communnity dynamics, of a trauùatized and abused people. This article therefore sets out to examine the discursive, linguistic and verbal strategies used to say violence. What literary procedures are in place to draw the reader into a violent universe ? What characteristics define the « bazien » imagination of violence ? This article questions the space and the challenges of community violence from the angle of literary theory and creation. Keywords : Aesthetic, dramatization, violence, pragmatic, Amoro Introduction La violence est très présente dans les pièces de théâtre. En effet, des dramaturges comme les tragiques grecs, Shakespeare, Jean-Pierre Guingané et Prosper Kompaoré disent la violence dans leurs œuvres. S’inscrivant dans cette lancée, Jacques Prosper Bazié met en texte des sentiments dévastateurs et de pulsions destructrices dans Amoro. Cette pièce de théâtre est le lieu d’expression de la cruauté, de la férocité et de l’atrocité de Samory. C’est une violence sujette à des mutations thématiques et esthétiques qui la font évoluer tout au long de la pièce. Prise au piège d’événements tragiques, atroces et d’actes révolutionnaires qui ne peuvent être tus, la dramaturgie de Bazié est hantée par les images horribles de la confrontation sanglante entre Amoro et Samory dont elle se fait l’écho. Comment la violence se manifeste-t-elle dans Amoro ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour la dire ? Pour répondre à ces questions, nous exploitons les travaux de Jean-Pierre Ryngaert et Jean-Pierre Sarrazac qui proposent des pistes d’analyses et des voies d’entrée dans le texte dramatique. Esthétique et dramatisation de la violence dans Amoro de Jacques Prosper Bazie : expression et typologie Mars 2020 ç pp. 647-662 648 Notre démarche est de poser la violence comme une réalité en étroite relation avec son univers d’émergence. Le présent article sur les structures théâtrales de la violence s’organise autour de trois axes. Le premier renvoie à la dramatisation de la violence dans Amoro. Le deuxième révèle les procédés de sa dramatisation. Le troisième est consacré aux implications signifiantes des stratégies langagières pour dire la violence sur les plans esthétique et pragmatique. 1. La dramatisation de la violence dans Amoro Ce point est consacré aux stratégies de mise en drame de la violence dans la pièce en étude. Jacques Prosper Bazié s’appuie sur quelques aspects folkloriques de la littérature et des traditions orales. Ce qui explique le recours aux proverbes, maximes et dictons. La pièce décrit des enjeux politiques dialectiques et met l’accent, sur l’action du héros du Noumoundara. L’héroïsme des Tiéfos a contribué à retracer l’histoire de ce peuple. Cela répond au souci de restituer le passé. Il s’agit d’une violence compensatoire qui réhabilite, voire revendique les violences assumées par les Tiéfos à travers la magnificence de leur bravoure. À ce repositionnement, succède la monstration d’une lutte révolutionnaire organisée par un peuple brimé, en vue d’accéder à sa libération. En plus de l’éloge de la grande figure des Tiéfos, il s’agit des exactions de l’envahisseur. C’est une illustration d’une violence exutoire et cathartique. Cette forme de violence forge la fable dramatique durant la période de la révolution voltaïque, où la répression fait place à la réhabilitation, à la libération des peuples. Cette féroce lutte génère beaucoup de douleur, de cris, de sang et de mort. La révolution étant propice à la dénonciation de l’oppression, cette période constitue le bon moment au cours duquel, Jacques Prosper Bazié se décharge de son désir de révolte. C’est une sorte de défoulement qui procède d’une représentation systématique des violences sociales. Ces aspects correspondent aux temps forts d’un processus qui éclaire l’histoire des Tiéfos. Aussi, Jacques Prosper Bazié est-il passé d’une violence de la souveraineté territoriale à une violence politique engagée contre l’autorité d’Amoro. Plus que de se confondre à l’histoire des Tiéfos, ces formes de violence constituent le point de départ d’une dramatisation. 1.1 L’expression de la violence La pièce de théâtre, en étude, dit une violence qui s’est déroulée à Noumoundara. Le dramaturge, pour exploiter cette situation dramatique, investit les entrelacs de l’histoire des Tiéfos et apporte une vérité documentaire. Jacques Prosper Bazié donne, ainsi, à voir la résurrection du passé du Noumoundara comme une enquête qui a mobilisé un recueil de témoignages, des archives et une critique de sources. Certes, il repose cette somme documentaire sur une enquête approfondie, méthodique menée avec des outils scientifiques, mais il ne se contente pas de visiter les lieux du drame et de mobiliser les documents qui illustrent son récit. Cela met en exergue N. J. Yameogo Akofenaçn°001 649 l’intentionnalité du dramaturge, celle de restituer la mythique bataille de Noumoundara de façon documentée et d’assurer une transmission vivante de ce passé. Les conflits en question, sont issus d’affrontements entre communautés rivales dont les intérêts divergent. Bien qu’étant constituée, du point de vue de la forme, d’un brassage esthétique (la littérature orale et l’historiographie), la pièce de Jacques Prosper Bazié, reste une œuvre fortement thématique. L’accent est mis sur la vraisemblance des événements racontés, l’objectif final étant d’informer le lecteur des réalités du passé des Tiéfos. De là, découle la primauté de l’histoire sur les moyens de transcription de la violence. Dès lors, l’expression de la violence dans ce théâtre, se résume à un traitement thématique qui prend son ancrage dans la culture traditionnelle. La consultation de marabouts, l’invocation de puissances célestes, spirituelles sont autant de faits qui dominent la pièce. Nous essayons de voir, comment ces éléments culturels qui, du reste, génèrent la violence, parviennent à occuper l’espace dramatique. -Les matériaux de l’écriture de la violence Pour rendre compte du massacre des Tiéfos, Jacques Prosper Bazié a recours à des procédés littéraires qui traduisent l’émotion et explorent l’intimité des expériences collectives/individuelles des personnages. Il s’agit de la métaphore animalière et des événements liés au quotidien traditionnel africain. Ces deux réalités constituent les sources d’inspiration de Jacques Prosper Bazié, mais aussi, les caractéristiques de sa pièce. ►La métaphore animalière Omniprésente dans la fiction littéraire, « la métaphore animalière est abordée tantôt comme outil analogique […] tantôt comme objet d’altérité […] » souligne Michel Martin-Sisteron (2006, p7). Ainsi, elle est, ici, la manifestation d’un concept telle l’image du léopard et du lion. Ce qu’illustre Jacques Prosper Bazié (1986, p15) en ces termes : « Je conseille à mon frère la prudence du léopard et la colère du lion». Ce propos allusif aborde de manière critique et métaphorique la conduite de l’Almamy et l’aguerrit face à cette situation qui semblait lui échapper. Ainsi, cette rhétorique de l’allusion éveille dans l’esprit de Samory l’idée dont le marabout ne parle de façon expresse. Ce procédé stylistique permet d’enseigner un auditeur averti par peu de mots. La métaphore animalière traverse toute la trame dramatique en étude. C’est une donnée constante de l’imagination de l’auteur. ►L’exploitation de proverbes, de dictons, de maximes et de sentences D’origine folklorique, ces formules constatent des faits, résument une théorie ou tirent une conclusion des constats, expriment un conseil, énoncent un enseignement, édictent une règle de conduite et émettent un jugement moral, dogmatique. Ces formules métaphoriques, imagées, allégoriques et symboliques témoignent d’une conviction déjà éprouvée. Ce que traduisent les propos du grand notable Madou : « Un homme sans terre [est] pire qu’une hyène Esthétique et dramatisation de la violence dans Amoro de Jacques Prosper Bazie : expression et typologie Mars 2020 ç pp. 647-662 650 vagabonde […]. J’ai entendu les griots clamer que qui honore et vénère le sol des siens ne sera jamais perdu dans la furie des combats […] », Jacques Prosper Bazié (1986, p17) ►La pièce est inspirée d’un fait historique réel La transcription du récit historique sur la bataille de Noumoundara sur le terrain dramatique est marquée par la narration de faits réels. Cela fait de la pièce de théâtre, un entrecroisement de l’histoire et de la fiction. Ce qui est, pour Paul Ricoeur (2000, p739), constitutif de toute écriture de l’histoire. Cela implique que Jacques Prosper Bazié transforme l’histoire en fiction, mais ne l’efface pas quand bien même que uploads/Litterature/ esthetique-et-dramatisation-de-la-violence-dans-amoro.pdf

  • 11
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager